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Le Prince et le soldat

Le Prince et le soldat, mélodrame en trois actes, en prose et à grand spectacle, de J.-A.-M. Monperlier, musique de Quaisain et Renat fils, ballet de Millot, 29 novembre 1814.

Théâtre de l'Ambigu-comique.

Sur la page de tittre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1814 :

La Prince et le soldat, mélodrame en trois actes, en prose et à grand spectacle, Par M. MONPERLIER ; Musique de MM. Quaisain et Renat fils, Ballet de M. Millot ; Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 29 Novembre 1814.

Journal de Paris, n° 334 du 30 novembre 1814, p. 1 :

THÉATRE DE L'AMBIGU-COMIQUE.

Pour la première représentation le Prince et le Soldat.

Ce mélodrame, qu'on pourrait presque appeler une tragédie en prose, a obtenu un succès dont s'enorgueillira la Melpomène du boulevard.

Il y a dans la pièce un mérite au-dessus du genre, et si l'intérêt n'est pas toujours justifié par la vraisemblance, il est excité du moins par la force des situations.

L'auteur est M. de Mont-Perlier. Demain, je donnerai l'analyse.

Journal de Paris, n° 335 du 1er décembre 1814, p. 2-3 :

[Le compte rendu commence par des considérations politiques et militaires en lien avec les événements récents : « une espèce de tragi-comédie » en Europe, contre le mélodrame du théâtre, qui pose la difficile question de la légitimité de la transmission du pouvoir à travers l'exemple de la Norvège, encore rattachée au Danemark. Mais derrière l'exemple norvégien, comment ne pas voir le cas de la France, qui vient de retrouver son roi après un long exil. Après avoir parlé de politique, le critique passe à l'indispensable résumé de l'intrigue. Rien de bien étonnant, le critique reconnaissant que « les situations de ce mélodrame ne sont pas toutes également neuves », à l'exemple du déguisement d'un personnage qui « se retrouve dans un grand nombre de pièces ». La pièce ménage savamment drame et comique (il y a un niais, bien sûr, dont le critique conteste l'utilité tout en acceptant cette concession aux règles du genre). Après bien des rebondissements, le sceptre revient à qui en est le seul héritier légitime, que le méchant indispensable dans le mélodrame avait confié à un soldat pour qu'il le tue, soldat qui a bien pris soin de ne pas obéir... Après avoir tenté de débrouiller une intrigue très compliqué, c'est un jugement favorable qui est formulé : richesse en intérêt qui fait oublier le manque d'originalité, style « ferme et correct » ( il est souvent ampoulé dans un mélodrame), interprétation très satisfaisante (mais certains jugements sont un peu curieux : « la masculine énergie » d'une actrice, l'actrice au visage qui rit quand sa voix pleure, le naïf inutile). Une dernière phrase suffit pour nommer compositeur et chorégraphe, ce dernier ayant orné la pièce « d'un joli ballet et d'un combat simulé à dix qui ont été fort applaudis ».

THÉATRE DE L'AMBIGU-COMIQUE.

Pour la première représentation le Prince et le Soldat.

Il vient tout juste de se jouer sur le grand théâtre politique et militaire de l'Europe une espèce de tragi-comédie, dont le sujet a quelque rapport avec celui du nouveau mélodrame, dans lequel il s'agit des droits plus ou moins fondés que divers personnages vont valoir à la couronne de Norvège. Il est vrai que les incidens et surtout le dénouement de la pièce politique diffèrent beaucoup de ceux du mélodrame.

Nous avons vu un prince, espoir d'une brave nation et héritier présomptif de la couronne, protestant contre un traité qui faisait passer sous d'autres lois une précieuse partie des états qui doivent un jour lui appartenir, opposer à la volonté de premières puissances de l'Europe, volonté appuyée à une force imposante, son courage et celui des sujets qu'on avait résolu de séparer de la grande famille dont il est aujourd'hui le fils ainé, dont un jour il sera le père.

Vains efforts, courage inutile, résistance impossible ! les destins avaient prononcé  ; et il ne reste au prince Christian que la douloureuse consolation d'avoir donné aux norwégiens une dernière preuve de tendresse, et l'idée que les regards de ces peuples se tourneront quelquefois avec amour et reconnaissance vers celui qui doit être leur roi et qui, jusqu'à la dernière extrémité, fut leur défenseur et leur ami.

Mais il est temps de quitter le Norwège, d'où je n'ai qu'un court trajet à faire pour arriver en Danemarck ; c'est là que se passe l'action de la pièce de l'Ambigu.

La scène est à Copenhague, à la cour de la reine Elvina. Malgré ses vertus et sa générosité, cette princesse ne peut échapper au malheur trop commun à des souverains ; trompée par ses ministres et ses principaux officiers, elle emploie à protéger, à servir un coupable la force et l'autorité qui devraient l'abattre et le punir.

Le roi de Norwège vient d'expirer (l'auteur fait passer son action à une époque où ce royaume était indépendant) ; il avait un fils, mais ce jeune prince a disparu, et Ulric, frère du roi, vient implorer le secours d'Elvina pour monter sur le trône, auquel le peuple et l'armée de Norwège ont élevé son jeune frère Waldimir, que ses vertus font chérir et respecter autant que les vices d'Ulric le font mépriser et haïr.

C'est ce monstre qui, pour usurper le trône, a fait enlever l'héritier légitime ; il a remis le jeune Sigismond entre les mains d'un soldat nommé Malcof; avec ordre de lui donner la mort. Il ignore que Malcof n'a point exécuté cet ordre barbare ; il a porté l'enfant en Danemarck et l'a confié à Darwic, barve officier, qui l'a élevé comme son fils adoptif.

Waldimir a proposé à Elvina un traité de paix, et sous le nom de son ambassadeur il vient lui-même pour en régler les conditions. Le prince échoue dans son ambassade ; il se trouve en présence de son frère, et l'indignation qu'il éprouve en s'entendant accuser par Ulric d'être l'auteur de la mort du roi, lui fit trahir son déguisement ; il se découvre. Le lâche Ulric voudrait qu'on le retint prisonnier, mais la généreuse Elvina a repoussé cet odieux conseil et déclare à Waldimir qu'il est libre de retourner à son camp. « Le sort des armes, lui dit-elle, décidera de la justice de notre cause. »

Ulric, redoutant le sort d'un combat qu'il croit inégal, imagine une ruse pour affaiblir et décourager l'armée de Waldimir ; il est secondé au-delà de ses vœux par Malcof qu'il retrouve. Il suppose que Sigismond, le véritable, le seul héritier du trône, a échappé miraculeusement à la mort. Mais où trouver un personnage dont l'âge et les traits puissent donner quelque vraisemblance à sa supposition ? On devine déjà que Malcof va lui présenter, pour jouer ce rôle, Sigismond lui-même. Ce jeune prince, élevé sous le nom d'Alexis, ignore sa naissance ; poussé par son courage impétueux, il s'est engagé sous les drapeaux de la reine de Danemarck et brûle de se signaler.

Malcof l'instruit de tout, excepté du motif qui fait agir Ulric, dont le stratagème a d'abord tout le succès qu'il en espérait.

Waldimir se voit abandonné de l'élite de son armée qui vient se ranger auprès de son prince légitime ; il est vaincu et réduit à se réfugier chez Darwick, le père adoptif d'Alexis ou plutôt de Sigismond. Elvina se rend dans le même lieu. Alors Malcof leur révèle le crime et les affreux projets d'Ulric. En vain, le scélérat veut payer d'audace et briser l'instrument dont il s'est servi en faisant rentrer dans la poussière Sigismond, qu'il peint comme un misérable enfant abandonné. Il est confondu par une lettre que Malcof a précieusement conservé ; Waldimir s'empresse de céder le sceptre à son neveu ; il obtient en récompense la main et la couronne d'Elvina, et Sigismond partage le trône de Norwège avec Fidélia, l'amie, la compagne de son enfance, la fille de Darwic, son père adoptif.

Les situations de ce mélodrame ne sont pas toutes également neuves : l'idée du déguisement de Waldimir sous le nom d'un envoyé se retrouve dans un grand nombre de pièces. Mais dans les mélodrames l'intérêt fait tout excuser, et celui qui règne dans le Prince et le Soldat est assez vif pour lui faire pardonner ce défaut ; c'est d'ailleurs le plus grave qu'on puisse lui reprocher.

Le style exempt d'enflure n'a que la pompe nécessaire au genre de la pièce au rang des personnages. Il est ferme et correct.

Le rôle de Malcof est très-bien tracé et il a produit beaucoup d'effet. Fresnoi l'a rendu avec beaucoup d'intelligence et de vigueur.

Mademoiselle Leroi, dont on connait la masculine énergie, s'est surpassée dans le rôle de la royale amazone Elvina.

Les autres rôles ont été joués d'une manière satisfaisante par Grévin, Defresne, Vileneuve et la larmoyante mademoiselle Adèle ; c'est de cette actrice qu'on pourrait dire qu'elle a des larmes dans la voix ; cette disposition à l'attendrissement forme quelquefois une contradiction bizarre avec la situation qu'elle veut rendre ; son visage rit et sa voix pleure.

Kleins a mis une naïveté assez plaisante dans le petit rôle d'un niais poltron ; car il y a aussi un niais dans cette pièce qui aurait pu très-bien s'en passer. C'est un sacrifice que M. de Monperlier a fait à la muse du mélodrame : ainsi Socrate ordonna de sacrifier un coq à Esculape

M. Quaisain a fait la musique de cet ouvrage, que M. Millot a orné d'un joli ballet et d'un combat simulé à dix qui ont été fort applaudis.

A. Martainville.          

Journal de Lyon ou Bulletin administratif et politique du département du Rhône, n° 102 du 6 décembre 1814, p. 1 :

Quelques journaux de la capitale rendent compte de la première représentation d'un mélodrame de M. Monperlier, jeune auteur lyonnais, connu par plusieurs vaudevilles agréables et par de jolies chansons. Son nouvel ouvrage, qui a pour titre Le Prince et le Soldat, a été joué à l'Ambigu-Comique, et y a obtenu du succès.

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