Le Petit chemin de Potsdam, ou Quelques anecdotes de la vie de Frédéric II. comédie en un acte de madame Bernard, 7 germinal an 11 [28 mars 1803].
Théâtre de la Porte Saint-Martin
Almanach des Muses 1804
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez les Marchands de nouveautés, an XI :
Le petit chemin de Potsdam, ou quelques anecdotes de la vie de Frédéric II, comédie en un acte. Par Madame * *
L'auteur serait une Madame Bernard.
La pièce est précédée d'un avis, et d'une dédicace à Madame Bonaparte :
AVIS.
L'auteur prévient les artistes qui voudrait jouer ce petit ouvrage, qu'il ne faut rien supprimer à la représentation, et que comme tout est à peu-près historique dans la pièce, les guillemets qui se trouvent à la marge ne sont que pour marquer plus particulièrement ce qui est littéralement. extrait de la vie de Frédéric le Grand.
A MADAME BONAPARTE, ÉPOUSE DU PREMIER CONSUL.
Madame,
Permettez à une femme qui n'a ni ne peut avoir aucune prétention littéraire, de mettre sous vos yeux une petite bluette dramatique, qui n'a d autre mérite que le sentiment d'admiration qui l'a dicté. En lisant la vie de Frédéric II, j'ai vu que les grands hommes de tous les âges ont beaucoup de traits qui se ressemblent. A cette lecture, je formai le projet de faire, dans un plus grand cadre que celui-ci, le parallèle du héros du dix-huitième siècle , avec celui qui illustre le dix-neuvième : je vis bientôt, Madame, que le vainqueur de Maringo étoit plus étonnant encore que celui de Rosbach, et je n'osai poursuivre mon entreprise, crainte de n'avoir pas le talent de rendre au sauveur de la France un hommage digne de lui. Je ne voulus cependant pas tout-à.fait abandonner mon idée première ; je disposai pour la scène quelques anecdotes de la vie du roi de Prusse, et je crois que le public, les rapprochant de quelques-unes du héros qui vient de pacifier les deux mondes, fera lui-même le paralèlle que j'avais eu la témérité de concevoir. Il sentira, comme moi, que celui dont nous ressentons si vivement les bienfaits, gagnera toujours à être comparé aux grands hommes qui le précédèrent.
Tous les momens de votre époux, Madame, sont trop précieux, pour que je cherche à le distraire en lui présentant ma timide ébauche. Je suis d'un sexe d'ailleurs à qui il appartient, je le sais, d'aimer les guerriers célèbres, mais qui rarement a la voix assez forte pour les chanter. Daignez, Madame , vous dont tous nos concitoyens bénissent l'heureuse influence, et prisent si bien toutes les vertus, profiter d'un de ses instans de loisir, pour dire au premier Consul qu'il existe aux pieds des Pyrénées une femme ignorée, qui, quoiqu'elle veuille toujours l'être, n'a d'autre regret que de ne pouvoir lui transmettre d'une manière digne de lui, le tableau de la reconnaissance et du juste enthousiasme qu'il inspire à tous les Français.
J'ai l'honneur d'être avec respect,
MADAME,
Votre très-humble servante.
Courrier des spectacles, n° 2214 du 8 germinal an 11 [29 mars 1803], p. 2 :
[La pièce tire parti de la renommée « du grand Frédéric », dont le nom seul garantit le succès : elle est presque dépourvue d’action, et son style est « lâche, diffus et peu soigné ». En plus, les acteurs ne connaissaient guère leurs rôles. Et les longueurs dans l’exposition ne servent guère qu’à raconter des anecdotes peu à leur place sur scène. Après toutes ces réserves, le critique raconte avec précision l’intrigue, toute à la gloire de Frédéric, clairvoyant et juste, l’image même du bon prince. L’injustice subie par la veuve de l’officier est réparée de façon généreuse. Sans autre commentaire, il passe ensuite à la distribution. Quatre acteurs sont nommés de façon positive, dont l’un pour sa verve comique (mélange des genres donc, la pièce étant donnée pour une comédie dans la brochure, alors qu’elle est plutôt un fait historique). La jeune femme qui jouait le rôle du jeune fils de la veuve est présentée comme un espoir qui « annonce de jolies dispositions », mais qui doit « soigner davantage sa maniere de prononcer ». Le nom de l’auteur est donné sans commentaire, juste qu'elle est « artiste dramatique à Toulouse ».
La ville de Potsdam devient dans cet article Postdam...]
Théâtre de la Porte St-Martin.
Première représentation du Petit chemin de Postdam.
Toutes les fois que le nom du grand Frédéric a paru dans un ouvrage dramatique, il lui a servi de recommandation. La pièce la plus foible sous le rapport du style et de l’ intrigue doit réussir du moment qu’elle présente le héros de la Prusse. Sa vie offre tant d’événemens plus admirables les uns que les autres, qu’on ne peut qu’applaudir au zèle d’un auteur qui cherche à les retracer aux yeux des spectateurs. Le Petit chemin de Postdam a donc réussi, grâce sur-tout au grand nom du héros du siècle dernier ; car pour l’action, il y en a si peu, que sans ce puissant accessoire, elle n’eut été reçue que froidement, pour ne pas dire plus. Le style ne l’auroit pas sauvé davantage ; il est lâche, diffus et peu soigné. Peut-être doit-on aussi accuser la mémoire des acteurs qui ont cru pouvoir jouer une pièce sans être bien sûrs de leurs rôles. Mais quoiqu’il en soit, nous ne pouvons en juger que sur ce que nous entendons, et il n’est pas étonnant que ces rôles mal appris soient tronqués et quelquefois changés par les acteurs, au point que l’auteur lui-même méconnoitroit sa production. La pièce nouvelle contient, sur-tout dans l’exposition, des longueurs qui ressemblent à une espèce de recueil d’anecdotes sur le grand roi dont on honore la mémoire, et appartiennent plutôt à des mémoires historiques qu’au théâtre.
Frédéric se rend à Postdam pour y passer la revue de ses troupes, à laquelle doit assister une foule d'étrangers de distinction rassemblés de toutes les parties de l’Europe. Il desire conserver jusqu'à son arrivée le plus grand incognito, et il arrive dans une petite ville sous le nom du colonel Haiden. Deux de ses officiers qui l’ont précédé sous le simple costume de fourriers, lui préparent un logement chez la veuve d’un officier dont la mémoire a été injustement calomniée. Cette femme réduite à l’indigence par l’oubli ou par l’ingratitude de ceux à qui elle s’étoit adressée, reçoit au moment où Frédéric arrive dans la maison, une sommation par un huissier qui vient saisir sa propriété et ses meubles. Frédéric étonné demande à l’huissier en vertu de quels pouvoirs il en agit avec autant de rigueur ; l’huissier exhibe ses ordres, ses papiers , et le roi y voit le nom de la veuve d’un brave officier mort à son service et qui a sauvé la vie à son frère le prince Henry. Sur ces entrefaites le bruit s'est répandu que Frédéric est dans la ville ; on lui envoie une garde d’honneur ; l’huissier est consterné, la veuve se jette aux pieds du prince et en obtient pour elle une pension, et pour son fils un emploi dans le régiment du prince Henry; que le roi charge d’avancer le jeune homme.
Le cit. Dugrand remplit le rôle du roi de Prusse ; il le dit bien, mais il ne nous paroit pas avoir saisi le point de ressemblance avec le héros. Le cit. Adnet joue avec intelligence et sensibilité le rôle d’un des courriers. Le cit. Bignon a donné à celui d el’huissier une teinte extrêmement comique qui n’a pas peu contribué au succès. Mlle Percheron qui remplissoit le rôle du fils de l’hôtesse annonce de jolies dispositions. Nous ne pouvons que l’engager à soigner davantage sa maniere de prononcer. L’auteur de cette piece a été demandé ; on est venu annoncer mad. Bernard, artiste dramatique à Toulouse.
F. J. B. P. G***.
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