Il Podestà di Chiogga, opéra buffa en deux actes, livret d’Angelo Anelli, musique de Fernandino Orlandi, 3 décembre 1806.
Théâtre de l’Opéra-Buffa.
Jean Mongrédien, Le Théâtre-Italien de Paris 1801-1831: chronologie et documents (2008), p. 521, donne la date de création parisienne de l’opéra, le 3 décembre 1806, et lui attribue deux actes. Date confirmée par le Journal de l’Empire.
Dans leur Dictionnaire lyrique, p. 536, Félix Clément et Pierre Larousse disent que l’opéra d’Orlandi est en un acte et qu’il a été créé en 1801 à la Scala de Milan. Le site Corago (http://corago.unibo.it/opera/Z000048625), la « prima assoluta » au lieu le 13 marsau Théâtre de la Scala de Milan.
-
Titre :
|
Podestà di Chiogga (il)
|
Genre
|
opéra buffa
|
Nombre d'actes :
|
2
|
Vers ou prose ,
|
en vers (texte italien)
|
Musique :
|
oui
|
Date de création :
|
3 décembre 1806
|
Théâtre :
|
Théâtre de l’Opéra Buffa
|
Auteur(s) des paroles :
|
|
Compositeur(s) :
|
Orlandi
|
Sur la page de titre de la brochure de l’édition italienne, Milan :
Il Podesta di Chioggia, Dramma giocoso in due atti composto da Tomaso Menucci di Goro. Da rappresentarsi nel teatro alla Scala La Primavera dell’Anno 1801. v. s. Anno IX. reppublicano.
Le nom du compositeur est donné en-dessous de la liste des personnages :
La Musica è del Cittadino Maestro Fernandino Orlandi.
D’après le site http://corago.unibo.it/opera/Z000048625, le librettiste est Angelo Anelli (1761-1820).
Courrier des spectacles, n° 3585 du 4 décembre 1806, p. 2 :
[Le compte rendu commence par souligner le caractère bouffon de l’opéra, en signalant quelques répliques qui montrent qu’on ne peut guère prendre au sérieux le gouverneur de Chioggia. On entend même dans la pièce des cris d’animaux, mais « tout cela est-il cousu à une espece d'intrigue qui amuse assez agréablement le spectateur », cohérence dont tous le sopéra bouffons ne donnent pas l’exemple. Plutôt que de parler de l’intrigue, le critique préfère s’intéresser à la troupe italienne qui donne le spectacle, et d’en dire beaucoup de bien : on ne trouve guère qu’une réticence mineure concernant un des chanteurs. La musique est également bien jugée : « agréable, légère, et souvent originale ». Là aussi, que des compliments. Il y avait du monde à la première, et le critique croit que ce succès sera durable.]
Théâtre de l’ Opera-Buffa.
Il Podesta di Chioggia : ( le Gouverneur de Chioggia).
C’est une fort belle chose d’être gouverneur ; mais on n’en est pas plus savant pour cela ; combien de gouverneurs ne sont gueres plus habiles que leurs baillis ! Le Podesta di Chioggia est de cette classe , mais au moins il a quelque modestie, et dès le commencement de la pièce, il annonce qu’il n’est qu’un âne: Penso che io sono un asino quantunque Podesta, et la chose pareil si claire, que ses valets ne veulent pas le contredire : Non osa alcun rispondere a tanta verità. Il est vrai que quelques instans après, il reprend un peu de vanité, et qu’après avoir avoué qu’il ne sait pas lire, il ajoute que la science n’est bonne que pour la canaille : Le Studio è fatto sol per gli plebei. Ce caractère doit nécessairement amener des scènes bouffonnes, et c’est en effet ce qui distingue celte nouvelle pièce. On y entend jusqu'à des miaulemens de chat, des aboiemens de chien et des gloussemens de poule ; mais au moins tout cela est-il cousu à une espece d'intrigue qui amuse assez agréablement le spectateur.
Les rôles bouffons, les personnages à caricature appartiennent essentiellement à MM. Barilli et Carmanini. Barilli est excellent dans le rôle du Podesta ;. sa figure se grime à mer veille ; et à quelques singeries près, telles que le mouchoir qu’il se passe en cravatte, et les coups de pied qu’il donne dans les plis de sa robe, son jeu est d’un bon et véritable comique.
Carmanini le seconde à merveille, quoiqu’il charge un peu trop ; mais toute la pièce a eu un très-grand succès. I1 est difficile de chanter avec plus de goût, de finesse et de grâce que Mad. Canavassi ; Barilli s’est aussi singulièrement distingué dans les airs qu’il avoit a exécuter ; Tarulli a été vivement applaudi dans le sien, et Bianchi a eu aussi sa part des suffrages de l’auditoire. La musique de cet ouvrage est agréable, légère, et souvent originale ; elle est d’un jeune compositeur nommé Orlandi, élève de Cimarosa et du Conservatoire de Naples. Les accompagnemens sont pleins d’intentions dramatiques, et les morceaux d’ensemble sont liés avec art et d’une harmonie souvent très-remarquable.
Cette nouveauté avoit attiré un auditoire nombreux et choisi, et sera sûrement suivie et recherchée.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1807, p. 279-283 :
[Le nouvel opéra est l’occasion pour le critique de dire ce qu’il pense de l’opéra italien, dont la France est une grosse consommatrice. Son argumentation commence par le constat de la multiplication des compositeurs italiens joués à Paris, depuis la reprise de l’Opéra Buffa, qui partage l salle de l’Odéon avec le Théâtre de l’Impératrice. Pour lui, les compositeurs récemment joués ne valent pas les glorieux anciens, de même que la troupe actuelle ne vaut pas l’ancienne. Il en tire une sorte d etéhorie sur le déclin des arts en Italien après une période florissante, et il prend l’exemple de la peinture, décadente après Raphaël, Michel Ange et leurs contemporains. Les passionnés de musique italienne font venir des œuvres qui ont obtenu du succès en Italie, mais ce qu’ils font venir est de piètre qualité. Le livret du nouvel opéra fait l’objet d’une démolition en règle : l’histoire ne dit rien aux Français, et elle manque totalement de sel. L’imitation des animaux par les personnages « n'a rien de gai ni de comique ». Heureusement, la musique est d’un meilleur niveau, et elle a les qualités habituelles des ouvrages italiens « de la facilité, de la légèreté, une sorte de grace », tout comme leurs défauts, « peu d'expression, peu de couleur, peu de verve ; des accompagnemens travaillés avec prétention, un chant commun ; de nombreuses réminiscences ». Les airs les plus réunnis sont d’ailleurs des emprunts, ou des ajouts d’autres compositeurs. Les chanteurs sont jugés de façon variable : la chanteuse a des moyens limités, mais une bonne méthode, le chanteur est « très-plaisant », il a beaucoup de franchise dans le jeu et une grande vérité, même « dans ses plus grosses bouffonneries ».]
THÉATRE DE L’OPÉRA-BUFFA.
Première représentation d'il Podesta di Chioggia, opéra buffa en un acte, musique d'Orlandi.
Les directeurs de l'Opéra-Buffa semblent s'être proposé de beaucoup accroître notre érudition musicale. Il fut un temps où Paësiello, Cimarosa, Sarti et Guglielmi faisait tous les frais du répertoire ; mais on a sans doute supposé que nous étions assez familiarisés avec ces grands maîtres, et qu'il fallait nous offrir des auteurs moins connus. Nous avons vu passer tour-à-tour Per, Vogel, Farinelli, Fioravanti, Gnecco, etc. ; enfin voilà Orlandi, dont peu de personnes encore avaient entendu parler. Mais, au milieu de ces richesses d'érudition, nous avons éprouvé le sort des érudits : pour jouir de quelques morceaux agréables et intéressans, enfouis dans des ouvrages ignorés, il nous a fallu dévorer beaucoup de pauvretés et d'inutilités. A tout prendre, l'esprit, le goût et l'imagination se trouvent mieux de revenir souvent aux classiques.
Les Italiens prétendent que le public de Paris a perdu de son goût pour la musique de leur pays, et ils en jugent sur le peu de succès qu'ont obtenus plusieurs ouvrages qui ont fait fureur en Italie Je crois bien qu'il manque actuellement à l'Opéra-Buffa ce qui en fit le principal succès en 1788 ; je veux dire cette réunion de riches sybarites qui, nourris dans une opulence héréditaire, blasés sur tous les autres spectacles, et retrouvant encore, grace à la nouveauté, d'agréables sensations par la musique italienne, avaient fait du théâtre de Monsieur leur théâtre favori, le théâtre à la mode, et donnaient ainsi aux pièces et aux acteurs un attrait et un intérêt que des chefs-d'œuvres n'exciteraient peut-être pas aujourd'hui au même degré. Mais en admettant ce qu'il peut y avoir de vrai dans cette observation, l'indifférence actuelle du public n'a-t-elle bien aucun fondement ? De bonne foi, Gnecco et Farinelli sont-ils comparables à Cimarosa ou Paësiello, et tout en rendant justice à quelques talens distingués, la troupe actuelle en général vaut-elle la troupe ancienne ? Qui oserait le soutenir ? Il semble que la musique soit destinée à subir en Italie le même sort que la peinture. Presque immédiatement après le siècle des Raphaël , des Michel-Ange, des Jules Romain, des Carraches, etc., on vit celle-ci ne plus produire que des ouvrages pleins de manière et d'affectation, aussi faux de couleurs que de dessin ; n'en est-il pas de même aujourd'hui pour la musique, après le siècle des Piccini, Jomelli, Paësiello et Cimarosa ? Je connais quelques amateurs qui, ayant conservé toute leur passion pour la musique italienne, font venir exactement les morceaux qui ont obtenu le plus de succès dans les ouvrages nouveaux représentés à Milan, à Naples, à Venise, ou Florence, et, s'il faut les en croire, ces morceaux, qui ont excité un si vif enthousiasme, ne sont pour la plupart qu'un amas de notes insignifiantes, artistement arrangées pour faire briller le gosier du chanteur, où l'on chercherait en vain aucune trace de vérité, de verve et d'originalité. En faut-il accuser le mauvais goût de leurs correspondans ? Non, car la plupart des ouvrages récens, représentés depuis deux ans, ne peuvent que confirmer ce jugement. Nous ne sommes donc pas aussi barbares qu'on le suppose, et les Italiens qui, par une disposition assez louable, ne savent jamais rien applaudir modérément de ce qui a été produit par un de leurs compatriotes, pourraient bien se tromper dans leur enthousiasme. La pièce d'Orlandi, qui a été accueillie à Milan avec des transports d'admiration , en serait au besoin la preuve.
Cet opéra-buffa est une œuvre révolutionnaire. C'est une satyre personnelle, composée dans le temps de la république cisalpine, contre un magistrat vénitien. Cette querelle ne pouvait avoir beaucoup d'intérêt pour nous, et sur-tout dans ce temps-ci; et il y a tout lieu de croire que cette rapsodie a été donnée contre l'aveu du littérateur italien, homme de goût, qui est chargé à ce théâtre de la révision des pièces nouvelles ; car elle n'est que grossière et sans aucun sel Le Podestat vénitien ne sait pas lire; il répète jusqu'à satiété qu'il n'est qu'un âne : il est l'amant de sa servante ; et se voyant trompé dans ses amours par un certain Médor, il le fait comparaître par devant son tribunal, et, tout en sommeillant, le condamne aux galères. Puis la servante s'enfuit, il court après elle, déguisé en pêcheur ; il la ramène, et veut la juger une seconde fois ; mais redoutant sa propre faiblesse, il charge de ce soin son secrétaire ; celui-ci condamne les deux amans ; une certaine Laure, autre maîtresse du podestat, obtient leur liberté, et la pièce finit par une scène où les personnages imitent, celui-ci un chat qui miaule, celui-là un chien qui aboie, et cette autre une poule qui glousse ; tout cela, comme on voit, n'a rien de gai ni de comique.
La musique, fort supérieure aux paroles, n'a rien pourtant de très-remarquable. C'est un ouvrage jetté dans le même moule que la plupart de ceux que nous avons rappellés au commencement de cet article ; de la facilité, de la légèreté, une sorte de grace, mais peu d'expression, peu de couleur, peu de verve ; des accompagnemens travaillés avec prétention, un chant commun ; de nombreuses réminiscences, sur-tout dans la finale du premier acte, où le stretto est tout-à-fait emprunté de Cimarosa ; et ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que les morceaux les plus applaudis n'appartiennent pas à l'auteur. C'est à M. Mosca, directeur de ce théâtre, qu'on doit l'air de Barilli, sur les avantages et les inconvéniens du mariage ; air très-piquant, d'une facture originale, et qui semblerait écrit par Cimarosa. Le premier duo : io Cara Affettati, qui ne manque ni de grace ni d'expression, est de Nicolini. On ne peut guères féliciter Orlandi que sur deux airs : io qui Stava et sit chi sa, l'un chanté par Carmanini, l'autre par Tarulli, qui a été particulièrement fort applaudi.
L'ouvrage a été en général bien joué et bien chanté. Mme. Canavassi, dans le rôle de Rosina, a montré un très-bon goût de chant ; il est fâcheux que ses moyens ne répondent pas toujours à son excellente méthode. Barilli a été très-plaisant dans le rôle du Podestat : cet acteur a une telle franchise dans son jeu, et une si grande vérité jusques dans ses plus grosses bouffonneries, qu'il est toujours sûr d'entraîner les applaudissemens du public.
Ajouter un commentaire