La Prise de Passaw

La Prise de Passau, deux pièces le même jour, le 8 février 1806 sur le même sujet, la prise de la prise bavaroise de Passau par les armées françaises :

  • un opéra-comique en deux actes, de Dupaty, musique de Nicolo, jouée sur le Théâtre de l'Opéra-Comique ;

  • un vaudeville en un acte d'auteur inconnu, joué sur le Théâtre de la Porte-Saint-Martin suivi d'un divertissement pour la paix, dont le titre complet est : La Prise de Passaw, ou le Médecin conquérant .

Louis-Henri Lecomte, Napoléon et l'Empire racontés par le théâtre (1900), p. 140-142 :

[La prise de Passau a inspiré deux pièces, jouées le même soir, avec des fortunes diverses...]

Opéra-Comique, 8 février 1806 : La Prise de Passaw, fait historique en 2 actes, par Dupaty, musique de Nicolo,

Un officier de santé français est chargé par son général de marcher toujours en avant de l’armée, pour préparer des logements aux blessés et requérir des médicaments. Nos victoires sont tellement rapides que les Autrichiens terrifiés n’osent plus défendre aucun poste et ne cessent de battre en retraite. L’officier de santé, gascon et ne doutant de rien, se présente étourdiment aux portes de Passaw et demande à parler au commandant. Admis dans la salle du conseil, il explique l’objet de sa mission et annonce, d’un ton assez burlesque, l’arrivée des troupes françaises. Le commandant, surpris de cette audace, s’imagine d’abord que le gascon a perdu l’esprit et s’amuse à le faire jaser ; mais les Français approchent effectivement, la garnison autrichienne reçoit l’ordre d’évacuer Passaw sans résistance. A peine est-elle retirée que le bourgmestre du lieu vient apporter les clefs de la ville. A qui les remet-il ? Au gascon qui s’empare à lui seul d’une place forte sans avoir même tiré sa lancette.

De l’esprit dans le dialogue, de charmants airs dans la partition, firent accueillir avec indulgence cet à-propos, non publié.

Porte-Saint-Martin, 8 février 1806 : La Prise de Passaw, ou le Médecin conquérant, vaudeville en i acte, avec un divertissement pour la paix, par ***.

Même sujet que celui du précédent ouvrage. On l’écouta avec une impatience bruyante, qui força les acteurs à sauter deux ou trois scènes pour arriver au divertissement. Un changement à vue offrit alors un spectacle magnifique. Dans le fond du théâtre s’élevait un riche portique brillamment illuminé ; au milieu du fronton était représenté Napoléon revêtu de la toge impériale et couronné par la victoire ; au-dessus, trente médaillons au moins rappelaient les noms d’autant de batailles gagnées par l’Empereur. Dans les frises, on lisait :

Il sait tenir les promesses qu’il donne,
Et l’olivier ceint sa double couronne.

Gloire au Héros ! Honneur à ses guerriers !
Compter ses jours, c’est compter ses lauriers.

Cette pièce n’a pas eu les honneurs de l’impression.

La prise de Passaw, opéra (fait historique) en deux actes, suivi d’un divertissement, paroles de M. Dupaty, musique de M. Nicolo ; 8 février 1806

Théâtre de l'Opéra-comique.

Almanach des Muses 1807.

Fait historique. Un chirurgien français, chargé de préparer un hôpital pour les soldats blessés, se présente devant Passaw, demande à parler au gouverneur autrichien, et lui annonce qu'il a choisi sa ville pour y établir un hôpital militaire ; il lui conseille en même temps de lui remettre les clefs de la ville, parce que l'armée française ne peut tarder à le suivre. Le gouverneur rit d'abord de cette fanfaronnade ; mais convaincu ensuite qu'il faudra bientôt se rendre, il abandonne la place, et le bourguemestre vient aussitôt en remettre les clefs au chirurgien. L'auteur a joint à cette anecdote une intrigue romanesque qui n'ajoute rien à l'intérêt ni au mérite de la piece.

Dialogue brillant et plein de saillies heureuses ; style un peu maniéré : musique qui mérite les mêmes éloges, et le même reproche.

Courrier des spectacles, n° 3296 du 9 févier 1806, p. 2-3 :

[La prise de Passau a donné lieu à un curieux épisode dans la guerre entre Français et Autrichiens, puisque les Français ont pris la ville sans coup férir, un médecin français ayant exigé qu’on lui ouvre la ville, et ayant obtenu ce qu’il demandait. L’anecdote a donné lieu à deux pièces, dont seule l’opéra-comique a réussi. Dans le résumé de l’intrigue, on sent percer un peu de scepticisme; le rôle du journaliste étant considéré comme caricatural et ridicule. Rôle bien joué par l’acteur Lesage, mais qui a failli nuire à la pièce. A la délibération des officiers autrichiens, succède la délibération des jeunes filles : l’une d’entre elles, qui « passe pour la fille du Commandant », est en fait la fille d’un officier français qu’on croit mort héroïquement dans une bataille. Cette scène est l’occasion d’un chœur « d’une musique charmante ». Nouveau rôle caricatural, celui d’une chanoinesse, dont le comportement et les propos sont « très-peu dignes de son état ». A l’arrivée du médecin français, accompagné d’un tambour, joué avec maestria par madame Scio, les officiers autrichiens perdent leur sang-froid et décident d’évacuer la ville. Tout tourne à la gloire des Français : l’hôpital est créé, le drapeau perdu naguère est repris, et la jeune Française retrouve son père : il n’y a plus qu’à célébrer la victoire dans un divertissement. Les interprètes féminines de la pièce sont couvertes d’éloges. Et l’article s’achève par une série de couplets qui achèvent la pièce, et qui tournent tous à la gloire de Napoléon, sans le nommer, bien sûr. Les auteurs sont cités, mais de façon inégale : compliment pour M. Nicolo, « cet habile compositeur », aucun commentaire pour M. Dupaty : la musique est jugée meilleure que les paroles.]

Théâtre de l’Opéra-Comique.

La Prise de Passaw.

L’anecdote de la prise de Passaw est très-connue. Un Général Français ordonne à un médecin de l’armée de disposer un hôpital militaire dans un lieu convenable, pour les soldats malades et blessés. Les troupes étoient près de Passaw. Le médecin ne trouvait rien de plus commode que la ville même ; il s'y présente ; son habit n’inspire aucune défiance ; on le reçoit, il parle au Commandant de la place, lui fait part de ses ordres, insiste pour leur éxécution, et en impose à l’Officier Autrichien, qui consent a tout. Enfin son hôpital est établi ; et quand les Français se présentent, ils trouvent qu’un Officier de santé a suffi pour les rendre maîtres de la place.

Cette anecdote étoit trop piquante pour échapper à la sagacité de nos auteurs dramatiques ; aussi a-t-elle été représentée sur deux théâtres le même jour ; mais l’Opéra-Comique a été plus heureux que la Porte St.-Martin, où la pièce est tombée tout-à fait.

La scène représente une salle où les officiers Autrichiens se rassemblent pour délibérer. On y voit, parmi plusieurs drapeaux allemands un drapeau français conquis dix ans auparavant dans la dernière guerre de la révolution. Les Autrichiens inquiets des nouvelles qui leur arrivent de toutes parts sur la marche de l’armée française, se disposent à défendre vivement la place confiée à leur valeur. Au milieu de leur conseil on voit paroître un journaliste, dont l’auteur a fait une caricature beaucoup trop ridicule. Ce journaliste, infatué d’idées chimériques, nie toutes les nouvelles favorables aux Français, promet de rassembler des troupes, de procurer des renforts à la coalition, d’y faire entrer toutes les puissances du Continent, et même l’Empire de la Chine ; il se recommande ensuite aux officiers, et les conjure sur-tout de ne pas manquer de renouveller leur abonnement. Ce rôle a été joué d’une manière très-piquante par Lesage ; mais comme il est excessivement chargé, il a fini par exciter d’assez vifs murmures.

La délibération des militaires est suivie d’une délibération de jeunes filles ; elles ont à leur tête Anne. Cette jeune personne passe pour la fille du Commandant ; mais elle n’est que son enfant adoptif. Ou apprend bientôt qu’elle doit le jour à un officier Français qui a mieux aimé se laisser percer de coups de bayonnettes au pied de sa tente, que de rendre son drapeau. Les jeunes filles se réjouissent toutes de l'arrivée des Français, dont on leur a promis les soins les plus polis et les plus assidus. Il y a ici un chœur d’une musique charmante ; mais il seroit difficile de faire le même éloge d’une scène où une chanoinesse vient tenir des propos et raconter des souvenirs très-peu digues de son état, et sur-tout de la croix pectorale dont elle est décorée.

Enfin l’Officier de santé arrive, précédé d’un simple Tambour. Il expose ses ordres, insiste, et finit par étonner les Autrichiens, qui ne savent s’ils doivent le regarder comme un fou, ou consentir à ce qu’il demande. Ce rôle est très-bien joue par Martin. Mad. Scio a fait aussi beaucoup de plaisir dans le rôle de Tambour, et bat très-bien de la caisse. Cependant l’armée française presse sa marche. Le général Autrichien donne l’ordre d’évacuer Passaw ; le Médecin établit son hôpital ; on reprend le drapeau ; Anna retrouve son père, et tout finit par des marches militaires et un divertissement.

On a remarqué la grâce avec laquelle Mad. Gavaudau a joué le rôle d’Anna, et l’on a sur-tout applaudi Mad. St.-Aubin, qui n’a pas dédaigné de se charger d’un petit rôle auquel elle a donné ua intérêt particulier. Tous les acteurs du Théâtre Feydeau ont paru dans cette représentation. On a fait répéter les couplets suivant, chantés à la fin de la représentation :

UN INVALIDE.

J ai vu pendant cent ans entiers
Le monde tourner sur son axe ;
J ai va les plus fameux guerriers,
Frédéric, Charles Douze et Saxe,
J’ai vu cent ans d'exploits brillans,
Et par cent héros qu’on révère,
Je n’ai pas vu faire en cent ans
Ce qu’en trois mois on vient de faire

L’OFFICIER chargé du drapeau.

J’ai vu l’aigle du haut des cieux,
Planer d’abord sur l’Italie,
Porter son vol audacieux,
Sur l'Egypte et jusqu’en Asie.
Depuis, j‘ai vu sur nos drapeaux
L'aigle nous conduire à la gloire,
Je l'ai vu chercher le repos.....
Mais c’est au Temple de Mémoire.

UN OFFICIER DE HUSSARDS.

J’ai vu l’abeille devenir
Un des emblèmes de la France ;
L'abeille devoit obtenir
Parmi nous cette préférence
Car aux yeux du monde étonné,
Dans le cours de cette campagne,
Nos abeilles ont moissonné
Bien des fleurons de l’Allemagne.

UN OFFICIER AUTRICHIEN.

J’ai vu partout nos ennemis
Respecter le propriétaire ;
J'ai vu partout en vrais amis
Leurs soldats nous faire la guerre.
Le Français que guide un Héros,
Sous des loix enfin tutélaires,
Sans faire la guerre aux châteaux,
Sait donner la paix aux chaumières.

Me. SAINT-AUBIN.

J’ai vu parmi tant de travaux,
Spectacle pour nous plein de charmes,
J'ai vu l’épouse d’un Héros
Le suivre pour sécher des larmes.
Au sein des plus affreux débats ;
Pour guider la douce espérance,
Sur les pas du Dieu des combats,
J'ai vu marcher la Bienfaisance.

La musique, qui est de M. Nicolo, est digne de cet habile compositeur. Les paroles sont de M. Dupaty.

La pièce de Dupaty et Nicolo a suscité une réaction du premier Médecin de la Grande-Armée, qui a écrit une longue lettre publiée dans le Mercure de France, tome vingt-troisième (1806), n° CCXLI (Samedi 1er mars 1806), p. 411-416, pour protester contre l'image que les auteurs de l'Opéra-Comique ont donné de sa personne et de son action.

Le premier Médecin de la Grande - Armée au
Rédacteur du Mercure De France.

Au quartier général à Augsborg,
le 20 février 1806.

Monsieur,

L'écrit dont je n'aurois pas pris la liberté de vous adresser un exemplaire dans toute autre circonstance,sort de presse(1) : sa date vous assurera quelle a du être ma surprise, lorsque le Publiciste du. 10 février m'a annoncé qu'au moment où je pleurois, en quittant l'Autriche les amis que nous y avons perdus, MM. Dupaty et Nicolo(2), jugeoient devoir me mettre en scène à l'Opéra-Comique.

Ceux de qui j'ai l'honneur d'être connu, trouveront qu'en me présentant comme une espèce de Figaro, plus impudent encore que mauvais plaisant, les poètes de l'Opéra-Comique ont manqué le caractère de la personne. En attribuant celui d'un misérable frater au premier médecin des armées, ils ont étrangement méconnu les convenances du personnage. Ils ont donc violé de fait et de droit le sage précepte du grand maître : Reddere personæ... convenientia cuique.

Je n'avois pas lieu de m'attendre qu'une aventure, dont 1e rapport officiel a été perdu par les circonstances de guerre, fût de nature à fournir la matière d'un opéra comique. J'ignore quelles sont les sources.où les auteurs ont pris leurs renseignemens. La légèreté avec laquelle ils m'ont fait subir une métamorphose si singulière peut seule me forcer à tracer le plus brièvement qu'il me sera possible, l'histoire véritable de la prise de Passaw par deux médecins de l'armée française.

Envoyé à Passaw le 7 brumaire dernier, par ordres supérieurs, pour y former des hôpitaux, je priai le médecin principal Brassier, qui parle les deux langues, de m'y accompagner. Partis un peu tard de Munich, nous voyageâmes péniblement pendant la nuit, pour arriver à Passaw le 8, à une heure après midi. Le temps étoit beau, les chevaux qui nous amenoient les meilleurs que nous eussions encore rencontrés, le postillon jeune et vif. Celui-ci, en traversant la ville au grand galop dans toute sa longueur jusqu'à la cathédrale, ne cessa de donner du corps [ou du cor?] de manière à exciter la curiosité. Aussi, à la porte du directeur général de police, fûmes-nous environnés d'une grande affluence d'habitans. Nous n'eûmes le mot de leur étonnement que lorsque M. Lenz, premier magistrat de la ville, nous eut tirés à l'écart, pour nous apprendre que nous étions les seuls Français dans la place, occupée par un corps de quinze cents hommes de l'armée autrichienne.

Quel parti prendre ? Celui de rebrousser chemin nous perdoit. Il nous parut plus sage de faire bonne contenance, et cependant d'être prudens. M. Lenz nous proposa sa campagne, à trois quarts de lieue de la ville. Nous y aurions végété aux arrêts forcés, dans l'inquiétude, et dans l'inutilité relativement à notre mission. « Ne nous placez pas, dis-je à M. Lenz, dans une maison apparente, et cela suffira. » Tel fut l'avis de M. Moser, officier bavarois, envoyé de Munich à Passavv pour y seconder les opérations de l'armée française. M. Lenz partagea bientôt cette opinion. Nous remontons en voiture comme des hommes qui reprennent leur première route, et nous mettons pied à terre chez un des amis de M. Lenz. Nous étions en sûreté chez M. Curtz, autant qu'on pouvoit l'être sur la rive gauche de l'Inn, en perspective du faubourg situé sur la rive droite (Innstadt), et qu'occupoient les troupes autrichiennes.

Les bâtimens de la belle abbaye de Saint-Nicolas frappent nos regards. « Peut-on y établir un hôpital ? » « Oui, répondent nos hôtes. » « Allons visiter ce local. » Cependant le temps change, il s'obscurcit ; la pluie survient, et elle favorise notre course. Nous montons à l'abbaye, accompagnés de l'officier bavarois.

Nous y passons quatre heures, à évaluer et mesurer les espaces, à combiner les convenances, à prendre des notes pour nos distributions. Jaloux d'emporter à notre logement toutes les données du plan à tracer, nous achevions aux flambeaux nos dernières recherches, lorsqu'un envoyé de M. Lenz vint prévenir à l'oreille l'officier bavarois, qu'on étoit à sa poursuite et à la recherche de deux officiers français. Son air d'embarras nous avoit déjà fait soupçonner quelque danger, lorsque M. Lens vint en personne nous déclarer qu'il n'y avoit pour nous aucune sûreté ; que les conseillers de son administration, ainsi que les notables de la ville, après mûre délibération , nous prioient instamment de ne pas nous exposer davantage, et sur-tout de ne pas exposer à l'incendie les maisons où l'on nous pourroit supposer. Ce dernier motif prévalut sur toutes nos objections. La principale étoit fondée sur l'étendue de cette vaste maison où nous avions le choix de cent appartemens. Nous répondîmes qu'une prière ainsi motivée devenoit un ordre pour notre délicatesse. Mais les moyens de partir ?

« Ne doutant pas d'une détermination aussi sage que la vôtre, dit M. Lenz, j'ai pourvu à tout. Vos effets sont dans votre voiture qu'on conduit dans ce moment à l'abbaye, à bras d'hommes, par un chemin détourné. Dans une demi-heure vous aurez des chevaux de poste sortis par la porte d'en haut, afin de tromper les espions qui circulent autour de votre logement, et qui se sont présentés pour vous faire visite. A chaque tiers de la première lieue, pendant laquelle on monte à pic, un homme affodé vous avertira par deux coups de pistolet tirés à une minute l'un de l'autre, s'il faut doubler le pas ou quitter votre voiture pour gagner la forêt de sapins. »

Nous partons à dix heures du soir. Il tomboit beaucoup de neige. Cette circonstance fut comptée pour très-favorable dan» la position où nous étions. Pendant toute notre ascension, nous ne perdîmes pas de vue les feux autrichiens très-multipliés. Ils nous assuroient qu'on ne nous croyoit pas sur la route. Nous n'entendîmes pas tirer un coup de pistolet.

A une heure après minuit nous arrivâmes à Furstewzell, chez. M. Manhart, maître des forêts du duc de.Bavière, à qui M. Lenz nous avoit recommandés. M. et Mad. Manhart nous accueillirent avec beaucoup d'intérêt, et nous traitèrent avec un empressement digne de toute notre reconnoissance.

Cependant on ne négligea point la précaution indiquée par M. Lenz, d'avoir des chevaux tout prêts à partir en cas de besoin. On ne les remit à l'écurie que le lendemain à huit heures du matin, lorsque nous eûmes reçu le courrier que nous avoit dépêché l'administration de Passaw.

M. Lenz nous annonçoit qu'à quatre heures du matin, après avoir achevé de couper ou de brûler le pont de L'Inn et celui du Danube, les Aulrichiens avoient évacué Passaw.

Nous y sommes rentrés avant la fin du jour, et nous avons eu la satisfaction de traverser à .pied l'un des ponts déjà réparés.

Est-ce les deux médecins français qui ont opéré la reddition de Passsaw ? Ils n'ont pas la folle présomption de croire qu'ils aient fait autant de peur à l'armée autrichienne, que d'autres à leur place en auroient éprouvé. Mais on ne peut pas nier que leur longue et imperturbable visite à l'abbaye, de Saint-Nicolas, n'ait, contribué au départ de l'ennemi. Ils en ont été, pour parler le langage de leur faculté, la cause éloignée. La cause déterminante, c'est la présence d'esprit de M. Lenz et de ses dignes collègues.

Dès que ces habiles administrateurs eurent la certitude que nous avions dépassé la montagne et que nous ne courions aucun risque, ils dirent en confidence à tous ceux qu'ils crurent disposés à le répéter, que les deux médecins français qui avoient paru à Passaw, ne s'y étoient arrêtés que pour s'assurer d'un local propre à recevoir 2,500 malades ; que satisfaits de leur opération, ils étoient sur-le-champ repartis en poste et à l'entrée de la nuit pour le quartier général. Or, 2,500 malades supposoient au moins l'arrivée très-prochaine de 25,000 hommes. Ils avoient laissé aux nouvellistes le soin de tirer celte induction.

Voilà, monsieur, ce que les poètes de l'Opéra-Comique n'ont pu savoir. Ils ont fait jouer à celui des médecins qu'ils ont mis sur le théâtre, un rôle qui n'a pu être le sien, ni celui de son camarade. Ils ont substitué de petites filles très-insignifiantes à M. Lenz dont le personnage eût été aussi intéressant pour leur pièce, que la personne est intéressante à l'administration qu'il préside.... Enfin, ils eussent fait tout autrement qu'ils n'ont fait. Peut-être même dans ce récit véritable, n'eussent-ils rien trouvé a faire.

Il m'en coûte beaucoup à moi-même de me mettre, non pas en scène, mais en évidence par ce narré. Sa première partie est conforme à mon rapport officiel, envoyé par M. Lenz aux présidens de cantons pour le faire parvenir au premier poste de l'armée française, et qui a été intercepté. La seconde partie est telle que j'ai eu l'honneur de la raconter de vive voix à M. le maréchal Berthier à Lintz, où S. E. m'avoit donné l'ordre de me rendre de Passaw.

Si vous pensez,, monsieur, qu'il y ait quelqu'utilité à publier ma lettre, dont je vous garantis la plus scrupuleuse exactitude, je vous prie de lui donner place dans un de vos prochains numéros; et vous ferez justice.

J'ai l'honneur de vous saluer.

Le premier Médecin de la Grande-Armée.

COSTE.

Archives Littéraires de l'Europe ou Mélanges de littérature, d'histoire et de philosophie, Volume 9 (1806), Gazette littéraire (Février 1806), p. xxxvi :

Le succès de la Prise de Passau, fait historique, en deux actes, paroles de M. Dupaty, musique de M. Nicolo, n'a pas été aussi complet au théâtre de l'Opéra-Comique. On ne compose pas la musique d'un opéra aussi vite que les paroles, et celle de M. Nicolo s'est un peu sentie de sa précipitation. M. Dupaty lui-même, en portant à ce théâtre le talent qui lui a valu tant de succès au Vaudeville, un dialogue spirituel, des traits piquans; de jolis couplets, n'a pas rempli tout à fait l'attente des spectateurs ; on lui a reproché quelques inadvertances; mais sa pièce, comme les autres, a réussi par l'intention.

La Prise de Passaw ; 8 février 1806.

Théâtre de la Porte Saint-Martin.

Almanach des Muses 1807.

Courrier des spectacles, n° 3297 du 10 février 1806, p. 3 :

[Inutile de parler de la pièce, elle est tombée, et le critique rapproche le héros du moment d’Alexandre qui se plaignait de ne pas avoir d’Homère à ses côtés « pour chanter ses conquêtes ». Du spectacle de la Porte Saint-Martin, il ne faut retenir que les décors du divertissement final, tout à la gloire de Napoléon. Les peintres se sont surpassés pour célébrer l’Empereur.]

Théâtre de la Porte Saint-Martin.

La Prise de Passaw.

Il ne faut point parler de la pièce qui est tombée ; mais il faut donner des éloges à la décoration qui a été généralement admirée. Dans le concours général des arts pour célébrer les glorieux exploits de nos guerriers, la peinture a été plus heureuse que la poésie. Alexandre se plaignoit de n’avoir point un Homère pour chanter ses conquêtes. Nos héros peuvent renouveller cette plainte. Les Achilles, les Hector et les Ajax ne manquent point ; mais le génie manque à la plupart des auteurs qui se sont chargés de célébrer leurs actions.

Il y a plus de talent dans la belle décoration de l’Opéra que dans presque toutes les odes, les chants guerriers et les hymnes triomphales publiés depuis un mois. Le Théâtre de la Porte St.-Martin, qui imite de loin, et autant que ses moyens le lui permettent, la pompe Théâtrale de l’Académie Impériale de Musique, s’est aussi fait remarquer par le goût que ses artistes ont déployé dans la petite fête qui termine la Prise de Passaw. Le Théâtre change à vue et présente un portique illuminé ; au milieu du fronton est placé le relief de Napoléon revêtu de la toge impériale, couronné par la Victoire et la Renommée Autour de ce fronton sont dessinés des médaillons qui renferment dans des couronnes de laurier le nom des batailles gagnées par nos guerriers et des villes conquises par leur courage. Dans les frises on lit ces vers :

II sait tenir les promesses qu’il donne,
Et l’olivier ceint sa double couronne,
Gloire au héros, honneur à ses guerriers ;
Compter ses jours, c’est compter ses lauriers.

Plusieurs autres devises embellissent la façade de ce beau monument, aussi remarquable par la grandeur imposante de ses formes que par la beauté des détails et de l’exécution. On le doit à deux peintres connus et estimes, MM. Mathie et Desroches.

(1) Cet écrit est l'oraison funèbre des officiers de santé militaires, morts la Grande-Armée.

(2) Auteurs de l'opéra comique, intitulé la Prise de Passaw.

 

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