Orphanis
Orphanis, tragédie en cinq actes et en vers, de Blin de Sainmore, 25 septembre 1773, reprise le 11 frimaire an 12 [3 décembre 1803].
Théâtre Français.
En 1773, la pièce a été jouée dans la Salle des Machines du Palais des Tuileries.
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Titre :
Orphanis
Genre
tragédie
Nombre d'actes :
5
Vers ou prose ,
en vers
Musique :
non
Date de création :
25 septembre 1773, reprise le 11 frimaire an 12 [3 décembre 1803]
Théâtre :
Théâtre Français
Auteur(s) des paroles :
Blin de Sainmore
La reprise d'Orphanis, qui n'avait pas été jouée depuis 1788, n'a pas été un succès. Elle a pourtant connu un marge écho dans la presse. On trouvera ci-dessous ce que deux journaux en ont dit en 1803, le Courrier des spectacles (le plus prolixe, souvent pour polémiquer sur le choix d'une interprète) et le Journal de Paris, qui n'apprécie pas non plus le choix de Mlle Volnais pour tenir le rôle d'Orphanis.
Courrier des spectacles, n° 2158 du 12 pluviôse an 11 (1er février 1803), p. 2 :
[Bilan de la situation du Théâtre Français. Petit panorama des interprètes. Il est d'abord question des acteurs jouant la comédie. Le critique passe ensuite à la tragédie, où le choix des interprètes féminines est nettement moins riche.]
La tragédie n’a point la même ressource, aussi représente-t-on toujours les mêmes ouvrages. Il nous semble cependant qu’il seroit très-facile de profiter de la mémoire et de l’émulation de nos jeunes actrices, pour rendre à la scène française son répertoire dans toute sa richesse.
Qui empêcheroit qu'Orphanis, qui dans les débuts de Mlle Raucour ajouta à sa gloire, ne fournit à son élève les moyens d’établir la sienne ? Vingt autres pièces partagées entre elle et Mlle Duchesnois pour les premiers rôles, trouveroient dans Mlles Bourgoin et Volnais deux jeunes rivales non moins disposées à se mesurer. Talma et Lafond ne brûlent pas moins du desir de paroitre. Ils sont jeunes tous deux ; à leur âge la mémoire ne craint pas d’être exercée L’obstacle proviendroit peut-être des Jeunes Premiers, mais tandis que Damas apprendroit, St-Fal, qui sait tant, et dont le zèle pour sa société ne connoit point d’égal, parviendroit à lever quelques difficultés. Ne jouera-t-il plus ce Zéangir qu’il remplissait si bien dans Roxelane et Mustapha ?
On ne peut se dissimuler que l’emploi de Jeune Premier a grand besoin qu’il se présente des débutans : mais maintenant que le gouvernement veille à la restauration des arts, il y a lieu de croire que cette partie intéressante au soutien de la Scène Française ne sera point négligée.
Le Pan.
Courrier des spectacles, n° 2392 du 6ème jour complémentaire [23 septembre 1803], p. 3
On va remettre au théâtre la tragédie d'Orphanis, de M. Blin-de-Sainmore. Mlle. Volnais sera, dit-on, chargée du rôle d'Orphanis.
Courrier des spectacles, n° 2464 du 12 frimaire an 12 [4 décembre 1803], p. 2 :
Théâtre Français de la République.
Première représentation de la reprise d'Orphanis.
Nous ne reviendrons point sur l’analyse de cette tragédie que nous avons déjà donnée dans ce journal ; nous rappellerons seulement qu’elle fut représentée pour la première fois le 25 septembre 1773 ; que Mlle Raucour, qui n’avoit point encore achevé ses débuts, joua d’original le rôle d’Orphanis ; que ceux d’Arcès et de Sésostris furent remplis par Molé et Brisard.
Reprise en 1776, en 1780, en 1781, et enfin le 10 mai 1788, époque des troubles du parlement, cette piece fut arrêtée par suite de l’application que l’on fit de ce vers :
Ce palais est par-tout de gardes entouré.
La derniere édition d’Orphanis est précédée d’une épitre en vers que l’auteur a adressée à mademoiselle Raucour. Nous en extrairons le passage suivant, qui nous a paru d’une vérité frappante :
Sexe enchanteur, quel est donc votre empire ?
Dans l’univers, tout tombe à vos genoux ;
Avec un mot, un regard, un sourire,
A votre gré vous disposez de nous.
En cent moyens votre adresse fertile
Sait à vos goûts tôt ou tard nous plier.
Pour résister la force est inutile,
Prince ou sujet, philosophe ou guerrier,
Vous domptez tout et notre cœur fragile
Est sous vos lois ce qu’est la molle argile
Entre les mains d’un habile ouvrier.
Au bien, au mal voulez-vous nous conduire ?
Nous devenons vertueux ou méchants :
Vers le bonheur dirigez nos penchans,
Et ce sera doublement nous seduire
Nous disions il y a quelques mois, en parlant de cette tragédie, que le rôle d’Orphanis conviendroit parfaitement à Mlle Georges ; l’auteur en a jugé autrement, il l’a donné à Mlle Volnais. Son choix a étonné tout le monde ; nous croyons devoir l’attribuer au désir qu’il a eu de témoigner son oubli des torts de cette jeune actrice. Cette marque de bienveillance du maître fait croire au repentir de l’élève, et les honore également.
Nous avons précédemment payé notre tribut d’éloges à l’ouvrage de M. Blin-de-Sainmore. Nous en avons vanté l'intérêt, la conduite. L’action est d’une belle simplicité, le dénouement a produit beaucoup d’effet. Arcès se jettant aux pieds de Sésostris qu’il vouloit assassiner, a excité les plus vifs applavdissemens. Chacun sembloit indiquer qu’il en eût fait autant. La comparaison de cette scène avec celle où, dans Mahomet, Séïde va assassiner Zopire, nous paroît toute à l’avantage de l’auteur d’Orphanis ; elle est plus terrible chez Voltaire, mais elle est plus naturelle chez M. Blin.
Mlle Volnais, ainsi que nous l’avions prévu, a été extrêmement foible dans le rôle d’Orphanis. Elle l’a conçu et y a même mis de l’intelligence, mais elle n’a pu exprimer ce qu’elle a senti. Il est des personnages pour lesquels il faut de certaines qualités physiques que l’on ne peut se donner. Quelques changemens paroissent avoir été faits à son rôle pour le rapprocher un peu plus de ses moyens et du genre de son talent, qui n'est ni la fierté, ni la noblesse, ni la dissimulation ; mais on n’a pu lui sauver la monotonie de la diction et une espece de chant dont il est à désirer qu’elle ne contracte point l’habitude.
St-Prix et Lafond ont été fort beaux dans les rôles de Sésostris et d’Arcès.
Les fautes de prononciation tirant fort à conséquence au théâtre Français, qui doit être une école publique, nous ferons observer à plusieurs acteurs que l’on ne doit pas prononcer desir, mais désir, et à Lafond en particulier, qu’il faut dire hélas ! et non hèlas. Nous nous attachons à cette faute parce qu’il l’a commise trois ou quatre fois dans le rôle d’Arcès.
Lepan.
Courrier des spectacles, n° 2466 du 14 frimaire an 12 [6 décembre 1803], p. 2-3 :
Sur Orphanis.
Nous apprenons à l’instant, par la lettre ci-après, que M. Blin de-Sainmore vient de retirer sa tragédie. Il y a lieu de présumer qu’il a été déterminé à ce sacrifice par les critiques un peu dures que plusieurs journalistes ont faites de son ouvrage. Nous avons émis d’avance une opinion bien différente de la leur, l’intérêt de l’art nous fait un devoir de les combattre. Un d’eux a dit :
« L'Année Littéraire seule contre l’avis de tous les gens de goût et de tous les critiques du tems, osa louer Orphanis. » Cette proposition est plus que hasardée.
Le cardinal de Bernis écrivoit à M. Blin, en 1774, en parlant d'Orphanis : « J’en ai admiré les caractères, la conduite et la versification. Elle suppose une grande connoissance du théâtre et du coeur humain. »
Le Journal de Paris la critique aujourd’hui. Elle fut louée en 1780 par celui qui rédigeoit alors cette feuille, et l’on sait qu’elle jouissoit d’une bonne réputation.
L’Abbé Sabatier de Castres cjui n’étoit pas louangeur, a dit en parlant d'Orphanis :
« La marche de cette pièce est simple et naturellee ; les principaux caractères nous ont paru bien dessinés et bien soutenus, le style en est agréable, facile et correct ; cet ouvrage en un mot annonce un vrai talent pour l’art sublime de Melpomene. »
Le Mercure du mois d’octobre 1773, après avoir rendu compte de la piece et de son succès, ajoute : « II y a dans cette tragédie des vers heureux, des situations fortes, des caracteres soutenus. »
Voilà quatre autorités à joindre à l'Année littéraire, et l’on peut cette fois faire un reproche aux comédiens d’avoir monté une tragédie qui avoit réuni les suffrages de cinq critiques, et qui à quatre reprises différentes a obtenu un succès constant.
Concevoir un plan avec simplicité, créer trois -personnages, conserver fidèlement leurs caractères, les faire agir naturellement, n’est plus un .mérite aujourd’hui. Il sembleroit que le style est tout dans une tragédie. Quelques négligences, un nom même trop commun nuit au succès d’une pièce, et parce que de nos jours on a entendu dans un appartement appeler un petit chien Azor, une tragédie jouée pendant quinze ans avec succès fera rire par cela seul qu’un confident Egytien y porte le nom qu’on a donné depuis en France à un petit épagneul.
Quant à nous , nous pensons qu’il y a eu beaucoup de mérite à composer un ouvrage en cinq actes, dans lequel trois personnages seulement agissent et soutiennent continuellement l’intérêt.
Le reproche que l’on fait à l’auteur d’avoir supposé une loi qui n’existoit pas en Egypte, est sans doute un badinage. Orphanis, dit-on, devoit attendre la mort de Sésostris pour chercher à monter sur le trône ; on ne vent donc pas lui supposer toute l'impatience de l’ambition, elle veut, dit-on, tuer un vieillard respectable, un grand roi, pour le plaisir de régner quelques jours plutôt. Sans doute; la passion n’admet aucun égard, ne souffre aucun délai. Qui choisit-elle pour frapper Sesostris ? un neveu cher à ce Prince comme son propre fils, Mais Arcès, héritier du trône, peut seul satisfaire sou ambition, et c’est par l'ascendant qu’elle sait avoir sur lui qu’elle compte parvenir à son but.
Sésostris, dit-on, laisse sans cérémonie enlever de la tour sa prisonnière ; il y a eu un combat dans lequel sa garde a été repoussée. Sésostris qui dans le trouble qu’il éprouve ne peut goûter aucun repos, conjure les Dieux de préserver Arcès d’une fatale ivresse ; l’idée est belle, et si la scene est imitée de Mahomet, peut-être est-ce avec quelqu’avantage.
Il n’est pas douteux que le côté foible de cette tragédie, c’est le style, mais si le cardinal de Bernis et l’auteur des Siècles Litteraires lui ont donné des éloges, il faut bien croire qu’il en mérite, et sans nous arrêter aux critiques qui ont été faites quelquefois avec justesse de plusieurs vers isolés, nous indiquerons la scene de l’Ambassadeur Crétois, le discours de Sésostris à Arcès, et ce récit qu’Azor fait du combat :
Après avoir long-tems combattu la tempête,
Enfin du Mont Ida nous découvrons le faîte.
On aborde, on descend , et les Crétois surpris
Poussent en nous voyant de formidables cris.
Chacun range les siens et s’apprête au carnage.
Le signal est donné : déjà tout le rivage
N’est qu’un vaste théâtre où règne la terreur ;
L’un et l’autre parti s’avance avec fureur.
Aux efforts des Crétois nos bataillons répondent ;
On se heurte, on se mêle et les rangs se confondent.
Nous nous réunissons ; nous redoublons nos coups :
Le sort long-tems douteux semble pencher pour nous.
Mais, ô revers funeste, ô disgrâce cruelle !
Tout-a-coup d'ennemis une troupe nouvelle
Vient au milieu de nous fondre de tous côtés.
Nous abandonnons tout ; surpris, épouvantés,
Nous fuyons. Le crétois que ce renfort excite,
En nous enveloppant, s’oppose à notre fuite.
Si ce morceau ne présente pas cette poésie sublime qui ne convient qu’au poëme épique, nous pensons du moins qu’il peint parfaitement, et nous ne serions pas étonnés que ce fût un de ceux qu’a admirés le cardinal de Bernis , et que M. Sabatier trouve écrits avec agrément, facilité et correction.
Le Pan.
AU RÉDACTEUR
Paris, ce 13 frimaire.
Je vous prie, Monsieur, de la part de la Comédie Française, d’insérer dans votre plus prochain numéro la lettre suivante qu’elle vient de recevoir de M. Blin-dc-Sainmore.
J’ai l’honneur de vous saluer.
Laplace,
Secrétaire de la Comédie.
Je vous prie, Messieurs, de ne point annoncer la tragédie d'Orphanis ; je la retire dès ce momeut, et ne veux point qu’on la représente davantage.
J’ai l’honneur de vous saluer.
Blin-de Sainmore.
Ce 12 frimaire an 12, Le matin.
Le Courrier de spectacles n° 2468 du 16 frimaire an 12 [8 décembre 1803] évoque les dissensions au sein du Théâtre Français :
Théâtre de la République.
Encore Phèdre ! toujours Phèdre ! Mais que voulez-vous qu’on donne ? M. G. ne veut pas qu’on joue Agamemnon, MM. S. H. et F. P. ne veulent pas qu'on représente Orphanis ; tous pulvérisent les nouveautés, les auteurs modernes tremblent pour leurs ouvrages ; il ne reste donc plus qu’à jouer Racine, qui seul peut braver tous les orages; toutes les critiques.
La solution, c'est de faire jouer Phèdre à mademoiselle Duchesnois.
Courrier des spectacles, n° 2470 du 18 frimaire an 12 [10 décembre 1803], p. 2 :
AU RÉDACTEUR.
Paris, ce 16 frimjaire.
Un ami des arts, étranger aux petites cabales, aux petites considérations, aux vieux préjugés, peut-il hasarder de vous donner son avis, non sur la pièce, mais sur le rôle d’Orphanis ?
Un de vos confrères a dit que mademoiselle Volnais n'avoit rien de ce qu' il falloit pour jouer ce rôle ; et vous, citoyen Rédacteur, en rendant justice à son intelligence, vous avez ajouté : Qu'elle n'avoit pu rendre ce qu'elle sentoit.
Je crois qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une voix forte, une grande taille, pour jouer le rôle d’une femme perfide.
Mademoiselle Raucourt qui n’a jamais eu que ces avantages, a pu laisser cette impression ; mais en y réfléchissaut, ne sait-on pas que souvent les traits les plus gracieux cachent le caractère le plus prononcé, et l'ame la plus perverse ? et quand il est question de séduire un jeune homme, ne semble-t-il pas plus naturel qu’il le soit par une feinte douceur et par l’amour qu’il croit inspirer, que par les accens et les éclats d’une Médée.
Orphanis est une femme ambitieuse, mais adroite, mais de sang-froid ; elle sent bien qu’elle ne peut conduire son amant au crime, qu’en feignant les vertus qui la rendent plus aimable, et assurent le succès de ses manèges. Il ne semble que mademoiselle Volnais l’a pris ainsi ; elle a su mettre une expression différente dans les scènes avec Arcès, et dans celle avec sa Confidente ; et si sa figure a paru un peu jeune, sa taille, son maintien et sa voix ont secondé son débit et son intelligence ; enfin, ceux qui la critiquent si sévèrement ne devroient-ils pas remarquer qu’elle a su se garantir du ton pleureur et de la monotonie qu’on lui reproche quelquefois, qu’elle a montré une voix plus ferme, un débit plus vrai et plus rapide qu’elle ne l’avait fait jusqu’alors, et ne doit-on pas présager dans la maniere dont elle a rendu un rôle aussi long et aussi ingrat, le parti qu’elle pourra tirer d’autres plus avantageux ? enfin ce rôle ne peut que faire honneur à son talent, dont les progrès sont sensibles de jour eu jour.
Je vous salue.
G. J.
Note du Rédacteur.
Quoique notre opinion soit, presque en tous points, diamétralement opposée à celle énoncée dans cette lettre, nous n’avons pas cru devoir en refuser l’insertion.
Le Journal de Paris a abondamment annoncé la reprise d'Orphanis, tout au long du mois de novembre.
Journal de Paris, n° 356 du 26 fructidor an 11 [13 septembre 1803], p. 2273 :
On se propose de remettre au théâtre Français la tragédie d’Orphanis, par M. Blindesainmore ; les premiers rôles de cette pièce seront remplis par Lafond, S.-Prix & M,lle Volnais.
Journal de Paris, n° 72 du 12 frimaire an 12 [4 décembre 1803], p. 444-445 :
[Le Marchand de Londres ou l'Histoire de George Barnwell est une tragédie bourgeoise en cinq actes et en prosede Pierre Clément traduite de l'anglais de George Lillo publiée en 1748.]
Théâtre Français.
Reprise d’ Orphanis, Tragédie.
L’auteur d'Orphanis existe encore, & vient même de former pour la scène française une actrice trèsintéressante*. Cependant, la tragédie dont il s’agit commence à dater de loin (du 25 septembre 1773) & , quoiqu’elle ait eu plus d’une reprise, peu de personnes aujourd'hui l'ont vit représenter. Nous croyons donc devoir rapporter la fable de cet ouvrage, en ayant le soin toutefois d’élaguer ce qui ne tient point au fonds de la pièce.
Orphanis, fille d’un général Crétois, qui fut vaincu par Sésostris, roi d’Egypte, a été conduite & élevee dans le palais de ce conquérant, Arcès, jeune prince égyptien, vient, à son tour, de remporter une grande victoire sur les Crétois, & l’ambitieuse Orphanis, qui a trouvé le chemin de son cœur, attend son retour avec impatience, dans l’espoir qu'il l’épousera. Ce héros vient, en effet, lui faire hommage de ses lauriers, & lui jure une amour éternelle. C’étoit alors une prérogative des généraux vainqueurs que la première grâce demandée par eux leur fut aussîtôt accordée. Arcès demande le main d'Orphanis, & Sésostris la lui refuse. Ce monarque a promis le prince à l’héritière du royaume de Crète, & rien ne peut le faire changer de volonté à cet égard, Arcès, violemment irrité, invoque la loi de l’état, & ose menacer son souverain. Orphanis est mise en prison, désespoir de son impétueux amant. Il excite une sédition, & délivre la belle prisonnière. Celle-ci, ne respirant que vengeance, arme d’un poignard le jeune vainqueur, & lui ordonne de tuer le TYRAN ; Arcès égaré par l’amour.
» Est tout prêt d’obéir à cet ordre inhumain ; »
mais l’horreur d’un si noir attentat
« Au moment de frapper vient arrêter sa main. »
& il se précipite aux pieds de Sesostris, Orphanis, qui se croit obvée, arrive alors pour jouir de son triomphe; mais voyant que le roi n'est joint mort, elle avoue ses odieux desseins, & elle se tue.
Cette pièce n’a produit hier qu’un effet médiocre ; elle a paru offrir trop de lieux communs, &: elle n’est réellement qu’un centon tragique, dont Corneille, Racine & Voltaire ont fait, à eux trois, tous les frais. Le sujet est calqué sur celui de Barnevelt ou le Marchand de Londre ; Sésostris contrefait tantôt Agamemnon, tantôt Alvarès, tantôt Zopire. Arcès n’et autre qu'un Seïde, détrompé avant le crime, & Orphanis, Mahomet femelle, se montre trop froidement atroce. Il y a, d’ailleurs, dans le dialogue, tant de maximes bancales & d'antithèses, qu'elles étouffent tout l’intérêt. Ce seul vers fera juger du style :
» Soyons sujet fidèle & roi de notre cœur. »
M.11e Volnais qui remplit le rôle d’Orphanis, n’a rien de ce qu'il faut pour le bien jouer. Lafond & S.-Prix, l’un dans le rôle du prince, l’autre dans celui du roi, ont fait tout ce qui étoit en leur pouvoir pour réchauffer la scene glacée par la princesse, & ils n’y ont réussi qu’une seule fois.
Le premier consul assistoit à la représentation & a été applaudi à trois reprises avec le plus vif enthousiasme.
Nota. La parodie d'Agamemnon, au théâtre du Vaudeville, a obtenu hier beaucoup de succès. Elle est de MM. Barré; Radet, Desfontaines & Armand-Gouffé. A demain les détails.
* M.lle Volnais, qui est aussi l’élève de Dazincour.
Journal de Paris, n° 74 du 14 frimaire an 12 [6 décembre 1803], p. 455 :
[Petit article plein de fiel : Fréron (dont on connaît la mauvaise langue) n'a bien sûr pas donné de conseil aux comédiens, et Geoffroy n'est pas l'auteur de la Mort de Caton, un canular dont l'illustre critique a été la victime. Les moeurs de la prese du temps ne sont pas toujours cordiales.]
Les comédiens français, qui ont remis au théâtre Orphanis, sur la parole de feu Fréron & du C.en Geoffroy, sont si flattés de l’accueil que la pièce a reçu du public, & si reconnoissans envers le littérateur qui leur a donné un si bon conseil, qu’ils vont nous donner le Caton dont il est l’auteur. On en a déjà fait plusieurs répétitions auxquelles il a bien voulu assister. La pièce sera jouée incessamment.
Journal de Paris, n° 75 du 15 frimaire an 12 [7 décembre 1803], p. 460 :
Quoique la tragédie d'Orphanis nous ait paru remplie de défauts, on ne sauroit nier qu’elle ne fait l'ouvrage d’un littérateur très-estimable, & il n’y a même nul doute qu’elle n’eût produit beaucoup plus d’effet si le rôle principal eût été mieux joué. On assure que M.lle Volnais en est elle-même convaincue, & qu’elle vient d'offrir à l’auteur de céder ce rôle à M.lle Duchesnois. Il est fâcheux qu’un excès de galanterie empêche M. Blindesainmore de consentir à cet arrangement & qu’il s’obstine à retirer sa pièce.
Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome quatrième, nivôse an XII [décembre 1803], p. 280
La reprise d'Orphanis, de M. Blin de Saint-Maur, n'a eu qu'un succès médiocre. L'actrice à qui le rôle principal était confié n'avait pas les moyens suffisans pour le faire valoir. L'auteur a retiré sa pièce.
La tragédie de Blin de Sainmore, en cinq actes et en vers, a été créée à la Comédie-Française le 25 septembre 1773. Elle a été jouée 21 fois jusqu’en 1803 (base La Grange de la Comédie-Française).
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