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Le Portrait de Henri IV, ou le Muséum au Pont-Neuf

Le Portrait de Henri IV, ou le Muséum au Pont-Neuf, vaudeville, d'Henri Simon d’Autreville, 5 décembre 1814.

Théâtre du Vaudeville.

[C'est à ma connaissance la seule pièce d'Henri Simon où il porte ce titre « d'Autreville »...]

Titre :

Portrait de Henri IV (le), ou le Muséum au Pont-Neuf

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

5 décembre 1814

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Henri Simon d’Autreville

Journal de Paris, n° 341 du 7 décembre 1814, p. 1-3 :

[La pièce d'Henri Simon a droit un fort long compte rendu, qui consacre une large place à l'éloge des rois, Henri IV, et bien sûr Louis XVIII, présenté comme un digne successeur d'Henri IV. Cet éloge est bien sûr un passage obligé pour le critique de théâtre, et Martainville s'y emploie abondamment. Il faut aussi résumer l'intrigue, pour laquelle Martainville porte un jugement un peu embarrassé (elle repose sur une « une idée assez ingénieuse », qui a été applaudie, mais elle ne suffit pas faire passer un couplet jugé très confus, puis un autre, nettement plus compréhensible. Par contre, le critique regrette l'utilisation dans le texte de vers de la Henriade de Voltaire, mal servis par la musique, et la pauvreté des « épigrammes » décochés contre divers artistes, fort médiocres.]

THÉÂTRE DU VAUDEVILLE.

Première représentation du Portrait d'Henri IV, ou le Muséum du Pont-Neuf.

L’amour des-Français pour la mémoire d’Henri IV est devenu une espèce d'idolâtrie. Ce culte, comme tous les autres, ne s’est établi qu'insensiblement, et ce n’est que longtemps après la mort de ce roi si grand, si bon, qu’on lui a payé le tribut d’adoration qu’il méritait si bien . Pendant la régence qui suivit son trépas, ceux qui l'avaient hâté, peut-être plus criminellement que par leurs vœux, étaient tout puissans ; et, quoique la faiblesse de Louis XIII et le despotisme cruel de Richelieu dussent faire sentir plus vivement la perte d'un roi fort et clément, ce ne fut que dans le cœur de quelques fidèles serviteurs, de quelques sujets sensibles et reconnaissans, que furent élevés des autels au souvenir du bon roi. Le culte n'était pas public ; ceux qui gouvernaient avaient de trop justes motifs de redouter la comparaison.

Sous le règne même de Louis XIV, la fastueuse grandeur du monarque, le brillant éclat des conquêtes, l’orgueil d’obéir à un prince .qui, à la fleur de son âge était déjà le vainqueur et l’arbitre de l’Europe, tout contribuait à éblouir les esprits, et les rendait moins capables d’apprécier l'adorable simplicité et la solide gloire d’Henri IV. Louis XIV lui-même se croyait bien supérieur à son aïeul, qu’il regardait comme un roi un peu plébéien ; c’eût été lui faire mal sa cour que de célébrer un autre prince que lui, et il y aurait eu de la témérité à présenter un modèle à celui qui se croyait fait pour en servir. Aussi est-ce en vain qu’on cherche dans tous les grands poètes du siècle de Louis XIV quelques vers à la louange d’Henri IV. Lafontaine seul, dans la touchante élégie qui fait tant d’honneur à son ame et à son talent, dans cette élégie des Nymphes de Vaux, où il recommande Fouquet, son bienfaiteur, à la clémence du roi, osa lui proposer l’exemple de Henri. Nymphes, s’écrie le poète :

Si le long de vos bords Louis porte ses pas,
Tâchez de l’adoucir, fléchissez son courage ;
Il aime ses sujets, il est juste, il est sage ;
Du titre de clément rendez-le ambitieux :
C’est par là que les rois sont semblables aux dieux.
Du magnanime Henri qu’il contemple la vie :
Dès qu’il put se venger il en perdit l’envie.
Inspirez à Louis cette même douceur :
La plus belle victoire est de vaincre son cœur.

Il n’y a pas encore un siècle que l’adoration religieuse pour Henri IV s’est établie en France. Voltaire fut le premier et le plus ardent apôtre de ce culte national ; son héros devint celui de tous les français ; et s’il était possible de penser que l’idolâtre admiration pour Henri eût été poussée trop loin, cette exagération aurait encore quelque chose de noble et de sacré. Il est toujours bon à une nation d'établir un modèle idéal qu'elle pare de toutes les vertus qu'elle voudrait inspirer à ses monarques ; c'est une convention adroite, utile et dès-lors respectable. D'ailleurs, ce modèle de la royauté sert de satire indirecte pour tous les abus, et les éloges publics prodigués au roi qui n'existe plus deviennent de véritables leçons qui peuvent toucher l'esprit distrait de ses successeurs et leur faire comprendre le vœu général. Il serait donc dangereux d'affaiblir une opinion faite pour imposer aux rois le seul frein qu'ils puissent recevoir. Ils seront toujours assez grands, s'ils imitent Hneri IV dans plusieurs de ces héroïques qualités.

Quel monarque peut mieux justifier que Henri l'enthousiasme qu'excite son nom, et sous quel règne mieux que sous celui de Louis XVIII pourrait-on se livrer au plaisir de rappeler ses vertus et sa bonté. « Il est besoin de l'esprit le plus conciliateur et de la volonté la plus ferme pour établir l'union et la paix parmi tant de sujets récens de haine et de discorde ; il pardonna, il oublia les injures passées ; il fut un bon roi sur le trône, parce qu'il avait essuyé la mauvaise fortune, et qu'il avait reçu la meilleure éducation, celle des revers ; il avait souvent manqué du nécessiare ; il songea dans la suite à ceux qui en manquaient. Il fut trois ans prisonnier d'état ; il ne convertit point son autorité en despotisme. Il avait hasardé sa vie dans les batailles ; il sut être clément après la victoire. Il avait vu plus d'une fois le poignard levé sur son sein ; il respecta le sang des hommes. »

Si le nom de Henri présente déjà un gage de succès à l'auteur qui le rappelle aux français, ce nom ne lui impose-t-il pas aussi des devoirs, et ne doit-on pas soigner le cadre dans lequel on place un pareil portrait.

Si M. Simon, auteur du Museul au Pont-Neuf, ou si, à son défaut, le comité de lecture du Vaudeville avait bien senti toute l'étendue de ce devoir, on n'aurait pas exposé à l'affront, qu'il était bien facile de rpévoir, une pièce où l'on cite les noms les plus sacrés. Henri IV et d'autres personnages augustes pouvaient fort bien demeurer absolument étrangers à un ouvrage, dont l'intention principale est de faire une revue critique du Muséum. L'auteur et le comité n'ont que l'honorable ressource de se faire absoudre sur l'intention.

Le lieu de la scène est sur le Pont-Neuf. M. Francœur, un des plus zélés dévots d'Henri IV, avait depuis long-temps l'habitude de venir, la Henriade à la main en guise de missel, faire sa prière du matin devant la statue du bon roi, dont le voisinage lui rend sa maison précieuse. Quand la statue disparut, M. Francœur quitta son habitation, où il n'est revenu que récemment. Henri a repris sa place ; Francœur a repris ses habitudes.

Il a promis sa fille et 30,000 fr. de dot à l'artiste qui retracerait le mieux les traits chéris de Henri IV. Plusieurs concurrens se sont présentés ; aucun d'eux ne plaît à la demoiselle qui n'aime que Victor, jeune peintre, dont le talent lui assurerait la victoire sur ses rivaux ; mais il est à Marseille, et c'est le jour même que Francœur doit prononcer le jugement. Victor arrive ; aidé de sa maîtresse, il commence un portrait de Henri, mais il n'est pas content ; et, pour être mieux inspiré, il se place sous la statue dans l'intérieur même du piédestal où il entre on ne sait comment. « Là, dit-il, j'aurai déjà le laurier sur la tête. »

Parmi les prétendans est un certain Duplatras; barbouilleur, badingeonneur, etc. Il s'indigne qu'on ait eu l'injustice de refuser au jury d'exposition deux de ses statues qui ne sont autre chose que deux de ces magots remuant la mâchoire et la tête, et que des marchands ambulans colportent dans les rues de Paris. C'est dans une conversation entre ce burlesque artiste et Francœur, que se fait la revue satirique du salon ; les traits que lance l'auteur sont trop mal aiguisés pour blesser personne ; enfin, les concurrens apportent leurs tableaux, qui tous rappellent un trait de la vie de Henri : le juge est indécis ; mais Victor sort de sa cachette, fait paraître sur le devant du piédestal le portrait (grossièrement fait, soit dit en passant) de S. M. Louis XVIII, et chacun convient qu'on ne pouvait peindre Henri IV sous des traits plus ressembans. Victor obtient le prix.

Cette idée assez ingénieuse a été très-applaudie, mais le public ne l'a pas jugée un dédommagement suffisant du défaut d'esprit et de gaieté qu'il avait remarqué dans presque toutes les autres scènes.

Les premiers murmures ont été provoqués par des bis imprudens dont le couplet suivant était l'objet ; c'est le prétendu sculpteur Duplatras qui détaille ses travaux :

Je fais en biscuit les gourmands,
En cire mainte dame anglaise,
En bronze tous les conquérans.
Et les flatteurs en terre glaise.
Je fais en marbre les amis;
En plâtre maint auteur qu'on cite ;
En bois les têtes des maris,
Et les amans en terre cuite.

Peut-être la plupart de ceux qui ont redemandé ce couplet étaient-ils de bonne foi, et ne voulaient-ils qu'essayer de le comprendre.

En voici un qui a été compris par tout le monde ; c'est sans contredit le meilleur de la pièce :

Les traits d'Henri sont trop connus ;
Et dans la France, je vous jure,
On se souvient de sa figure
Aussi bien qeu de ses vertus.
Oui, si du temps l'affreux ravage
Avait fait oublier ses traits,
On en eût retrouvé l'image
Dans le cœur de chaque français.

J'ai tort de citer ces vers comme les meilleurs de l'ouvrage, car l'auteur a mis en chanson plusieurs vers de la Henriade ; mais l'air a nui aux paroles, et Voltaire a aussi le droit de se plaindre de M. Simon : il n'a épargné ni le chantre ni le héros.

Les artistes contre lesquels il a essayé de décocher quelques épigrammes auraient bien mauvaise grâce à se fâcher ; le public s''est chargé de leur vengeance.

A. Martainville.          

La Quotidienne, n° 189 du 6 décembre 1814, p. 3-4 :

[L'article commence par un bel hors-sujet : la pièce n' a en effet aucun rapport avec le défunt salon de la place Dauphine que le critique semble regretter tout en prenant soin de ne pas cautionner un discours de déclin de la peinture française, dont il rappelle les plus brillants défenseurs. Le sujet de la pièce, c'est l'éloge d'Henri IV, associé à Louis XVIII, « la vivante image du grand Prince ». L'intrigue, assez mince, est vite résumée : la pièce, un tableau, « n'est qu'un cadre à couplets », qui, faisant l'éloge d 'Henri IV, ont été applaudis, alors que l'intrigue, assez languissante, a fait naître des murmures vite apaisés à l'écoute des couplets. L'auteur est nommé, et l'activité fructueuse du Théâtre du Vaudeville est mis en avant.]

THÉÂTRE DU VAUDEVILLE.

Première représentation du Portrait de Henri IV, ou le Muséum au Pont-Neuf, petit tableau en vaudevilles.

Quelques années encore avant la révolution, les peintres qui n’avaient point obtenu l’honneur d’être admis à l'exposition dn Louvre, réunissaient leurs ouvrages et les offraient aux regards du public, dans la place Dauphine, à l'époque de la Fête-Dieu. Là, quelquefois, ces artistes plèbéïens recueillaient des suffrages qui n’étaient pas moins flatteurs que ceux qu'ils auraient reçus au Salon. Cet ancien usage ne paraît pas devoir se rétablir. Les juge» chargés de l'examen des tableaux montrent une heureuse indulgence, et l'on est admis aujourd’hui si facilement au Muséum, qu’on peut croire que la place Dauphine serait déserte s’il y avait exposition. Je suis bien loin de vouloir dire que tout est également faible dans le Salon de 1814. Plusieurs peintres y soutiennent avec éclat l'honneur de l’École française, et nous pourrons toujours citer avec orgueil les Gérard, les Guérin, les Gros, les Vernet, etc., etc.

J’ai cru d’abord que l’auteur de la pièce nouvelle avait rappelé l'ancienne exposition de la place Dauphine ; mais son ouvrage, dans lequel il n’est presque pas question du Salon, est consacré tout entier à l’éloge de Henri IV. C’est ce que promettait le couplet d’annonce.

Air de la Sentinelle.

Le Vaudeville, ici, du bon Henri
Va relever l’effigie adorée ;
Sans votre appui, ce monument chéri
Peut s’écrouler dans la même soirée.
Ah ! contre certains bruits aigus
Que votre zèle s'évertue.
A ce Roi vos secours sont dus ;
Bons Français, vous ne devez plus
Laisser abattre sa statue.

M. Francœur a promis la main de Louise, sa fille, au peintre qui ferait le portrait le plus ressemblant du Béarnais adoré. C’est sur le Pont Neuf, devant la statue même du bon Roi, que Francœur prononcera sur le mérite des tableaux qui lui seront présentés. Victor, amant aimé de Louise, exécute un beau portrait de S. M. Louis XVIII, et Francœur convient, comme tous les Français, que le Roi que la Providence nous a rendu est la vivante image du grand Prince

« Qui par de longs malheurs apprit à gouverner. »

Cette petite pièce, que l'auteur appelle un Tableau, n’est qu’un cadre à couplets. Il y en a d’assez jolis. Ceux qui renferment l’éloge de nos Prince» ont été répétés. Quelques scènes un peu longues avaient d’abord provoqué des murmures ; mais le portrait de Louis a ramené la paix dans la salle du Vaudeville, comme son auguste personne l'a rendue à la France. L’auteur, demandé, est M Simon Dautreville.

Le théâtre de la rue de Chartres montre une activité dont les résultats et la récompense sont de bonnes recettes. Il prépare, dit-on, plusieurs nouveautés agréables qui doivent alimenter encore la curiosité parisienne.

D. C. y.          

Journal des arts, des sciences, et de littérature, Volume 8 (Volume 19 de l’ancienne collection), n° 336, 10 décembre 1814, p. 327 :

[Deux courts articles consacrés à la même pièce (mais en coupant le titre en deux) : l’un relève les contradictions des confrères, l’autre sert de faire-part de décès : on ne devrait plus revoir la pièce en question... On peut au moins deviner que parmi les anonymes ayant contribué à la pièce il y a Gersin et Année.]

Le Journal de Paris et le Journal général de France disent que le Muséum au Pont-Neuf n'a point eu de succès; la Quotidienne annonce au contraire que cet ouvrage a réussi. On assure que l'auteur, M. Henri Simon d'Autreville, qui s'est fait nommer, a quatre collaborateurs, MM. G....n, D. L. F., A.... et G....d.

Tout annonce que le Portrait de Henri IV ne figurera plus au Vaudeville.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année, 1814, tome VI, p. 395 :

[Constat surprenant : une pièce mêlant présence d’Henri IV et éloge de Louis XVIII et de sa famille peut échouer ! L’auteur a été nommé (mais ne le méritait pas), et la pièce n’a pas été rejouée (et pourtant, on n’y regarde pas de trop près au Théâtre du Vaudeville !)]

Le Portrait de Henri IV, ou le Muséum au Pont-Neuf, vaudeville en un acte, joué le 5 Décembre.
Nous ne rendrons point compte de cette pièce, qui est tombée, malgré l'appui de Henri IV, et l'éloge de S. M. Louis XVIÏÏ et de toute sa famille. L'auteur, profilant d'un moment de calme, s'est fait nommer après la représentation. C'est M. Simon d'Autreville. Sa pièce n'a cependant pas été rejouée.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XII, décembre 1814, p. 297 :

[On peut difficilement signaler l’échec d’une pièce en moins de mots.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

5 Décembre. Première et dernière représentation du Portrait de Henri IV, ou le Muséum au Pont Neuf, vaudeville en un acte, par M. Simon d'Autreville.

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