Le Poste évacué

Le Poste évacué, vaudeville en un acte, de Deschamps, 11 pluviôse an 2 [30 janvier 1794].

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Poste évacué (le)

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

11 pluviôse an 2 (30 janvier 1794)

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Deschamps

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1795, volume 3 (mai juin 1795), p. 229-232 :

[La pièce est à la gloire de l’armée française et de la liberté qu’elle répand au-delà des frontières. L’intrigue plaît beaucoup au critique, malgré sa naïveté, et il en aime aussi les couplets dont il reproduit deux exemples. Il stigmatise aussi le despotisme des souverains étrangers et les restes de la féodalité. Mais les soldats ennemis voient bien que les Français sont bien plus heureux qu’eux, et se rallient. « Joli ouvrage », « charmant ouvrage », les marques d’admiration ne manquent pas dans le dernier paragraphe : «  un choix d'airs charmans, des couplets tournés avec grace, esprit, facilité, & un sujet très-intéressant ». Bien sûr, on y trouve aussi les habituelles longueurs, et le retour des Français dans un village repris par Félix et la Terreur n’était pas indispensable..]

Le poste évacué, vaudeville en un acte.

La scene se passe dans un petit village étranger, & situé près des frontières de notre république. Les François pouvoient garder ce poste; mais ils l'ont évacué par ordre de leur général, qui leur a tracé une autre marche. Aussi-tòt les ennemis sont rentrés en foule dans ce village, & ce n'est que pendant la nuit que ses habitans, amans de la liberté, François de cœur, osent se parer des couleurs tricolores & gémir sur la retraite de leurs bons amis, qui viennent de les rendre à leurs tyrans: George sur-tout, & sa fille Babet, qui adoroit Félix, jeune sergent françois, sont inconsolables, & se promettent bien de revenir, le lendemain matin, offrir, pour la derniere fois, leurs vœux à la liberté. Sur ces entrefaites, Félix, & le canonnier la Terreur, son ami, ont formé le projet de relever l'arbre de la liberté que les esclaves des tyrans viennent d'abattre. Félix & la Terreur se rencontrent à la porte de la maison de Babet : la nuit est très-obscure; ils ne se reconnoissent pas d'abord ; mais enfin ils se communiquent leur projet, & choisissent, pour édifier leur arbre chéri, un poteau qui portoit jadis les signes de la féodalité; ce qui sait dire à la Terreur :

Air: Guillot un jour trouva Lisette.

Qu'importe en cet instant, mon frere,
Quel arbre il faudroit employer !
Puisque nous ne pouvons mieux faire,
Tout sera chêne ou peuplier.

Et lorsque, déposant leurs armes,
Tous nos intrépides guerriers
De la paix goûteront les charmes,
Tous les arbres seront lauriers.

Des rameaux sont suspendus au poteau purifié ; l'arbre sacré est élevé ; mais il faudroit y attacher des rubans tricolores. Félix pense à en demander à Babet. Afin de n'être point découverts, ils se servent d'un vieux juge, nommé Duval, qui, effrayé de rencontrer des François, appelle Babet en leur nom. Babet descend trouver son amant ; elle pare l'arbre de rubans, & la Terreur met sur sa cime son bonnet rouge. Aussi-tôt la générale se sait entendre: c'est un détachement ennemi qui vient faire une ronde nocturne. Félix & la Terreur sont déterminés à défendre leur arbre chéri jusqu'à la mort, & chantent, au milieu du plus grand danger, le couplet suivant, qui peint très-bien l'esprit françois :

Air de la Carmagnole,

Liberté ! de tes deux enfans
Reçoit les vœux & les sermens :
Peut-être ce moment si doux
Doit être le dernier pour nous.

(Ils t'embrassent.)

C'est du moins sous tes yeux
Que nous mourrons tous deux,

(Ils dansent.)

Dansons la Carmagnole :
Vive le son du canon !

La Terreur monte sur l'arbre, & Félix reste en bas, tandis que les ennemis viennent s'asseoir auprès de la maifon de Georges & de Babet, qui se mettent à la croisée. Georges & sa fille peignent avec tant de vérité les douceurs de la liberté & de l’égalité, que ces esclaves brûlent de briser les chaînes du despote pour qui ils exposent leur vie. Félix & la Terreur viennent achever de les persuader, & les ennemis se confondent dans les bras des François. Tous tombent avec respect au pied de l'arbre de la liberté, & l'on annonce que les François viennent reprendre ce poste, qu'ils avoient évacué.

Tel est l’apperçu de ce joli ouvrage, qui offre un choix d'airs charmans, des couplets tournés avec grace, esprit, facilité, & un sujet très-intéressant. Peut-être l’action est-elle un peu trop prolongée dans la nuit : il y a aussi quelques longueurs au moment où Félix & son ami levent l'arbre de la liberté. II n'étoit peut être pas nécessaire encore que les François vinssent reprendre un poste que le courage de Félix & de la Terreur, ainsi que la conversion du détachement ennemi venoit d'assurer à la France. Cela détruit à la fin une partie de l'effet qu'on pouvoit attendre de ce charmant ouvrage. Quoi qu'il en soit, il mérite d'être suivi, & doit faire le plus grand honneur aux talens connus & au patriotisme du citoyen Descamps, qu'on a demandé, mais qui n'a point paru.

D’après la base César, la pièce de Deschamps a été jouée 27 fois au Théâtre du Vaudeville, du 30 janvier au 26 septembre 1794.

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