Le Petit Almanach des Grands Hommes, vaudeville de Rougemont et Merle, 19 septembre 1808.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Petit Almanach des Grands Hommes (le)
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Genre
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vaudeville
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Nombre d'actes :
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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19 septembre 1808
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Rougemont et Merle
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Almanach des Muses 1809.
D'après la Biographie des hommes vivants ou histoire par ordre alphabétique ..., Volume 4 (1818), p. 406, le Petit Almanach des grands hommes, de Merle et Rougemont, a été défendue à la troisième représentation par la police.
Mercure de France, volume 33 (été 1808), n° CCCLXXV (Samedi 24 Septembre 1808), p. 619 :
[Après une première représentation houleuse peut-être pour de mauvaises raisons, « la seconde a été [...] fort applaudie », grâce à des « coupures heureuses ». La pièce vaut par la qualité du dialogue, soigné, et des couplets « presque tous bien tournés ». Si l'intrigue « manque de mouvement », elle a aussi les qualités attendues au Vaudeville, où le public n'est pas trop difficile : « des couplets agréables, du trait dans le dialogue, quelques pointes ou calembourgs » suffisent pour réussir.]
Théâtre du Vaudeville. — Première représentation du Petit Almanach des Grands-Hommes.
Le sort des deux premières représentations du Petit Almanach des Grands-Hommes a été bien différent ; le parterre, assez mal disposé à la première, a donné quelques signes d'improbation bien gratuits : la seconde représentation, au moyen de coupures heureuses, a été fort applaudie, et méritait de l'être. Le dialogue (en termes de coulisse) est soigné, et les couplets, presque tous bien tournés : il eût été vraiment dommage que les auteurs n'en eussent pas appelé.
« Du parterre en tumulte, au parterre attentif. »
On a reproché à cet ouvrage de manquer de mouvement,. et ce reproche est fondé ; mais les habitués du Vaudeville, sont indulgens et faciles à contenter. Ils n'exigent jamais une action dramatique fortement conçue : des couplets agréables, du trait dans le dialogue, quelques pointes ou calembourgs, voilà ce qu'il faut en général pour réussir à ce théâtre, et, à peu d'exceptions, les pieces qui ont été applaudies, n'avaient pas d'autres titres au succès.
Le Petit Almanach des Grands - Hommes est de MM. Rougemont et Merle.
L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1808, tome X, octobre 1808 p. 289-295 :
[La mise sur le théâtre de gens morts récemment comme Rivarol et Champcenez pose problème d’après le critique (ce sont des gens que beaucoup ont connus, et les voir représentés par des acteurs peut choquer leurs parents et amis). C’est apparemment une question importante ! La suite de l'article se perd dans de curieuses digressions, pour finir sur un jugement sévère: les auteurs (et le critique cite Ourry quand les autres sources citent Merl comme coauteur avec Rougemont] sont invités à « choisir leurs sujets une autre fois dans un pays dont ils connaissent la langue et les usages »...
Louis René Quentin de Richebourg, « chevalier de Champcenetz », né le 11 février 1760 à Paris où il a été guillotiné le 23 juillet 1794, est un journaliste français proche de Rivarol avec lequel il collabora, notamment pendant la Révolution à laquelle il n'était vraiment pas favorable. Quant à Antoine de Rivarol, né en 1753 et mort en 1801 à Berlin, lui aussi hostile à la Révolution, il eut la prudence de quitter la France en juin 1792.]
Le petit Almanach des Grands-Hommes.
Le vaudeville est le véritable petit Almanach des Grands-Hommes ; c'est dans ses fastes qu'il faudra aller chercher des notes sur tous ceux qui ont eu quelque célébrité dans quelque genre que ce soit, et il faut avouer qu'on ne leur fait pas attendre long-temps les honneurs de l'apothéose. Il n'y a pas quinze ans que M. de Champcenez a péri ; la mort moins tragique de M. de Rivarol, est encore plus récente ; et les voilà promus aux honneurs du vaudeville. Il faut supposer que ces messieurs n'ont laissé ni parens, ni amis, qui réclament ces portraits de famille qu'on donne au public, ou bien les regarder comme d'assez grands-hommes pour être devenus propriété nationale. Je le veux bien. C'est cependant une singulière chose que de voir représenter, sous la figure de deux acteurs du Vaudeville, des gens dont les traits peuvent être encore présens à la mémoire de la moitié de ce qui vit actuellement. Nous pouvons bien supposer à Oreste, à Nicomède, à Horace, à Tancrède, les traits de Talma ou de Lafond. Rien au fait ne prouve qu'ils n'eussent pas cette figure-là : qu'on vienne même
Peindre Caton galant et Brutus dameret,
notre raison et notre goût pourront être choqués ; mais rien n'avertira nos sens de la mauvaise plaisanterie qu'on nous fait ; on ne viendra pas démentir ce que nous avons vu, de nos propres yeux vu, ce qui s'appelle vu. Essayez un peu, pour faire illusion à un homme qui a vécu dans le monde, il y a seulement vingt-cinq ans, de lui montrer Henri, en lui disant, voilà M. de Champcenetz, et de lui faire prendre Auguste pour M. de Rivarol. Eh bien, s'il s'y trompe , il y a un moyen bien sûr pour le guérir de son erreur, c'est de le prier de les écouter. Ce n'est pas que Henri ne chante, ainsi que le faisait M. de Champcenetz :
De Louvois suivant les leçons,
Je fais des chansons et des dettes, etc.
Ce n'est pas que le petit Almanach des Grands-Hommes n'ait fourni le dialogue de presque toute une scène, ce n'est pas même que dans la partie du dialogue qui appartient aux auteurs il n'y ait assez souvent de l'esprit et du trait ; mais cet esprit là est celui des personnages qu'on fait parler, comme leur ton est celui de la société du temps où ils vivaient. On peut juger de ce ton par la méprise de M. de Champcenetz, qui reçoit une lettre où on l'appelle mon cher capitaine, et qui la prend pour une déclaration d'amour de je ne sais quelle femme de la société. Elle est, au lieu de cela , de son colonel qui le met aux arrêts, et qui, en lui annonçant cette nouvelle, l'appelle mon cher capitaine. Je n'avais jamais entendu dire qu'un officier fût appellé mon capitaine par personne que par les soldats de sa compagnie, quand Voltaire a dit :
Un jeune colonel aurait bien l'impudence
De passer en plaisirs un maréchal de France.
C'est qu'il voulait faire sentir la différence des grades; il savait très-bien que le grade de colonel n'était point une désignation dans la société. Dans l'île seulement, à ce qu'on prétend, on appellait un maréchal-de-camp, M. le maréchal ; mais je ne sache pas que, même dans l'île, on ait jamais dit, mon cher capitaine, Je ne sais pas si on y parlait encore des financiers ; mais je sais bien qu'ailleurs on disait tout simplement un receveur-général ou un fermier-général, et je ne sais pas dans quel quartier de Paris on faisait des visites du matin en uniforme. Le capitaine Champcenetz arrive ainsi vêtu. Son ami Rivarol croit qu'ils vont travailler ensemble au petit Almanach des Grands-Hommes. Non vraiment, dit l'autre, j'ai bien mieux à faire ; regarde ma toilette. J'ai cru qu'il allait à une revue ; point du tout, c'est pour un rendez-vous d'amour qu'il s'est ainsi mis en grande tenue militaire ; c'est, je crois, la première fois que cela lui soit arrivé. Mais les rendez-vous de ces messieurs sont extrêmement dérangés, d'un côté, par la lettre du colonel, de l'autre, par le libraire M. Brochure, qui, en sa qualité de libraire, s'entend fort peu en littérature ; mais qui s'entend en affaires, et sait qu'il a très-bien vendu la première édition du petit Almanach des Grands-Hommes. En conséquence il est fort pressé d'avoir la seconde qu'il a payée d'avance ; et comme ces messieurs n'en finissent pas, il a mis en sentinelle, à la porte de M. de Rivarol, un de ses garçons, qui ne doit quitter son poste que bien muni de copie. Et M. de Rivarol qui, en sa qua1ité de poëte, apparemment loge au quatrième étage avec son ami, et qui n'a pas apparemment un domestique pour en faire descendre deux ou trois un peu vîte à cet incommode surveillant, essaie vainement de corrompre son Argus par des promesses que celui-ci ne prend pas pour argent comptant, et enfin ne trouve autre chose que de s'en aller par une porte secrette, qui lui a quelquefois servi pour échapper à ses créanciers,
Je connais maint detteur qui n'est ni souris chauve,
Ni buisson, ni canard, ni dans tel cas tombé,
Mais simple grand seigneur qui tous les jours se sauve
Par un escalier dérobé.
Il faut croire que c'est qu'alors ils avaient affaire à plus forte partie qu'un garçon inprimeur. Quoi qu'il en soit, M. de Rivarol profite de sa liberté pour aller à un rendez-vous que lui a donné la duchesse d'Albanie qu'il doit épouser. Cette prétendue duchesse d'Albanie est une aventurière qui s'est mise dans la tête d'épouser M. de Rivarol, parce qu'elle le croit homme de qualité ; et celui-ci séduit par l'idée de s'attacher à la famille du prétendant, lui a fait une promesse de mariage, sans imaginer de prendre dans Paris le plus petit renseignement sur la duchesse d'Albanie, connue de tout Paris ; sans que son ami, qui se doute bien de quelque chose , ait trouvé aucun moyen de s'éclaircir, tandis qu'ils auraient dû être suffisamment éclaircis par le ton de la dame qui, regardant déjà son prétendu comme son mari, l'appelle mon époux, et qui se trouve bien heureuse d'avoir fixé un tel conte. Mais ces messieurs sont des modèles de bonhomie. De plus M. de Rivarol est un Céladon, brûlant, malgré la promesse de mariage, d'une constante ardeur pour une jeune paysanne qui a eu ses premières amours, et qui depuis est devenue, je ne sais comment, baronne, de je ne sais quoi; veuve de plus, de plus riche, et qui vient épouser M. de Rivarol en dépit de la duchesse ; car celle-ci a déchiré la promesse de mariage, en apprenant qu'il lui en avait imposé sur sa naissance. Il me semble qu'elle ne devait pas être si difficile.
A tout cela sont mêlées deux scènes épisodiques d'un M. Lourdin, qui vient se plaindre de ce qu'on l'a mis dans le petit Almanach des Grands-Hommes, et d'une femme auteur qui s'indigne de ce qu'on ne l'y a pas placée. A l'affectation avec laquelle cette dernière appuie sur ses romans historiques, on pourrait croire qu'on a voulu faire de cette caricature une satire personnelle. Mais le personnage est si absurde, qu'aucune personne connue ne peut se l'appliquer ; c'est assez, en général, l'avantage des caricatures actuelles. Malgré ces épisodes, d'ailleurs, le public a trouvé, comme M. Brochure, que ces messieurs ne s'occupaient pas assez du petit Almanach des Grands-Hommes qu'on nous avait annoncé; et quand à la fin M. de Rivarol a dit, en parlant de son almanach :
Sur le titre de notre ouvrage,
Je suis encore en suspends.
Et moi aussi, a-t-on crié du parterre ; les mécontens se sont manifestés d'une manière encore plus fâcheuse, lorsqu'on a demandé les noms des auteurs ; mais Henri, du ton d'un homme déterminé, est venu nommer MM. Rougemont et Ourry, Ils ont fait mieux que cela, et je leur conseille de choisir leurs sujets une autre fois dans un pays dont ils connaissent la langue et les usages.
[Ourry comme co-auteur ? Les autres sources donnent Merle.]
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 13e année, 1808, tome V, p. 418 :
[La pièce s’inscrit dans la longue série des pièces consacrées aux beaux esprits d’autrefois, et le critique conteste que les deux auteurs qui figurent dans la pièce méritent un tel honneur (« il faut que la Galerie des Grands Hommes soit bien épuisée, pour aller chercher des noms aussi peu connus que les leurs »). Elle contient « de jolis mots », mais cela ne suffit pas. Annonce mystérieuse de l’interdiction de la pièce : « des raisons particulières », mais lesquelles ? Et est-ce bien à l’initiative des auteurs qu'elle a été retirée ?
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
Le Petit Almanach des Grands Hommes.
Rivarol et Champcenets, auteurs d'un libelle intitulé : Le Petit Almanach des Grands Hommes, méritent-ils pour cela les honneurs de la scène : ils ont bien quelques autres titres littéraires ; mais il faut que la Galerie des Grands Hommes soit bien épuisée, pour aller chercher des noms aussi peu connus que les leurs. Au surplus, de jolis mots ne sont pas une pièce, et c'est surtout par le fonds que celle-ci péchoit. Elle n'a fait que paroître et disparoître. Des raisons particulières ont déterminé les auteurs à la retirer après la seconde représentation, qui avoit été bien accueillie. Ce sont MM. ROUGEMONT et MERLE.
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