Le Patriote du 10 août, comédie en deux actes et en vers, de M. Dorvo, 12 novembre 1792.
Théâtre de la République, rue de Richelieu.
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Titre :
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Patriote du 10 août (le)
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose ?
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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12 novembre 1792
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Théâtre :
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Théâtre de la République, rue de Richelieu
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Auteur(s) des paroles :
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Dorvaux
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Mercure universel, tome 21, n° 619 du mercredi 14 novembre 1792, p. 223 :
[Le critique aime bien le sujet de la pièce, « un homme entiché d’aristocratie » que la journée du 10 août convertit aux idées nouvelles, par crainte de la canonnade. La pièce est remarquablement versifiée (Dorvo, le jeune auteur a un talent prometteur), mais elle a le tort de donner trop de développement aux « discussions politiques » qui lassent vite le public (« la rapidité dans la marche est une des conditions les plus nécessaires de l'art dramatique », lui rappelle le critique). Des corrections s'imposent. Les interprètes ont droit chacun à un compliment personnel, mais collectivement, le critique leur reproche de ne pas savoir leur rôle, alors que cette connaissance est une condition du succès pour une première représentation.]
Theatre de la Republique.
C'est une heureuse idée que celle de présenter au public un homme entiché d’aristocratie, et qui abjure ses senti mens, et se revêt pour ainsi dire d’une nouvelle opinion, à mesure que les coups de canon de la journée du 10 août frappent ses oreilles et glacent son ame d’épouvante. Telle est la conception de Dorvo, jeune auteur ; il a montré dans cette pièce une grande facilité de versification ; la verve et l’abondance de ses vers doivent donner, de son talent, les plus grandes espérances. Son ouvrage a le défaut de présenter une controverse continuelle ; le public se fatigue aisément des discussions politiques ; et l’auteur a pu s’appercevoir que la rapidité dans la marche est une des conditions les plus nécessaires de l'art dramatique. Nous l’engageons à faire des | corrections ; elles assureront son succès.
Michaut a été d’un bon comique dans le rôle du patriote du 10 août. Dugazon charmant dans celui d’un médecin gascon. Fusil, chaud dans celui du portier. Baptiste a joué plaisamment un fort petit rôle , et a lassé le regret de n’en avoir pas un plus long.
Mais il est un reproche que nous sommes forcés, malgré nous, de faire aux acteurs : ils ne savoient pas assez leurs rôles pour avoir cet à-plomb qui décide à une première représentation du succès d’un ouvrage.
Réimpression de l’ancien Moniteur, tome quatorzième (Paris, 1858), Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 325, mardi 20 novembre 1792, p. 519 :
[Compte rendu rapide de la pièce, qui en souligne la valeur comme témoin des sentiments de Paris concernant les événements du 10 août. Mais la pièce a « plus de patriotisme que de talent comique », même si elle est bien écrite.]
THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE.
Si l'opinion publique se manifeste dans les spectacles, on peut juger ce que pense Paris de la révolution du 10 août et des projets qu'elle a détruits, en allant entendre au théâtre de la République les applaudissements donnés à la petite comédie du Patriote du 10 août. Le titre même en dit le sujet. Un aristocrate, maîtrisé par la peur, désirant une contre-révolution, mais n'osant y coopérer, espère que la cour va reprendre le dessus. Il forme pour elle, chez lui, les vœux les plus ardents. La journée du 10 renverse toutes ses espérances, et fait de lui, eu un moment, un patriote décidé ; et comme il est enfin bien sûr que la république triomphera, il marie sa fille a un jacobin.
Il y a dans la pièce plus de patriotisme que de talent comique; mais l'intention en est louable, les vers en sont faciles, et le dialogue naturel et gai, quoiqu'un peu diffus. L'ouvrage, au total, fait plaisir, et a du succès.
Dans le même volume de la réimpression du Moniteur, p. 452, c’est à la date du 12 novembre qu’est située la première représentation du Patriote du 10 août.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 2 (février 1793), p. 289-292 :
[Le compte rendu insiste sur la profonde différence entre les deux actes de la pièce : autane le premier a été bien reçu, autant le second a déçu. « Cette piece est écrite avec beaucoup de goût, de finesse, & de facilité : mais autant le premier acte est agréable, autant le second est fatiguant : les situations n'y sont point ce qu'elles devroient être, & les personnages y disent rarement ce qu'ils devroient dire. » Le critique reconnaît à la pièce « des traits de gaieté, & un vrai mérite de style ». L’auteur est jeune et il lui reste à apprendre ce qu’est le théâtre (« la marche d’une action », « la charpente d’une intrigue ». Un acteur est cité pour la qualité de son interprétation : applaudissements pour lui, et encouragements pour l’auteur.]
THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE, RUE DE RICHELIEU.
Le Patriote du 10 août, comédie en deux actes & en vers ; par M. Dorvaux.
Cette piece est le début d'un jeune auteur qui annonce de très-heureuses dispositions pour le théatre, mais qui ne connoît pas encore assez la marche d'une action, ni la charpente d'une intrigue. Le premier acte a obtenu le succès le plus brillant ; le second a été écouté très-froidement, attendu que le principal personnage s'y trouvoit manqué, & que les convenances n'y étoient point assez observées. Le ci-devant marquis de Pontusé est tellement aristocrate, qu'il veut chasser de chez lui son frere, zélé jacobin, & Clairval, jeune patriote, qu'il avoit auparavant promis à sa fille. Pontusé ne veut recevoir chez lui que des gens de sa trempe, & ordonne en conséquence à son portier Picard de refuser impitoyablement sa porte aux autres ; mais Picard, patriote décidé, s'oppose à cet ordre ridicule : Picard veut faire à son maître des observations qui sont mal reçues, & Picard se décide à demander son congé plutôt qu'à faire quelque chose qui puisse compromettre son maître. Pontusé n'écoute pas mieux son frere qui veut l'engager à se ranger du bon parti. Pontusé sonde ses espérances sur un complot tramé par la cour, contre les Jacobins, & qui doit éclater dans la nuit du 9 au 10 août. Il a même un rendez-vous avec des aristocrates qui doivent se rendre la nuit au château pour défendre le roi ; mais le tocsin sonne, on bat la générale, & Pontusé, effrayé, aime mieux rester chez lui. Ceci forme le premier acte, qui est rempli de gaieté & d'originalité. Au second ce n'est plus la même chose. Le matin du fameux 10 arrive. Pontusé a mandé son chirurgien & son avocat, tous deux aristocrates comme lui : ceux-ci se présentent ; mais au-lieu de parler de ce qui s'est passé, de qui se passe encore dans Paris, ces trois contre-révolutionnaires ne s'entretiennent que de complots & d'espérances coupables & frivoles. Cependant le canon se sait entendre : nos trois aristocrates pâlissent. Picard vient leur rendre compte de ce dont il a été témoin : la patrie est sauvée, les partisans de la cour sont en déroute, & les patriotes triomphent !... Ici Pontusé change de visage & de langage en même-tems : il embrasse Picard, puis, se retournant vers ses deux amis, il s'écrie:
Eh bien, mes chers Messieurs, votre aristocratie,
Que devient-elle?...
Dispute entre lui & les deux autres, qui lui reprochent de n'avoir pas toujours parlé ainsi : enfin Pontusé, resté seul, s'occupe à brûler les journaux qu'il chérissoit le plus, le Journal de Paris, le petit Gauthier, le Modérateur, &c. &c. mais il garde le Moniteur & Gorsas. Le gendre aristocrate qu'il avoit choisi d'abord se présente déguisé en garçon perruquier : il s'est sauvé avec peine du château où il s'étoit réfugié : il lui demande un asyle, Pontusé le lui refuse, en lui reprochant son incivisme, & bientôt il donne sa fille au jeune Clairval, qui revient, avec son frere, de l'expédition des Tuileries.
Cette piece est écrite avec beaucoup de goût, de finesse, & de facilité : mais autant le premier acte est agréable, autant le second est fatiguant : les situations n'y sont point ce qu'elles devroient être, & les personnages y disent rarement ce qu'ils devroient dire. Par-tout néanmoins, il y a des traits de gaieté, & un vrai mérite de style ; le jeune auteur de cet ouvrage a prouvé qu'en établissant mieux une intrigue, il avoit tout ce qu'il faut pour obtenir des succès au théatre. On l'a demandé ; il a paru ; c'est M. Dorvaux. Nous ne saurions donner trop d'éloges à M. Michaut, pour le comique naturel & de situation qu'il a su mettre dans le rôle de Pontusé; les nuances de détails, & la vérité des inflexions & des gestes, rien ne lui a échappé. Le public a beaucoup ri : aussi a-t-il prodigué à M. Michaut les plus vifs applaudissemens, & à M. Dorvaux les plus justes encouragemens.
D’après la base César, la pièce est d'auteur inconnu (il n’y a pas de Dorvaux dans la base). La pièce a connu 4 représentations, les 10, 12, 16 et 30 novembre 1792, au Théâtre français de la rue de Richelieu.
Jacqueline Razgonnikoff, Les Théâtres nationaux à l’écoute de la vie du peuple: créations et réactions, d’une scène à l’autre (Théâtre de la Nation et Théâtre de la République), in Studi francesi, n° 169 (LVII | 1) (2013), donne comme date de création le 12 novembre et lui attribue 6 représentations.
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