Ortalbano, mélodrame en 3 actes, à spectacle, danses, combats, etc., de Hyacinthe Pessey, musique de Dreuilh et Lanusse, ballets de Lebeuf, 23 floréal an X [13 mai 1802].
Théâtre de la Gaîté.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, se vend au Théâtre, an 10 (1802) :
Ortalbano, mélodrame en trois actes, à spectacles, danses, combats, etc. Par H. Pessey. Musique des citoyens Dreuilh et Lanusse, Ballets du citoyen Lebeuf. Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de la Gaieté, le 23 floréal, an 10.
Courrier des spectacles, n° 1895 du 25 floréal an 10 [14 mai 1802], p. 2-3 :
[La pièce est un mélodrame extrêmement compliqué, plein d'un intérêt constamment renouvelé, ce qui l'a fait réussir. Mais il faudrait que l'auteur retranche un cinquième du texte composé « des lieux communs, des phrases rebattues sur le crime, sur l’innocence, etc., etc. » pour « accélérer la marche de son ouvrage ». Le critique entreprend ensuite la rude tâche de résumer une intrigue incroyablement touffue, où on retrouve tous les ingrédients du mélodrame (jeune fille persécutée, méchant acharné contre elle, prison, tour, serviteurs dévoués, chevalier masqué, etc.). Après de palpitantes aventures, le méchant meurt au cours d'une bataille qu'il a provoquée (c'est un moyen assez simple de trouver un dénouement), et la jeune fille qui n'est donc plus persécutée peut épouser celui à qui elle était promise par son père. Dans un dernier paragraphe, le critique peut dire tout ce qu'il a sur le cœur concernant une pièce surchargée de « détails qui sont oiseux » (il faut alléger certaines scènes trop longues), pleine aussi d'invraisemblances et ne respectant pas les unités de lieu et de temps (pour l'unité de temps, le critique suggère de supprimer une des deux nuits qui allongent bien sûr la durée de l'intrigue au-delà de ces « vingt-quatre heures » qu'il ne faut pas dépasser !). Le style est aussi trop négligé. Sinon, le théâtre a fait ce qu'il fallait pour les décors, les ballets, les combats. Par contre certains acteurs ne savent pas trop leur rôle. Et, plus grave, deux des acteurs principaux n'ont pas su trouver le ton juste : « ils doivent éviter tantôt de chanter, tantôt de descendre au ton trivial », « en cherchant trop les effets, ils les manquent presque tous ». Au prix de ces changements, la pièce peut attirer le public (difficile de savoir si le critique croit vraiment que c'est possible). Et il nomme l'auteur des paroles.
Théâtre, de la Gaîté.
Première Représentation d’ Ortalbano.
Ce drame , un des plus compliqués, un des plus féconds en évènemens qui soient joués à ce théâtre devoit réussir, parce qu’il y règne un intérêt non pas gradué et toujours croissant, mais sans cesse renouvellé par les situations dans lesquelles l’auteur a placé ses héros ; aussi a-t-il obtenu beaucoup de succès. Mais nous dirions aussi franchement à l’auteur qu’il doit retrancher un cinquième de ce qu’il fait dire à ses personnages. Ce sont des lieux communs, des phrases rebattues sur le crime, sur l’innocence, etc., etc., dont la suppression ne pourra qu'accélérer marche de son ouvrage et en completter la réussite à la seconde représentation.
Ortalbano devenu maître du château du sire de Moncale , est l’ennemi juré de Raoul , fils de R.aymond,, â qui le sire Gustave a promis la main de sa fille Rosalbe. Brûlant du desir de réunir à ses états ceux de ce Seigneur . il a enlevé Rosalbe et l’a conduite dans son château, après avoir fait prisonnier un Chevalier qui avoit voulu prendre la défense de cette infortunée. Ce Chevalier est Raoul lui-même qu’il veut faire périr, mais ce jeune Seigneur est sauvé par un vieux Serviteur resté fidèle à ses maîtres, qui , apprenant qu’il existe une issue secrète pour échapper du château, facilite la fuite de Raoul, après avoir fait échapper Rosalbe par la même route. Une lettre qu'Ortalbano a enlevée à Raoul , lui a découvert et le nom et les prétentions de son rival. Sur-le-champ il forme et exécute le projet de se rendre au château de Gustave, sous le nom de Raoul, et obtenir ainsi le titre de son gendre et de l’héritage de sa puissance. Il est accueilli par Gustave avec tous les égards dûs au fils de son ancien ami ; mais il découvre bientôt que Rosalbe est échappée de son château, et qu’un vieux Serviteur l’a soustraite aux regards d’un père irrité, en la cachant dans une tour voisine. Il s’en fait remettre la clef, et il se prépare à se venger de la fuite de Rosalbe en l’immolant, lorsque Gustave lui annonce l’arrivée d’un Chevalier qui demande l’hospitalité. C’est Raoul qui a fui du château d’Ortalbano sur les traces de Rosalbe ; il se nomme ; Ortalbano l’accuse d’imposture et se déclare Raoul fils de Raymond. Gustave n’osant prononcer, remet au lendemain le combat singulier qui doit décider entr’eux. Cependant Ortalbano qui a la clef de la tour où est enfermée Rosalbe, charge son confident Marcelli de gagner la confiance de Raoul , tandis que lui-même va secrètement immoler Rosalbe. Celle-ci s’est échappée. Dans sa fureur Ortalbano veut que Marcelli couvert de l’armure de Raoul assassine Gustave ; le confident approche de ce Seigneur, il est sur le point de le frapper, lorsque Gustave appelle ses gardes. Marcelli en fuyant quitte son armure, on la retrouve, et elle dépose contre Raoul qui est accusé d’être Ortalbano, ét et condamné à périr.
Au moment où ce chevalier marche à la mort, Rosalbe le reconnoît pour son libérateur ; Ortalbano presse 1'exécution, et Gustave cède à ses-instances; lorsque Marcelli dévoré de remords, accourt et nomme le véritable Ortalbano. Celui-ci lève alors le masque, et secondé par des soldats qu’il a fait approcher du château , il livre aux troupes de Gustave un combat dans lequel il est tué. Raoul reçoit alors Rosalbe des mains de son père.
Ce simple exposé suffit pour indiquer la marche de l’ouvrage. Nous avons dû taire une grande partie des détails qui sont oiseux et sur lesquels on devoit glisser légèrement. Les scènes entre les deux domestiques et la duègne au premier acte sont beaucoup trop longues. Nous ne passerons pas sous silence les invraisemblances choquantes et sur-tout le défaut d’unité de lieu, d’unité de tems qui s’offrent dans ce mélodrame. Nous conseillons à l’auteur de supprimer la nuit du second acte ; la scene n’en sera que plus animée, et il suffit d’une nuit au troisième acte, afin qu’on l’accuse pas d’avoir violé la règle des vingt-quatre heures. Le style n’est pas non plus très-soigné. Il faut donc que le sujet soit par lui-même intéressant pour avoir fait oublier tant de défauts. Les décorations, les ballets et les combats sont bien soignés ; les acteurs seront sans doute plus sûrs de leurs rôles à la deuxième représentation ; mais nous dirons au cit. St-Aubin et à madame Bellavoine qui ont montré beaucoup d’intelligence qu’en cherchant trop les effets, ils les manquent presque tous, et qu’ils doivent éviter tantôt de chanter, tantôt de descendre au ton trivial. Moyennant les changemens que nous indiquons, Ortalbano attirera du monde à ce spectacle. L’auteur est le cit. Pessay, qui a fait dernièrement Crispin tout seul.
F- J. B. P. G***.
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