Le Poète et le courtisan ou Racine à Versailles

Le Poëte et le courtisan ou Racine à Versailles, comédie en un acte et en vaudevilles, de Dieulafoy et Gersain, 30 janvier 1815.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Poète et le courtisan (le) ou Racine à Versailles

Genre

comédie en vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

30 janvier 1815

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dieu-la-Foy et Gersain

Mercure de France, volume 62 (janvier-février 1815), n° DCLXIX (4 février 1815), p. 178-180 :

[La pièce est représentative d’une veine très abondante au Vaudeville, les pièces montrant des moments de la vie de grands hommes, ici le grand Racine et le moins grand Cavoye (ou Cavois), présenté comme « courtisan ». L’anecdote racontée est présentée comme imaginaire, montrant la double déception des deux hommes qui veulent réussir en-dehors de leur domaine. La pièce a reçu un accueil peu favorable, un « échec [qui] n’est pas sans appel ». Le portrait fait de Racine est sans valeur historique, mais le public a apprécié « deux scènes charmantes «  et « plusieurs jolis couplets » que la revue cite, avant de critiquer le second, puis de voir le défaut qu’il comporte comme mineur. Le critique conclut sur les qualités de la pièce (« intentions fines, […] excellens motifs de science, […] ton de comédie »), qui n’étonne personne quand on connaît les auteurs...]

Théâtre du Vaudeville. — Le siècle de Louis XIV, qui doit garder à jamais l'immortel surnom du grand siècle, n'était pas exempt de ce ridicule qui, depuis, s'est multiplié d'une manière effrayante : je veux parler de cette manie absurde qui fait désirer le succès qu'on ne doit pas obtenir, et qui donne la prétention du talent qu'on n'aura jamais. Louis XIV, dont le mérite suprême était de deviner les hommes, voyant un jour Cavoye se promener avec Racine, dit : Voilà Racine qui se croit courtisan, et Cavoye qui se croit poëte. C'est sur cette phrase qui renferme une idée si fine et si ingénieuse, qu'on a construit la pièce donnée le 30 janvier au Théâtre du Vaudeville, sous le titre du Poëte et le Courtisan, ou Racine à Versailles. Les auteurs ont supposé que, pendant les vingt-quatre heures que dure leur action, Cavoye et Racine, aspirant à des succès nouveaux pour eux, attendaient le résultat, le premier, d'une tragédie, et le second, d'un mémoire politique. Leurs espérances sont déçues : la tragédie est sifflée à outrance, et le mémoire très-mal accueilli par Louis-le-Grand. Le courtisan poëte, et le poëte courtisan, sont ainsi guéris du double accès de leur ambition ridicule, et reconnaissent qu'il faut toujours préférer le talent qu'on a à celui qu'on cherche.

Cette pièce n'a pas obtenu un succès complet ; mais ce qui me fait croire que cet échec n'est pas sans appel, c'est que la seconde moitié a été beaucoup mieux reçue que la première : on a généralement désapprouvé le caractère que les auteurs ont donné à Racine ; ils en ont fait un courtisan qui renie le Parnasse ; ce n'est assurément pas une tradition historique ; Racine a bien pu désirer les faveurs de son roi, mais il n'a jamais renoncé à celles des muses. Le public a vivement applaudi deux scènes charmantes, et plusieurs jolis couplets, que nous citerons ; le jeune page dit à Racine :

AIR : Si Pauline.

De noire scène la merveille,
Plus qu'Euripide tendre et doux,
Vous balancez, dit-on, Corneille,
Et Sophocle revit en vous.

RACINE.

Contre l’éclat de votre hommage,
Grâce au ciel, je suis affermi ;
D'un ami seul c'est le langage.

EUGÈNE.

L'univers est donc votre ami.

Caroye dit à Racine, qu'on peut réussir à la cour avec un peu d’habitude.

AIR : D'abord je chante pour bon.

Ici cette expérience
Par un art si savant,
Il ne faut qu'avec prudence,
Voir qui monte et qui descend,
Les plus grands succès y tiennent
A tourner, du même front,
Le visage à ceux qui viennent,
Le dos à ceux qui s'en vont.

Ce couplet séduit d'abord ; mais en y réfléchissant, je ne conçois pas trop comment on peut tourner le visage et le dos du même front.

Je conviens que c'est-là ce qu'on appelle faire la guerre aux mots, aussi je m'empresse de convenir que ces légers défauts sont plus que rachetés par des intentions fines, par d'excellens motifs de science, et par un ton de comédie qui annonce un talent distingué : cet éloge n'étonnera personne quand j'aurai dit que cet ouvrage est de MM. Dieu-la-Foi et Guérin.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 20e année (1815), tome 1, p. 398-400 :

THEATRE DU VAUDEVILLE.

Le Poète et l'Homme de Cour, ou Racine à Versailles, comédie en un acte et en vaudevilles, jouée le 30 Janvier.

Louis XIV disoit : Lorsque Cavois cause avec Racine, Cavois se croit homme de lettres, et Racine se croit courtisan. C'est sur ce mot, que les auteurs ont fondé leur pièce, qu'ils ont malheureusement fabriquée avec autant d'invraisemblance, et d'anachronismes que d'esprit et de prétention.

Racine, tourmenté par la coterie qui protège Pradon, a renoncé au théâtre pour se vouer tout entier aux affaires de la cour; pour plaire à Madame de Maintenon, il a fait un mémoire sur les vices de l'administration, et, ce qui est assez incroyable, il ne sait de quel moyen se servir pour approcher de sa protectrice, et lui remettre le travail qu'elle lui a demandé. Il est devenu l'ami le plus intime du marquis de Cavois, lieutenant-général des armées du Roi, et maréchal-de-logis de la cour ; Cavois a fait, sans en parler à Racine, une tragédie que l'on doit représenter le jour même.

Une nièce de Cavois est courtisée par un jeune page de Madame de Maintenon ; ce page s'introduit auprès de sa belle ; il est surpris par Cavois et Racine, et celui-ci, qui désire une audience de la favorite, fait platement la cour au jeune page, qui lui promet sa protection, à condition que Racine, à son tour, l'appuyera de son crédit auprès du marquis de Cavois. Il est humiliant pour les lettres de voir le grand Racine rechercher l'appui d'un page. Notre étourdi promet à l'auteur d'Athalie de saisir l'instant favorable pour parler de lui, et, peu de momens après, il revient lui annoncer que Madame de Mainteuon l'attend. Racine se hâte d'aller lui présenter son Mémoire.

Dans cette même soirée on représente la tragédie de Cavois ; mais le Roi et le parterre semblent s'entendre pour ne pas encourager les deux débutans. Louis XIV accueille fort mal les représentations de Racine, et la pièce de Cavois est sifflée. Le courtisan fait preuve d'esprit en renonçant au théâtre, et Racine reconnoît qu'il fait mieux sa cour aux Muses qu'aux Grands.

La première moitié de l'ouvrage languit ; les couplets, sont bien tournés, mais froids. La plus grande difficulté étoit de faire tenir à Racine un langage digne de lui, et les. auteurs n'ont pas évité cet écueil.

Henri a joué avec noblesse le rôle de Cavois ; Saint-Léger est gourmé dans le rôle de Racine ; Madame Hervé n'a pas trouvé l'occasion de faire preuve de talent dans le rôle de la Champmeslé.

Quelques personnes ont demandé les auteurs ; MM. Dieulafoy et Gersain ont été nommés au bruit des applaudissemens, accompagné de nombreux témoignages d'improbation. On leur prête un troisième collaborateur.

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