Le Pic terrible ou la Pauvre mère

Le Pic terrible ou la Pauvre mère, pantomime en trois actes, de Frédéric [Dupetit-Méré], musique de Darondeau, ballet de Maximilien, combat réglé par Franconi jeune, 26 avril 1815.

Théâtre du Cirque Olympique.

Sur la page de titre de la brochure publiée lors d'une reprise en 1817, à Paris, chez Barba, 1817 :

Le Pic terrible, ou la Pauvre mère, pantomime en trois actes et à grand spectacle, Par M. Frédéric, Musique de M. Darondeau, Ballet de M. Jacquinet, Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Cirque Olympique, le mercredi 26 avril 1815 ; Et reprise à la nouvelle Salle de MM. Franconi, le 29 Mars 1817.

La brochure de 1815 attribue le ballet à M. Maximilien, dont le Catalogue Général de la BNF ne dit rien.

Journal de Paris, n° 126 du 6 mai 1815, p. 1-2 :

[Le critique commence par un long règlement de compte avec les administrateurs du Cirque Olympique, la famille Franconi. Objet du litige ? La pièce, créée le 26 avril ne fait l'objet d'un compte rendu que le 6 mai : c'est inexcusable. Le silence est pire que la critique, il s'agit bien sûr d'attirer les spectateurs. Toutes les excuses que pourrait utiliser le critique sont inacceptable, les journalistes doivent à tout prix rendre compte des nouveautés. « Le pauvre journaliste », qui n'a d'ailleurs pas dit quelle excuse il a pu invoquer, a dû se résigner à voir la pièce. Et son compte rendu souligne combien la pièce lui a paru terrible, encore plus que ce pic qu'annonce le titre. Le critique entreprend enfin de donner une idée de l'intrigue, une histoire de mère à qui on a subtilisé son enfant pendant qu'elle dormait. Cet enfant a été confié à un seigneur, qui se trouve être le père de l'enfant, mais les ravisseurs l'ignorent, bien sûr. La mère, partie à la recherche de son enfant et de son mari, arrive en haillons chez ce mari (le hasard fait bien les choses), mais elle est jugée responsable de la mort d'un esclave qui a bu le poison destiné à son fils : on va l'exécuter, mais « une double reconnaissance » la sauve. Cela n'empêche pas le malheur de continuer à l'accabler, et le critique s'amuse beaucoup à faire une liste des catastrophes dont elle ne sort que par miracle. La pièce s'achève naturellement par le bonheur de cette femme et de sa famille, et l'exécution des odieux personnages qui s'en sont pris à cette pauvre famille. Le critique a le sentiment que son résumé risque fort d'être insuffisant pour permettre de comprendre la pièce « surchargée de tant d'évènemens » : pour la comprendre, il faut lire le programme, et le critique soupçonne qu'il y a une collusion entre l'auteur et le libraire, désireux de vendre du papier imprimé. La conclusion de l'article comporte une dernière perfidie : « le mérite principal de cette nouvelle pantomime », c'est ce qui l'entoure : « costumes, décors, combats, coups de théâtre, tout éblouit les yeux ». Et c'est en nommant l'auteur (pour les paroles seulement) que le critique achève son long compte rendu.]

CIRQUE OLYMPIQUE.

Le Pic terrible, ou la Pauvre Mere, pantomime en trois actes
à grand spectacle.

Les nouveautés dramatiques se succèdent avec tant de rapidité sur les nombreux théâtres de la capitale, que le journaliste qui a contracté l'obligation d'en rendre compte exactement, semble avoir pris en même temps l'engagement de n'éprouver jamais ni distraction, ni fatigue d'être toujours et dans une disposition d'esprit et dans un état de santé qui lui permettent d'avoir à lui seul autant d'activité que tous les théâtres ensemble. Si cette activité se relâche un instant, s'il laisse en arrière la moindre bagatelle d'un théâtre du dernier ordre, alors que de mécontentemens éclatent contre lui ! que de reproches lui sont adressés ! l'amour-propre d'un auteur, et l'intérêt d'une administration qui s'accommodent encore mieux de la critique que du silence, se réunissent pour accuser le négligent qui blesse et compromet l'un et l'autre.

On ne lui tient compte d'aucune excuse. En vain alléguera-t-il qu'on donnait plusieurs nouveautés le même jour ; on lui répond : votre devoir vous prescrit d'être en plusieurs endroits à-la-fois ; d'ailleurs, je n'exige pas que vous voyiez ma pièce, mais j'exige que vous en parliez ; veut-il prétexter sa santé, ses affaires personnelles ? un journaliste, lui dira-t-on, ne doit jamais être malade quand son journal se porte bien, ni avoir d'autres affaires que celles de sa feuille. Les lecteurs, plus indulgens, lui pardonneraient peut-être assez volontiers d'avoir dérobé à leur curieux intérêt une pièce dans la foule de celles qui naissent et meurent chaque mois ; les parties intéressées ne veulent entendre à aucune composition.

Que sera-ce donc, si, au lieu d'être une bagatelle sans conséquence, l'ouvrage oublié est une grande, longue et belle pantomime en trois actes, et si les directeurs offensés par l'oubli sont MM. les écuyers Franconi? Quel parti devra prendre le pauvre journaliste ? celui auquel je me suis résigné moi-même ; il conviendra de son tort, et il ira voir le Pic terrible.

La pièce est encore bien plus terrible que son titre, car on ne voit le Pic qu'au troisième acte, et déjà dans les deux premiers on a eu mainte occasion raisonnable de mourir d'effroi ; on n'y resiste que par la curiosité de voir comment tout cela finira.

Un enfant enlevé à sa mère endormie est substitué par des coquins au fils d'un seigneur ; mais ces coquins sont bien attrapés; cet enfant est vraiment le fils de celui qu'ils ne s'avisaient pas de croire son père. La pauvre mère court le monde pour retrouver et le père et l'enfant. Par un prodigieux enchaînement de circonstances, elle arrive sous les habits de la misère au palais qu'habitent les deux objets de sa tendresse ; le plus grand danger les environne, le fer et le poison menacent leur vie ; c'est par un miracle que le petit innocent échappe au poison qui fait périr sous ses yeux un esclave. La mère inconnue est accusée de ce crime, et condamnée à mort sans autre forme de procès ; une double reconnaissance s'opère fort à propos pour la sauver, et des mains des bourreaux elle passe dans les bras de son époux et de son fils. On croit peut-être ses malheurs terminés ; on se trompe.

La Pauvre Mère, comme on dit vulgairement, n'est pas à la fin de ses maux. Il faut encore qu'elle tombe du haut d'une maison avec les débris d'un balcon embrasé, qu'elle roule dans un précipice où elle est ensevelie sous une avalanche ; il faut...... Mais enfin le ciel lui accorde le bonheur qu'elle a si chèrement acheté ; elle est rappelée à la vie, son époux, son fils lui sont rendus, et les scélérats, auteurs des infortunes de cette famille intéressante, sont punis par une mort trop douce pour leurs forfaits.

Je n'ose me flatter que cette analyse rapide ait donné aux lecteurs une idée bien précise et bien claire de l'action du Pic terrible. Elle est surchargée de tant d'évènemens, ils se succèdent, se pressent avec une telle rapidité, que le spectateur a beaucoup de peine à les suivre, et qu'il lui serait impossible de les comprendre, s'il n'avait la ressource du programme ; il est peu de pièces qui en fassent mieux sentir l'utilité, et je serais tenté de croire que l'auteur s'est entendu avec le libraire.

Le mérite principal de cette nouvelle pantomime est précisément celui que le programme et l'article d'un journal peuvent faire le moins sentir ; costumes, décors, combats, coups de théâtre, tout éblouit les yeux ; on ne peut pas trop se rendre compte de ce que l'on voit ; mais c'est superbe ; aussi les recettes vont-elles toujours en augmentant. Et peut-être est-ce là le genre de succès que l'administration ambitionnait le plus.

Le Cirque Olympique doit cette bonne fortune à M. Frédéric, à qui plusieurs de nos théâtres ont déjà de semblables obligations.

A. Martainville.          

Le Nain jaune ou Journal des arts, des sciences et de la littérature, Volume 2, n° 366 (cinquième année) du 10 mai 1815, p. 155-156 :

[Compte rendu moqueur d'« une pièce effroyable », et qui ne peut se comprendre qu'en achetant la brochure à un prix modique.]

Le Pic terrible ou la Pauvre Mère, est ce qu'on peut appeler une pièce effroyable. On frémit à chaque acte, et je ne sais pas trop ce qu'on fait au dernier. Je laisse à de plus intrépides journalistes le soin de copier le programme pour l'instruction de leurs lecteurs. Il me suffira de dire aux nôtres qu'on trouve dans cette pantomime des combats, des coups de théâtre, des décors assez beaux, des costumes ni plus ni moins brillans que dans vingt autres ouvrages ; que l'on doit ce petit chef-d'œuvre à M. Frédéric, qui n'en fait pas d'autres, et que, lorsqu'on veut le comprendre, on l'achète pour huit sols chez. Barba.

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