Le Prince troubadour ou le Grand trompeur de dames, opéra-comique en un acte, paroles d'Alexandre Duval, musique de Méhul, 25 mai 1813.
Théâtre de l'Opéra-Comique.
Almanach des Muses 1814.
La Revanche et les Projets de Mariage, remaniés en opéra-comique. Musique où l'on retrouve toute la fraîcheur du talent de M. Méhul.
Sur la page de titre de la partition, à Paris, chez J. Frey :
Le Prince Troubadour, opéra-comique en un acte Paroles de Mr. Alexandre Duval, Membre de l'Institut. Musique de Mr . Méhul, Membre de l'Institut.
Dans les Œuvres complètes d'Alexandre Duval, tome VII (Paris, 1823), la pièce est annoncée ainsi, p. 279 :
Le Prince Troubadour, ou le grand trompeur de dames, opéra-comique en un acte et en prose, Représenté, pour la première fois, le 24 mai 1813.
La pièce est précédée d'une notice rédigée par Duval (p. 281-285) :
NOTICE SUR LE PRINCE TROUBADOUR.
J'ai peu de chose à dire sur ce petit opéra, dont je ne sais quelle anecdote littéraire me fournit le héros. La pièce réussit médiocrement, et cependant j'en attendais un grand succès. Par l'habitude où j'étais de travailler pour la comédie française, je me livrais, sans m'en apercevoir, à de trop grands développements, et mon dialogue devenait beaucoup trop abondant ; ce qui est un défaut pour l'opéra-comique. Si, dans les pièces de ce genre, les acteurs savaient, comme les acteurs du Théâtre-Français, animer une longue scène, ce défaut cesserait d'en être un ; mais, pour des chanteurs, l'objet important est toujours la musique ; et pour peu qu'au nombre de ces acteurs chantants, il s'en trouve quelques-uns qui ne se fassent pas bien entendre, comme cela arrive souvent, il n'est pas étonnant qu'un ouvrage agréable paraisse long et ennuyeux. Au temps où j'avais donné mes premiers opéras-comiques, j'en avais distribué les rôles de manière à ne pas craindre de revers. Tous les comédiens que le public avait distingués comme de grands acteurs, jouaient les premiers rôles. Les Elleviou, les Martin, les Dozainville, mesdames St-Aubin, Dugazon, avaient un talent si reconnu et une manière si ferme de débiter leur prose, qu'un auteur cessait de redouter l'étendue de son dialogue. Au reste, comme je crois l'avoir déjà dit, je suis trop souvent sorti du genre de l'opéra-comique. Ce genre qui ne doit se composer que de tableaux et de situations musicales, traité par moi, offre beaucoup trop les scènes filées et les détails d'une comédie. Si les pièces, faites dans ce système, paraissent meilleures, lorsque l'on peut en faire jouer d'abord les rôles par de grands acteurs, on a le chagrin, lorsqu'ils abandonnent le théâtre, de voir ces mêmes pièces perdre beaucoup dans l'opinion publique. Au reste, cette contrariété dont je me plains doit être commune à la plupart des auteurs ; il en est peu qui se trouvent satisfaits aux reprises de leurs pièces. C'est un malheur pour les poètes dramatiques ; c'en est un également pour les théâtres. Le défaut de soins et l'oubli des traditions anciennes, lorsque l'on remet les ouvrages, les font vieillir beaucoup plus vite, ce qui appauvrit le répertoire. Ce désavantage pour les auteurs est beaucoup moins à craindre au Théâtre-Français. Là, les acteurs, qui n'ont point à s'occuper de musique, donnent tous leurs soins à faire ressortir le dialogue, à l'ensemble de l'ouvrage et aux traditions indiquées dans le manuscrit du théâtre, de sorte qu'une pièce qui a été abandonnée pendant longtemps, quoique créée par les plus grands acteurs, peut reparaître encore avec éclat; tandis qu'au théâtre de l'Opéra-Comique, l'auteur le plus fécond, dès qu'il a perdu les acteurs qui ont joué ses premiers ouvrages, risque très-fort de mourir de son vivant.
Mais revenons à mon Prince Troubadour, que d'autres événements étrangers à ma pièce semblent avoir éloigné du répertoire, peut-être pour toujours.
Quoique la musique en ait été faite par mon ami Méhul, homme du plus grand talent, on prétendit dans le temps qu'il avait fait beaucoup de tort à ma pièce, en donnant trop d'importance à la partie musicale ; on prétendit qu'il avait attelé un cheval de brasseur à un léger cabriolet. En effet, la longueur et peut-être les beautés harmoniques de sa partition, me parurent souvent arrêter la rapidité de mon intrigue, et donner trop d'importance à une bagatelle. En citant le reproche qu'on lui fit dans le temps, on voit bien que je n'ai pas le projet de critiquer l'ouvrage d'un ami, que son caractère et ses qualités personnelles ont rendu si cher à tous ceux qui l'ont connu, et dont l'immense talent fera l'admiration de nos neveux. Qui ne sait d'ailleurs que lorsqu'un poète et un musicien associent leurs travaux, tout devient commun entre eux ? Si la pièce tombe, tous deux ont tort ; si la pièce réussit, tous deux ont raison : par cette loi, l'avantage est tout entier pour le poète ; car c'est lui qui risque le moins.
Cette pièce, qui me donne encore le droit de faire un éloge de mon ami, me rappelle tout naturellement une anecdote que ce bon Méhul racontait admirablement. Il arrivait de Givet (lieu de sa naissance) au moment où je lui donnai mon Prince Troubadour. Il me réjouit fort en me racontant que, ramené dans son pays, par le désir d'y revoir sa famille, ses concitoyens avaient désiré lui prouver d'une manière solennelle, toute l'estime qu'ils avaient pour sa personne et ses talents. Pour le fêter, on imagina de faire donner sur le théâtre de la ville une de ses pièces en grande réputation, et de couronner son buste à la fin du spectacle. On nomma à cet effet des commissaires qui s'entendirent avec les comédiens. Mais les comédiens ne jouaient que la comédie ; cependant ils promirent de satisfaire aux désirs des amis de M. Méhul. Il fallait aussi se procurer un buste du héros de la fête,qui fût à peu près ressemblant. Autre malheur ! la ville ne renfermait pas dans son sein le moindre Phidias ; un potier s'offrit à les tirer d'embarras. On accepte sa proposition avec reconnaissance. Les commissaires, satisfaits d'avoir rempli leur mission, fixent le jour de la représentation, et ordonnent le banquet qui devait la précéder. On va chercher Méhul ; les convives, fidèles au rendez-vous, sont tout fiers et tout joyeux de la présence de leur célèbre ami et du plaisir qu'ils vont éprouver en lui faisant une agréable surprise. On boit, on rit, on chante ; à la fin du repas, on conduit en triomphe notre héros dans une loge que l'on avait décorée de superbes rideaux cramoisis empruntés au gouverneur. On applaudit à son arrivée. La toile se lève, on commence, et on joue l'un de ses plus beaux ouvrages (Ariodant je crois) ; mais on le joue sans musique. Près d'éclater de rire, par reconnaissance pour ses anciens camarades il sut se contenur ; mais il ne put y tenir, lorsqu'à la fin du spectacle, on apporta son buste, ou plutôt une effroyable figure qui n'avait de forme humaine qu'un épouvantable nez... ; et comme c'était en effet le trait le plus caractéristique de sa figure, il ne douta pas, aux applaudissements qui se firent entendre, que l'ouvrage du potier ne fût trouvé très-ressemblant. Depuis cette mémorable fête, il disait gravement : « Je ne doute plus que je ne sois un grand homme ; car de mon vivant j'ai assisté à mon apothéose. »
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1813, tome III, (mai 1813), p. 441-443 :
[Le compte rendu commence par un long résumé de l'intrigue : une histoire de troubadour à la réputation de séducteur qu'on veut empêcher de venir troubler les femmes du château. L'intrigue peut sembler confuse, mais le vrai reproche est, double, d'être froide et peu originale, et aussi de n'être pas vraisemblable (les personnages masculins ne sont pas conformes à ce qu'ils devraient être). « Ce qu'il y a de mieux dans l'ouvrage », c'est les chansons, plus originales que la pièce. Le critique relève comme une curiosité un morceau qui « n'est accompagné que par des instrumens pincés ». Les auteurs sont nommés.]
Théâtre de l'Opéra Comique.
Le Prince Troubadour, opéra-comique en un acte , joué le 24 mai.
Le Baron de la Touraille, sa sœur, majeure depuis trente ans, Laurette sa fille. et le Sénéchal du Baron, espèce d'intendant bégue et hargneux, vivent en leur châtel où l'on redoute singulièrement les Troubadours, surtout le fameux Guillaume de Poitou, surnommé le grand trompeur de Femmes ; ce Duc d'Aquitaine a fait la connaissance de l'antique sœur du Baron ; et, sous le nom et le costume d'un Troubadour subalterne, il cajole depuis quelque temps la vieille fille, pour parvenir à la jeune ; mais Laurette est éprise de l'ami du Prince, d'un Troubadour véritable, attaché au Duc d’Aquitaine. Aussi, lorsque ces amans viennent pincer de la harpe devant les fossés du château, elle obtient facilement qu'ils soient introduits. Le Baron, suivant l'usage, soumet les nouveaux venus à faire preuve de leurs talens. Le chantre de l'amour est revêtu d'un beau manteau, et le Prince, qui a chanté le vin, n'aura pas même, comme on va voir, l'agrément de se raffraîchir.
La vieille fille a découvert, Dieu sait par quelle voie, que l'un des deux chanteurs est Guillaume de Poitou ; et Guillaume, pour se divertir ou pour se venger d'un rival préféré, s'avise de dire à son compagnon : – Ma foi, mon Prince, puisque vous êtes reconnu, il faut avouer vos qualités. Le Troubadour n'ose le démentir ; le voilà Prince malgré lui; mais il se venge à son tour de Guillaume, en l'empêchant de dîner. et en le forçant d'amuser la compagnie, tandis qu'elle est à table. Le Prince répond à cette espiéglerie en persuadant la tante de se laisser enlever, et d'emmener Laurette avec elle pour la soustraire aux terribles séductions de son rival. Ce projet est déjoué par la jeune fille qui s'est très-heureusement cachée derrière un vieux tableau ; le Baron de la Touraille et son Sénéchal viennent avec main forte pour arrêter le ravisseur ; Guillaume se laisse paisiblement injurier par tout le monde ; il permet au faux Prince de disposer de son trésor, de donner, en réparation de l'outrage médité, cinq mille pièces d'or aux pauvres de la châtellenie, dix mille au Baron de la Touraille pour rebâtir ses créneaux, et une dot à Laurette qu'il s'approprie. Le Troubadour rend alors son épée au véritable Souverain, et cet excellent Prince, satisfait au dernier point, scelle du pommeau de cette épée toutes les convantions qu'on a dictées au Sénéchal.
Il y a beaucoup de froideur, et fort peu d’originalité dans cette. action. Une audience lyrique, des chœurs d'archers, des noms changés, des projets d'enlèvement, des mystifications forcées, et l'éternelle générosité qu'on rencontre partout où on ne la cherche pas, tout cela n'a plus rien de piquant à la scène ; d'ailleurs ces divers ressorts sont employés sans vraisemblance.
Comment admettre en effet qu'un homme d'esprit tel que Guillaume de Poitou, ne devine pas l'amour de son camarade pour la jeune fille qu'il poursuit ? Comment supposer qu'un Duc d'Aquitaine compromette sa dignité, puisqu'il n'est ni aimé, ni trop amoureux, et qu'il se laisse mystifier sans motif, par un chanteur à ses gages ?
Les chansons du Prince Troubadour sont ce qu'il y a de mieux dans l'ouvrage ; la romance, qui sert à introduire les deux amans, produit un effet agréable. Les couplets de Martin, de Paul et de Madame Gavaudan ont été vivement applaudis ; on admire également un quinque, auquel se mêle un chœur des vassaux du Baron. Il y a une originalité remarquable dans ce morceau, c'est qu'il n'est accompagné que par des instrumens pincés.
La pièce est de M. DUVAL, et la musique de M. MÉHUL.
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