Créer un site internet

Le Point d'honneur (Patrat)

Le Point d’honneur, pièce en cinq actes et en vers, de Joseph Patrat, 11 décembre 1790.

Théâtre du Palais Royal (autrefois Théâtre des Variétés).

Pièce non imprimée.

Titre :

Point d’honneur (le)

Genre

 

Nombre d'actes :

5

Vers / prose ?

vers

Musique :

non

Date de création :

11 décembre 1790

Théâtre :

Théâtre du Palais-Royal

Auteur(s) des paroles :

Patrat

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 52 du samedi 25 décembre 1790, p. 160-164 :

[Long compte rendu d’une pièce par ailleurs passée inaperçue. Alors que le Théâtre Italien comme le Théâtre de Monsieur (deux grands théâtres pourtant) n’ont pas montré de nouveautés dignes d’attention, c’est dans le petit Théâtre du Palais-Royal que le critique a vu une pièce intéressante, pièce en cinq actes et en vers (une pièce ambitieuse donc). Il en expose longuement le déroulement, une question d’honneur qui met en cause deux amis au point de les mener presque jusqu’au duel, dont il ne trouve à critiquer qu’un passage où c’est l’héroïne féminine qui parle contre le duel, ce qui choque le critique, parce que ce sont des lieux communs, et que c’est une femme qui les tient. Le dénouement est heureux. La partie critique de l’article insiste sur les qualités de l'œuvre : situations bien enchaînées, caractères « habilement tracés & bien soutenus » à une exception près. Style un peu négligé (reproche récurrent !), mais aussi de beaux vers. Malgré les mauvais choix concernant la critique du duel (si bien que la pièce manque un peu son but), la pièce est appelée à réussir. Le dernier paragraphe souligne l’inégalité des interprètes.]

Quelques succès ou médiocres ou entièrement nuls, sur le Théatre Italien & sur celui de Monsieur, nous dispensent également de nous y arrêter. Mais sont-ce les seuls Théatres de Paris où l'on puisse trouver des Ouvrages de mérite ? Celui du Palais-Royal, autrefois le Théatre des Variétés, qui prend chaque jour de nouvelles forces, commence à recueillir le prix de ses efforts, & offre déjà des Ouvrages où l'on découvre un vrai talent. Le dernier qu'on y a représenté, est une Pièce en cinq Actes en vers, intitulée le Point d'Honneur. Elle est de M. Patrat, connu par d'autres Ouvrages de mérite. Le but philosophique de ce sujet, sur-tout la manière dont il est traité, le rendent très-fort de notre compétence, & nous croyons que nos Lecteurs nous sauront gré de leur en exposer le plan.

La Scène se passe dans l'une de nos Colonies en Amérique. Le Commandant de la Place a une fille charmante, aimée de S.Mery, Officier plein de courage, de vertus, des qualités les plus distinguées, mais sans fortune & sans protection. Il n'est encore que Lieutenant, & ne prévoit pas même les moyens de s'avancer. Le Commandant l'estime infiniment, mais un peu trop attaché à ses préjugés, il ne peut consentir à en faire son gendre, à moins qu'il ne soit au moins Capitaine. Il lui reproche aussi, non pas de manquer de courage, mais d'être trop endurant sur le Point d'honneur, trop patient avec ses camarades. Ce Commandant est, comme l'on voit, meilleur Militaire que Philosophe. S. Mery a un jeune ami, Darneval, d'un caractère tout opposé au sien. Il est bon, sensible, généreux, mais bouillant, emporté, qucrelleur, & se faisant chaque jour des affaires. Parmi ces personnages est un Espagnol au service de France, Officier dans le même Régiment, homme lâche, fourbe, dissimulé, nommé Alvar. Il est amoureux de Mirza, fille du Commandant. Il la demande en mariage. Elle le refuse honnêtement en lui nommant le choix de son cœur. C'en est assez pour exciter sa jalousie, & l'exciter à employer tous les moyens de perdre cet heureux rival.

Dans le moment où S. Mery reçoit d'une main inconnue un présent considérable, où le Ministre, à qui l'on a fait connoître sa dernière action, l'en récompense en lui envoyant la croix & un brevet de Capitaine, où rien par conséquent ne s'oppose plus à son mariage avcc Mirza, le scélérat d'Alvar, par une calomnie, suscite contre lui l'imprudente fureur de Darneval, qui insulte son ami de la manière la plus grave. Il faut se battre. En vain le jeune homme reconnoît sa faute, s’offre à la réparer de toutes manières, & en obtient le pardon, en vain S. Mery sent combien il seroit barbare d'abuser de sa supériorité pour déchirer le sein de son jeune élève, qu'il chérit si tendrement ; aucune conciliation n'est admise. Leurs camarades les fuient, & le Commandant lui-même fait entendre à S. Mery, qu'il ne peut donner sa fille à un homme taché. Ces deux amis, qui sacrifieroient leur vie l'un pour l'autre, sont prêts à sortir pour s'entr'égorger. Pour rendre leur situation plus cruelle, Mirza, qui ne sait rien de cette aventure, vient apprendre que c'est à Darneval que S. Mery doit le présent qu'il a reçu & les sollicitations auprès du Ministre, qui lui ont valu tant de bienfaits. Ce trait & quelques lieux communs contre les duels, débités par Mirza, & qu'elle a puisés dans l’Héloïse, décident entièrement S. Mery. Il bravera tout, & sacrifiera son amour même, plutôt que d'attaquer les jours de son bienfaiteur. Une nouvelle action contre l'ennemi, où il a le bonheur de sauver le Commandant de la place, concilie tout. Alvar est puni, & S. Mery devient heureux par l'amour & l’amitié

Cette Pièce est remplie d'intérêt, & les situations en sont enchaînées avec beaucoup d'art ; les caractères habilement tracés & bien soutenus. Celui d'Alvar, trop gratuitement atroce à la première représentation, a excité quelques murmures. Il a été fort adouci aux représentations suivantes. Le style offre quelques négligences faciles à corriger ; mais on y trouve aussi de très-beaux vers & un grand nombre de morceaux bien faits. On pourroit reprocher à cet Ouvrage de ne pas remplir son but, celui d'attaquer le préjugé contre les duels. S. Mery est dans un cas d'exception qui ne prouve rien contre la loi générale. Mais ce défaut ne touche en1ien au mérite Dramatique. C'en est un plus sensible que d'avoir mis la discussion contre les duels dans la bouche d'une femme ; & au lieu de lui avoir fait parler le langage du sentiment qui lui étoit propre, de l'avoir jetée dans des abstractions métaphysiques, que son sèxe & la situation repoussent également. Malgré cela, cet Ouvrage doit réussir. Il a pour lui l'opinion des Gens de Lettres, qui finit toujours à la longue par être l'opinion générale.

Il faut convenir que tous les Acteurs n'y montrent pas un talent égal. Nous ne ferons pas l’éloge des uns, pour ne pas affliger inutilement les autres. On ne peut se dissimuler que ce Théatre, pour obtenir la consistance que le Public paroît disposé à lui accorder, a besoin de se renforcer du côté de l'exécution. Les talens précieux qu'on y voit en appellent d'autres qui les secondent. On doit tout attendre du zèle & de l'intelligence des Entrepreneurs. Cc qu'ils ont fait pour élever ce Théatre au point où il est, donne lieu d'espérer qu'ils ne négligeront rien de ce qui leur reste à faire.

La base César, pourtant riche en Point d'honneur, ne semble pas connaître celui de Patrat.

Ajouter un commentaire

Anti-spam
 
×