Le Prince invisible ou Arlequin Prothée, pièce féerie en six actes, de Hapdé, musique de Foignet fils, 12 pluviôse an 12 [2 février 1804].
Théâtre des Jeunes Artistes.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 12 [1804]
Le Prince invisible, ou Arlequin Prothée, Pièce Féérie, en six Actes, à grand Spectacle, mêlée de Pantomime, ornée de Chants, Marches, Combats, Évolutions militaires et dix-sept travestissemens à vue, Décors et Machines de M. Peget, Costumes nouveaux de M. Lamant ; mise en scène par l'Auteur. par M. J. B. Hapdé. Musique de M. Foignet fils. Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre des Jeunes Artistes, rue de Bondy, le 12 pluviose an XII.
Courrier des spectacles, n° 2533 du 13 pluviôse an 12 [3 février 1804], p. 2 :
[La pièce nouvelle est caractérisée par la surabondance : il faudrait tout un volume pour énumérer tout ce qui s'y passe, et elle appartint à tous les genres, sérieux ou non dont elle reprend tous les stéréotypes. L'auteur a fait preuve de beaucoup d'imagination, mais il aurait pu éviter certains doublons, dans des situations comme dans les métamorphoses d'Arlequin. Le critique s'attaque au résumé d'une intrigue qu'il montre touffue et pleine de fantaisie. Elle montre un couple d'amoureux, servi par un Arlequin sans cesse en train de se travestir. Le jeune premier a fait le serment de tuer un seigneur espagnol qui a fait du tort à son père, mais il tombe amoureux de la fille de celui qu'il devrait occire, et il se voit condamné à mort pour n'avoir pas tenu son serment. Au prix d'un imbroglio plutôt étonnant, qui fait intervenir un ours et « les guerriers du Prince Invisible », le jeune homme retrouve son père, qui confirme le mariage qu'il a contracté sans le consulter. Sur cette intrigue, c'est un spectacle somptueux qui a été construit, costumes et décors. Deux regrets seulement, l'exiguïté de la scène et des machines manquant d'ensemble et de précision; Les auteurs sont cités, paroles et musique, avec un éloge particulier pour le compositeur.]
Théâtre des Jeunes Artistes.
Première Représentation du Prince Invisible,
ou Arlequin Prothée.
Il faudroit presqu’un volume pour détailler tous les évènemeos qui se succèdent sans cesse dans cette pantomime-féerie ; on y trouve tous les genres à-la-fois, le mélodrame et l’opéra, des scènes pathétiques et bouffonnes, des évolutions, des combats, des travestissemens, des châteaux, des cavernes, des tombeaux, des revenans, et un Niais ; c’en étoit assez pour réussir. Mais quoique l’auteur y ait largement donné carrière à son imagination, on a trouvé que son intrigue étoit compliquée et embrouillée, que son héros se trouvoit deux ou trois fois dans la même situation , et que plusieurs des métamorphoses d'Arlequin étoient inutiles et trop peu motivées. La scène de l’Eléphant en est un exemple, et c’est le seul que nous ayons l’intention de citer. On ne voit guères le motif qui engage Arlequin, monté sur le dos de cet animal, à devenir tour à-tour aux yeux de la multitude Prince noir, puis Turc, puis enfin à reprendre son premier costume. Les autres travestissemens sont plus raisonnables, et tous en général sont parfaitement exécutés par M. Foignct fils.
Stéphano, fils de Fernandès, et proscrit dans son pays, a quitté la Pologne, où son père en mourant a exigé de lui le serment de retourner en Espagne, et de venger sa famille des outrages que sa maison a reçus depuis deux siècles d’une famille puissante dont Alonso est le chef. En rentrant en Espagne il a pris le nom de Pauleski, et lorsqu’il a demandé à être présenté à la cour, il est devenu éperduement amoureux de la fille de son ennemi, nommée Flora. Alonzo qui ne le connoît que comme un jeune Seigneur Polonais, consent à leur hymen ; mais à peine les deux amans sont-ils unis, qu’un Guerrier envoyé par le Prince Invisible, vient réclamer Stephano, et lui rappelle le serment qu’il a fait d’être l’ennemi mortel d’Alonzo. Il l’entraîne dans les souterreins qui doivent le conduire au château du Prince Invisible, château dont les Castillans les plus déterminés et les plus dévoués à Alonzo n’ont jamais osé approcher. Flora qui a suivi leurs traces , arrive à la vue de ce fort, où elle veut en vain pénétrer. Le pont se brise sous ses pieds. Cependant le tribunal s’assemble pour juger Stéphano comme parjure. La mort est l’arrêt prononcé contre lui. Arlequin, son valet, qui à l’aide d’un génie protecteur s’est introduit sous la salle du tribunal, parvient à endormir les juges par les sons qu’il tire d’un flageolet enchanté, et conduit son maître dans une cabane où bientôt un nouveau danger le menace lui et sa chère Flora. Alonzo ne respirant que la mort de Stéphano et de sa coupable fille, y arrivent [sic] en chassant. Des habits grossiers déguisent les deux amans, et Arlequin sous le costume d’une vieille femme, trompe également tous les yeux, il fait esquiver Stéphano et Flora, qui trouvent un asyle dans une caverne.
Là un ours poursuivi par Alonzo est sur le point de dévorer Stéphano, lorsque Flora se trahit elle et son époux par ses cris et ses larmes. Alonzo la fait arrêter, mais les guerriers du Prince Invisible (il faut bien justifier le titre !) surviennent et délivrent Stéphano qui retrouve son père qu’il croyoit mort, et voit confirmer les nœuds qu’il avoit contractés avec Flora.
Tel est le fonds de cet ouvrage où l’on n’a rien épargné pour flatter les yeux de» spectateurs par l’appareil du spectacle, la richesse des costumes et par la beauté des décorations. On regrette seulement que le cadre soit aussi étroit pour l’exécution. Plusieurs des machines marcheront sans doute avec plus d’ensemble et de précision aux représentations suivantes. Les auteurs sont, pour les paroles, M. Hapdé, et pour la musique, qui offre entr’autres morceaux des chœurs pleins d’effets , M. Foignet fils.
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