Le Portrait de famille, opéra en un acte, paroles de Planard, musique de Kreubé ; 12 juillet 1814.
Théâtre de l'Opéra-Comique.
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Titre
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Portrait de famille (le)
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Genre
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opéra comique
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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Musique :
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oui
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Date de création :
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12 juillet 1814
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Théâtre :
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Théâtre de l’Opéra-Comique
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Auteur(s) des paroles :
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Planard
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Compositeur(s) :
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Frédéric Kreubé
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Le Portrait de famille a d'abord été une comédie en un acte et en vers libres de Planard.
Almanach des Muses 1815.
M. de Moranges meurt, des collatéraux viennent recueillir son héritage. Parmi les objets mobiliers se trouve le portrait du défunt, il faut le vendre parce qu'on en trouve 40 francs ; et c'est toujours cela de plus. Un jeune menuisier dont M. de Moranges a pris soin, en donne 100 fr. : c'est toute sa fortune ; mais on ne veut lui céder que le portrait et garder le cadre. Or ce cadre a un double fond qui contient une bourse. Les héritiers la réclament/ M. de Moranges a prévu l'insouciance, l'ingratitude de ses héritiers, et donné la bourse à celui qui sera propriétaire de son portrait.
Ouvrage agréable, du succès.
Journal de Paris, n° 194 du 13 juillet 1814, p. 1 :
THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
Le Portrait de famille a un mérite indépendant du cadre ; il a réussi en comédie, il a réussi en opéra. Feydeau ne craint pas les reproches de l'Odéon. Les situations lus que fortes semblaient offrir peu d'inspirations au musicien qui a pourtant animé le poëme par trois morceaux charmans. M. Planard a été renommé, et le compagnon de son second succès est M. Frédérik Kreubé. Nous reparlerons de cet opéra.
Journal de Paris, n° 195 du 14 juillet 1815; p. 1-2 :
[L’intrigue de la pièce reprend un conte de Sarrasin (pour la comédie, on évoquait une anecdote empruntée au Mercure de France), et le critique en profite pour méditer sur la filiation entre contes et œuvres théâtrales. Il nous résume ensuite la belle histoire, aussi morale qu’attendrissante, de ce jeune menuisier qui achète le portait de son bienfaiteur, et qui y trouve la fortune au nez et à la barbe de ses cupides héritiers. Une action aussi peu vive ne peut fournir l’occasion de « grands mouvemens de musique », et le compositeur a su faire une musique « simple comme l’ouvrage, et d’une expression naturelle ». Le critique relève quelques morceaux « qui ont paru plaire le plus généralement » avant de faire le tour des interprètes; qui ont bien joué. Il finit par souhaiter que l’auteur des paroles resserre le dialogue, ralenti par « l’intercallation souvent trop visible des morceaux de chant », et que le compositeur trouve un sujet qui « lui permette de s’abandonner à un plus vif essor ».
L'article du Journal de Paris du 14 juillet, promis après le court article du 13, est repris dans l'Esprit des journaux, français et étrangers, année 1814, tome VII, juillet 1814 p. 276-280. Il y est accompagné d'une note qui rappelle l'histoire de la pièce de Planard, comédie devenue opéra comique :
Le Portrait de famille n'est qu'une demi-nouveauté. C'est une comédie représentée avec succès à l'Odéon, sous le même titre, et négligée, ou ne sait pourquoi, par l'administration qui affectionne beaucoup d'ouvrages indignes d'être comparés au Portrait de famille. Le compositeur, déjà sûr de son poème, aura travaillé avec plus de confiance.]
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
Le Portrait de famille, opéra en un acte de MM. Planard et Fréderic Kreubé.
Je ne sais s'il ne serait pas dans l'exacte justice que les auteurs de pièces de théâtre qui empruntent leurs sujets à des auteurs de contes, partageassent avec eux le profit et la gloire, quand il y en a.
Marmontel, dont les Contes Moraux ont fourni l'idée de tant de pièces, a souvent exploité lui-même pour sou compte la mine, qu'il ne livrait aux étrangers qu'après en avoir épuisé les plus riches filons.
Plus généreux ou plus insouciant que Marmontel, M. Adrien de Sarrasin a abandonné les profits de sa mine à tous ceux qui ont voulu l'exploiter, et plusieurs se sont enrichis des trésors qu'il leur a indiqués. On a mis en scène, et presque toujours avec succès, un assez grand nombre de contes publiés par M. Sarrasin. Ils se distinguent par des observations, justes et fines, par une morale pure, renfermée dans une action naturelle, et par un style facile et correct ; c'est tout ou à-peu-prés tout ce qu'on demande à un ouvrage dramatique. M. de Sarrasin a donc tracé le tableau en laissant à d'autres le soin de l'encadrer avec adresse. Mais peut-être s'est-il cru le droit, après avoir tant prêté aux auteurs de pièces, de leur faire à son tour un emprunt ; on croit reconnaître dans son conte du Portrait de famille, que l'idée première lui en a été fournie par l'Ecole de la médisance, comédie de Sheridan ; c'est un anglais qui a payé à M. de Sarrasin un léger à-compte sur-tout ce que lui doivent les auteurs ses compatriotes. Voici l'analyse du conte et de l'opéra.
La mort vient d'enlever un de ces hommes qu'elle devrait toujours respecter : M. de Moranges qui comptait ses jours par des bienfaits. Un cousin et une cousine viennent fondre sur son héritage et s'en disputent avec un cupide acharnement les plus légers débris. Après avoir fait avec beaucoup de peine un partage qu'ils croient égal, il reste un tableau qu'aucun d'eux ne veut ni prendre dans son lot, ni laisser dans celui de l'autre : c'est le portrait du défunt. Il est estimé 40 fr. et ils se déterminent à le vendre. Mais où trouver un acquéreur ? Il s'en présente un qui semble arriver de loin tout exprès pour les débarrasser de ce tableau qui leur est à charge. C'est un jeune menuisier qui vient de faire son tour de France. M. de Moranges a pris soin de son enfance, et la douleur qu'il éprouve en apprenant la mort de son bienfaiteur n'est soulagée que par l'espoir de posséder ses trais chéris et révérés. Il donne aux avides héritiers 100 fr. qui composent toute sa fortune. Les arabes réclament le cadre que le reconnaissant jeune homme leur abandonne facilement.
En le séparant de la toile, on s'apperçoit que ce cadre a un double fond qui contient une bourse ; les vendeurs s'écrient qu'elle est à eux, mais leur injuste prétention est détruite par la découverte d'un écrit de M. de Moranges. Prévoyant que ses héritiers auront assez peu de tendresse et de respect pour sa mémoire pour vendre son portrait, il leur avait préparé d'avance la. punition de cette espèce de sacrilège. Il donne à celui qui achètera le portrait, la bourse que renferme le cadre et trente mille francs déposés chez son notaire de Paris. Le jeune menuisier emploie presque toute la somme à acheter la maison de M. de Moranges, et il épouse sa maîtresse que le père voulait donner à un riche imbécille.
On doit sentir que l'action de cette pièce ne peut être assez vive pour prêter à de grands mouvemens de musique ; le compositeur a eu la sagesse de ne pas chercher des effets que son sujet lui refusait. Sa musique est simple comme l'ouvrage, et toujours d'une expression naturelle.
Le duo entre le cousin et la cousine : Mes porcelaines du Japon, est spirituel et gai. Les couplets dont le refrain est : Parlez, parlez, est-ce là de l'amour ? offrent le chant le plus heureux. II faut joindre à ces deux morceaux le trio de la vente du portrait dont le motif : Voilà ses traits que je révère, est plein de sensibilité et ramené avec beaucoup d'adresse. Ce sont là les morceaux qui ont paru plaire le plus généralement. La pièce est bien jouée. Juliet et mademoiselle Desbrosses sont fort plaisans dans les deux collatéraux ; Lesage joue avec la niaiserie la plus comique le rôle d'un grand nigaud, et madame Duret chante.... comme à son ordinaire. Je ne connais pas d'éloge plus flatteur. Comme ce petit opéra restera sans doute au répertoire, j'engage M. Planard à resserrer dans plusieurs endroits le dialogue que rallentit nécessairement l'intercallation souvent trop visible des morceaux de chant. M. Fréderic Kreubé, dont cette composition est le second ouvrage, mérite de justes louanges, et un poëme dont le sujet lui permette de s'abandonner à un plus vif essor.
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