La Petite guerre

La Petite guerre, comédie en trois actes et en vers, de René de Chazet et Jean-Baptiste  Dubois, 8 vendémiaire an 12 [1er octobre 1803].

Théâtre Louvois

Titre :

Petite guerre (la)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

8 vendémiaire an 12 (1er octobre 1803)

Théâtre :

Théâtre Louvois

Auteur(s) des paroles :

René de Chazet et Jean-Baptiste Dubois

Almanach des Muses 1805

Florville a formé le projet d'enlever Sophie, pour la soustraire aux poursuites de son tuteur, et toutes ses mesures sont prises. Il arrive à la campagne chez Deschamps son ami : son intention est de se reposer un instant, et de partir aussitôt. Deschamps, que Sophie a mis dans la confidence, en lui écrivant pour lui demander un asile, feint d'ignorer le projet de Florville, il s'amuse de son impatience, et, pour le garder, fait éloigner sa voiture, et fermer les portes de sa maison. Florville, ne trouvant aucun moyen de s'échapper, essaie de se faire éconduire, en courtisant Zéphirine, sœur de Deschamps, et Rose, amante de St.-Luce. Sa ruse lui réussit : St.-Luce devient jaloux et s'emporte ; Zépphirine et Rose, également piquées d'avoir été prises pour dupes, sont furieuses : il est mis à la porte. A peine est-il hors de la maison, que Sophie arrive. Florville aussi embarrassé du moyen de rentrer, qu'il l'avait été du moyen de sortir, se déguise en gendarme, ainsi que Germain son valet, escalade les murs, et somme Deschamps, au nom du tuteur de Sophie, de la remettre entre ses mains. Deschamps, qui a reconnu ses hommes, refuse d'obéir, et fait entrer un officier qui se dit chargé d'arrêter Florville et son valet. L'embarras de ces derniers redouble ; mais le prétendu officier n'est qu'un notaire, et le mandat d'arrêt un contrat de mariage.

Détails agréables, des invraisemblances.

Courrier des spectacles, n° 2401 du 9 vendémiaire an 12 [2 octobre 1803], p. 2 :

[La pièce a été créée au cours d'une représentation agitée, et c’est par là que l’article commence. La première pièce (le Mensonge excusable) a été mal accueillie, et la deuxième, la Petite guerre, a été également en butte à l’hostilité du parterre après un début moins agressif. Le critique montre combien elle a à la fois des qualités (esprit; facilité, gaîté) et des défauts (jeux de mots, invraisemblance, grossièretés, voire pire). Le reproche, c’est de n’être pas assez travaillée. L’intrigue est une nouvelle variation sur le mariage : la pièce montre une série d’occasions de rencontre manquées, et de ruses pour se retrouver, entre le jeune cousin et sa maîtresse. Après déguisements en tout genre, on finit par le mariage attendu. La pièce est bien interprétée, les auteurs ont réussi non sans mal à être nommés.

Le Mensonge excusable est une comédie en un acte et en prose de Charles-Jacob Guillemain, créée sur le Théâtre des Variétés(Amusantes, le 29 janvier 1783 et qui a selon la base César connu un très grand nombre de représentations. Sa reprise en 1803 paraît avoir moins bien réussi.]

Théâtre Louvois.

Premiere représentation de la Petite Guerre.

Le parterre a commencé les escarmouches, et le Mensonge excusable a essuyé le premier coup de feu. Il a battu en retraite devant un corps considérable d’ennemis. et ne s’est retiré qu’avec perte du champ de bataille. Ce début n’étoit pas d’un heureux augure pour la piece nouvelle. N'importe, le gant avoit été jeté et ramassé, et les deux partis étoient en présence.

D’un côté un public nombreux attentif à saisir les moindres fautes : de l’autre deux auteurs intimidés par quelques revers, encouragés par quelques succès ! L’affaire s’engage, d’abord on rit, on est désarmé, on se reconcilie : mais ce n’est qu’une paix plâlrée. Quelques mots échappés du côté des auteurs, font reprendre les armes à la multitude. Elle attendoit, elle exigeoit plus qu’on ne lui a tenu. Envain l’esprit a-t-il plaidé en faveur des jeux de mots, la facilité en faveur des invraisemblances, et la gaîté en faveur de quelques grossièretés et même de certaines expressions peu décentes, la Petite Guerre a fini d’une manière peu agréable pour les auteurs, quoiqu’ils fussent appuyés par un grand nombre de spectateurs bénévoles.

Au fait, leur production n’est pas sans mérite, mais ils ne l’ont pas assez travaillée. Les scènes ne sont pour la plupart qu’ébauchées, et les trois actes durent à peine l’espace d’une piece en un seul.

Deschamps, Zéphyrine sa sœur, et Rose, leur niece, habitent une maison de campagne loin de la capitale. Leur société se compose de jeunes gens du voisinage, parmi lesquels M de St.-Luc, cultivateur, aspire à la main de Rose. Leur ennui dans cet endroit est au comble lorsque les circonstances y conduisent leur cousin Florville. Il aime à rire, il vient de Paris, c’est charmant ; il faut le retenir. Mais Florville ne s’est arrêté chez Deschamps que pour laisser reposer ses gens et ses chevaux, et voler de là au château voisin d’où il se propose d’enlever Sophie, sa maîtresse.

Deschamps, qui a reçu de cette demoiselle une lettre par laquelle elle le prévient qu’elle va fuir son tuteur et chercher un asyle dans sa maison , n’en est que plus fortement attaché au projet qu’il a de garder Florville chez lui Envain celui-ci, impatient de revoir sa Sophie, veut-il échapper ; sa voiture et ses chevaux ont disparu, et les portes sont fermées. Que faire ? Germain, son valet, lui conseille pour se faire renvoyer, de se rendre odieux dans la maison en feignant d’aimer Zéphyrine et Rose à-la-fois. Florville suit son conseil. St.-Luc jaloux, Zéphyrine et Rose ses dupes, sont irrités contre lui. Enfin Deschamps le met à la porte.

A peine est-il hors de la grille, que Sophie arrive d’un autre côté chez Dcschamps. Florville et son valet ne peuvent rentrer : mais bientôt ils ont escaladé le mur, et après avoir instruit Sophie de tout, ils reparoissent sous le déguise ment de gendarmes. Ils somment Sophie de la part de son tuteur, de les suivre. Deschamps, qui les a reconnus, veut voir l’ordre dont ils sont porteurs. Comme ils n’en ont point il fait entrer un officier qu’il dit chargé de les arrêter ; mais ils en sont quittes pour la peur. Ce prétendu officier n’est qu’un notaire, qui apporte le contrat de mariage entre Florville et So phie.

La piece est jouée avec ensemble par messieurs Picard freres et Closel, et par mesdames Molé, Adeline et Béfroy.

Les auteurs ayant été demandés, Picard parvint, malgré plusieurs oppositions, à faire entendre les noms de messieurs Chazet et Dubois.

F. J. B. P. G***.

Le Nouvel esprit des journaux français et étrangers, 1803, tome premier, vendémiaire an 12, septembre 1803, p. 221-222 :

[Là où le Magasin encyclopédique voit un petit succès, l’Esprit des journaux voit un franc succès (les deux critiques n’ont sans doute pas vu la même représentation !). Néanmoins, ils se rejoignent : une intrigue nulle, pas de noeud, des personnages qui ne sont pas comiques, un déroulement non motivé. Il ne reste que « quelques détails brillantés, quelques traits spirituels », mais ce n’est pas suffisant pour masquer « la nudité du fond » et « la stérilité d’un sujet » trop vite traité. Belle envolée finale sur ce qu'est vraiment la comédie ! L'auteur est un observateur plus que quelqu'un qui imagine : « la véritable comédie n'est pas la peinture de ce qui ne se voit jamais, ou ne se voit que rarement, mais de ce qui se voit tous les jours, à toute heure et partout ». Définition exigeante, et qui explique qu’il y ait peu d’auteurs comiques véritables.]

La Petite Guerre, comédie en trois actes et en vers de messieurs Chazet et Dubois, a reçu des marques de faveur, et son succès ne peut être contesté, s'il faut en croire les acclamations d'une partie du public et les applaudissemens, quand les auteurs ont été nommés : cependant ces auteurs peuvent-ils, même après ces suffrages, se dissimuler que leur intrigue est tout-à-fait nulle, qu'il est impossible de lui trouver un nœud, que leurs personnages n'ont rien de comique, et leurs situations rien de motivé ; que quelques détails brillantés, quelques traits spirituels, ne peuvent couvrir la nudité du fond qu'ils ont choisi, et la stérilité d'un sujet qu'ils ont sans doute traité avec trop de précipitation.

En général, on ne saurait trop demander aux auteurs de ces sortes d'ouvrages où ils ont vu de semblables situations, où ils ont observé les personnages qu'ils mettent en scène, où ils ont entendu le langage qu'ils font tenir à leurs interlocuteurs ? on se saurait trop leur redire que la véritable comédie n'est pas la peinture de ce qui ne se voit jamais, ou ne se voit que rarement, mais de ce qui se voit tous les jours, à toute heure et par-tout ; qu'il s'agit moins de créer une nature que de peindre celle qui existe, que l'imagination constitue beaucoup moins l'auteur comique que le talent d'observer et de peindre, et que sans doute c'est pour cela que ce titre si avidement ambitionné est mérité si rarement.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 9e année, 1803, tome III, p. 271-272 :

[En peu de mots, une exécution en règle : le petit succès que la pièce a rencontré tient à son fond, mince et pourtant surchargé de tout ce qui fait une mauvaise comédie (des moyens dramatiques éculés comme les enlèvements et les déguisements ; des jeux sur le langage qui n’ont pas de valeur dramatique). On a su leur nom grâce à l'obstination de Picard (ici, en tant qu’acteur : on le rencontre aussi en auteur et en directeur de théâtre). Et un constat  ces auteurs ne font pas leur travail, ils feraient mieux de produire moins et de soigner davantage ce qu’ils soumettent au public.]

THÉATRE LOUVOIS.

La Petite Guerre, comédie en trois actes et en vers, représentée, pour la première fois, le 8 vendémiaire an XII.

Ce petit ouvrage n'a eu qu'un petit succès.

Ce sont des aventures de roman, des conversations de société : on y trouve des enlèvemens et des déguisemens, des jeux de mots et des logogriphes ; et le fond dure à peine le temps ordinaire d'une bonne comédie en un acte. On a un peu sifflé : Picard est cependant venu à bout de faire entendre les noms de MM. Chazet et Dubois. Ils ont sans doute du talent, mais ils devroient penser que c'est tuer sa réputation, que de faire tant d'ouvrages et de les travailler si peu.

Pour tenter de départager les deux critiques, donnons la paroles à Paul Porel et Georges Monval, L'Odéon : Histoire administrative, anecdotique et littéraire, (Paris, 1876), p. 207 : « Le 1er octobre, chute de la Petite guerre, comédie en trois actes, en vers;, de Chazet et Dubois ».

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