La Pie grièche, comédie en un acte, de Madame de Beaunoir, 9 septembre 1815.
Théâtre de la Porte Saint-Martin.
Madame de Beaunoir paraît bien être un prête-nom pour Monsieur Beaunoir. Les critiques n'ont pas été dupes.
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Titre :
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Pie grièche (la)
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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en prose
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Musique :
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oui (divertissement final)
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Date de création :
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9 septembre 1815
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Théâtre :
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Théâtre de la Porte Saint-Martin
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Auteur(s) des paroles :
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madame de Beaunoir
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Journal de Paris politique, commercial et littéraire, n° 253, du 10 septembre 1815 :
[Le compte rendu commence par une analyse du titre de la pièce, guère explicite, mais qui a le double mérite d’être gai (alors que la pièce ne l’est pas vraiment) et de la rattacher à la riche famille des « pies » jouées à ce théâtre. Le critique donne ensuite une idée assez objective de l’intrigue, même si le dénouement est présenté comme bien rapide. Une intrigue pas bien originale, une pièce qui a réussi bien qu’elle ne soit guère nouvelle, ni par le fond, ni par la forme, ni par l’intérêt qu’elle suscite, ni par les détails. Pour le critique, elle ne vaut que par sa morale, et elle trouverait sa « place dans le théâtre d’éducation », pour les pensionnats (de jeunes filles, sans doute). La fin de l’article parle des petites danseuses du divertissement final, pour vanter la présence d’esprit de l’une, et se moquer un peu d’une toute petite fille qui ne savait pas se tenir. Il donne enfin le nom de l’auteur, madame de Beaunoir, mais on reconnaît bien la manière de M. de Beaunoir : Fanfan et Colas est une de ses pièces, jouée en 1784.]
THÉATRE DE LA PORTE SAINT-MARTIN.
Première représentation de la Pie-Grièche, comédie en un acte.
Si certain auteur de notre connaissance avait eu la fantaisie de traiter un sujet semblable à celui de cette comédie, il n’eût pas manqué d’intituler son petit acte: l’Ecole des jeunes demoiselles, ou Conseils aux jeunes demoiselles. Il lui eût donné une teinte de sensibilité si communicative que quelques larmes doucement amères eussent mouillé les yeux des spectateurs, des acteurs et du souffleur. La dame auteur de la Pie-Grièche, qui sans doute aime autant la morale que les larmes, a voulu, en attendrissant un peu sa pièce, lui conserver encore quelque chose d’austère ; et, sentant l’impossibilité de la rendre comique, elle a voulu du moins en égayer le titre. Peut-être aussi est-ce un petit sacrifice à la superstition locale. Elle s’est souvenue que les pies sont heureuses à la Porte Saint-Martin.
La baronne de Vieuxbois est la bonté même, aussi est-elle chérie des habitans de sa baronnie. Sa fille, Adèle, a au contraire un caractère altier qui la fait détester, et lui a valu le sobriquet de Pie-Grièche. C’est surtout depuis son séjour à Paris, où elle a acquis des talens, qu’elle est devenue fière et dédaigneuse ; elle n’est plus aimée que de deux personnes, sa mère et Albert, son compagnon d’enfance; mais, malgré le penchant secret qu’elle conserve pour lui, elle repousse l’idée de devenir sa femme, parce qu’elle le croit le fils d’un cultivateur. Elle accueille fort mal les habitans qui veulent célébrer sa fête, et se voit punie de cette dureté par la leçon qu’elle reçoit d’un vieux fermier, dont les remontrances sont approuvées par la baronne.
De concert avec la baronne, Gervais (c’est le nom du soi-disant cultivateur.) a le projet de corriger les travers d’Adèle. C’est à l’instant d’un bal qu’elle refuse d’ouvrir avec lui, qu’il déclare que le château de la baronne et ses dépendances lui appartiennent, parce qu’il a prêté au fau baron une somme considérable qui ne lui a pas été remboursée. Cette nouvelle est un coup de foudre pour Adèle, et la guérit de son orgueil. Elle consent à épouser Albert qui se trouve être le fils d’un comte, que des circonstances funestes avaient forcé de se cacher sous le nom de Gervaus. La Pie-Grièche devient la meilleure personne du monde, et ce changement s’opère.... en deux minutes.
Cette petite pièce a réussi : elle ne doit son succès ni à la nouveauté du fond, ni à la nouveauté de la forme, ni à l’intérêt de l’action, ni à la gaîté des détails. C’est un succès tout moral qui fait un honneur infini et à l’administration et aux habitués du théâtre de la Porte Sain-martin. Je conseille cependant au directeur de ne pas ambitionner souvent de pareils succès; car je suis sûr que le caissier finirait par s’en fatiguer. Il aime mieux les chutes lucratives.
La Pie-Grièche peut trouver place dans le théâtre d’éducation : je suis persuadé qu’elle réussirait dans tous les pensionnats ; et comme la morale est bonne pour les deux sexes, l’auteur a choisi, pour faire représenter sa pièce, l’époque où les maisons d’éducation ont vacance. C’est un propos de circonstance qui doit figurer au répertoire au moins six semaines chaque année.
Cette bagatelle est terminée par un petit divertissement qui promet des sujets à la prochaine génération de danseurs. Une charmante petite première danseuse de six ou sept ans a fait preuve de présence d’esprit. Dans un entrechat, elle perd son soulier, mais elle ne perd pas la tête, et, un pied chaussé et l’autre non, elle continue et achève son pas avec un sang-froid imperturbable qui a excité des applaudissemens unanimes.
Une autre première danseuse de deux ou trois ans plus jeune a peut-être échappé aux regards de ceux qui étaient placés au milieu du parterre. Quand elle s’avançait vers la rampe en balançant une corbeille de fleurs, on aurait dit qu’elle souhaitait la fête au souffleur.
L’auteur a été demandé, et l’on a nommé madame de Beaunoir; dont la nouvelle production a je ne sais quel air de famille avec Fanfan et Colas.
A. Martainville.
Le Géant noir, première noirceur (Paris, 21 septembre 1815), p. 20 :
[Dans ce recueil satirique qui ne semble pas avoir eu un grand nombre de « numéros », la Pie grièche est rapidement présentée comme un nouvel avatar des pies qui pullulent alors au théâtre, et qui reproduisent une formule qui reprend en moins bien ce qu’une pièce qui a plus de vingt-cinq ans. L’actrice principale caquette comme ne pie, comme toutes les pies qu’elle a déjà incarnée. L’énigme finale renvoie à Robinot, prêtre défroqué, qui se cache comme auteur sous le surnom de Beaunoir, et qui fait représenter ses pièces sous le nom de son épouse, devenue Madame de Beaunoir.]
Théâtre de la Porte Saint-Martin.
La piece donnée sous le titre de la Pie Grièche, est un salmis réchauffé de cinq ou six autres pièces, dans lesquelles on corrige par une mistification un peu plus, un peu moins forte, le caractère opiniâtre, bizarre ou quinteux d'un petit enfant gâté. Honorine, ou la Femme difficile à vivre, est le premier et le meilleur type de toutes les scènes.
Mlle Jenni, chargée du rôle de la Pie grièche, a prouvé qu'elle pouvait assurer le succès de toutes les Pies auxquelles elle prêterait son caquetage.
M. l’abbé Robinot de Beaunoir, avec sa galanterie accoutumée, a fait proclamer comme auteur de cette jolie bluette, une dame de son surnom.
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