Le Procès (opéra comique 1815)

Le Procès, opéra comique en un acte, paroles d'Alexandre Duval, musique de Mme  A. d’Estourmel, 3 juin 1815.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Almanach des Muses 1816.

Encore un quiproquo ! Valsain, jeune avocat sans causes, est épris d'Amélie, joli petit vis-à-vis auquel il fait chaque jour les yeux doux : beau passe-temps pour un avocat ! Ne sachant enfin comment parler à sa maîtresse, déjà notre amant se désole, quand un coquin de valet trouve moyen de le faire passer un M. Gercourt, avocat célèbre, que mademoiselle Désormeaux et sa nièce, Amélie, venaient consulter à Paris. Travestissement de Valsain ; Amélie et sa tante se roésentent : bonheur suprême ! Son amante a été spoliée par un fripon ; il va prendre sa défense avec tout l'enthousiasme de l'amour. Oui, mais quel est ce fripon contre lequel il va plaider ?... Son oncle. Une scène assez plaisante éclaircit le mystère. Menacé d'exhérédation, Valsain abandonne les intérêts d'Amélie. Autre incident ; mademoiselle Désormeaux apporte certaine transaction funeste à la réputation du vieux Durmont ; cette transaction en amène une autre entre nos plaideurs : la main d'Amélie est le gage de la réconciliation. Tout le monde est content, à l'exception du public qui s'est ennuyé pendant près d'une heure. Poëme insignifiant et froid ; musique sans couleur. Demi-succès.

Journal de Paris, n° 159 du 8 juin 1815, p. 2 :

[Le compte rendu commence bien mal pour la pièce : un compositeur qu'on suppose un amateur, un auteur tout aussi amateur, et qui a beaucoup utilisé sa mémoire : le critique cite deux sources à des scènes qui ne pouvaient plaire qu'à des amnésiques. L'apport de cet auteur se limite à une unique idée, et qui passe si vite qu'elle échappe presque aux spectateurs. Sinon, « un tissu de lieux communs dramatiques ». C'est ce que confirme le résumé de l'intrigue ; un oncle qui veut que son neveu devienne avocat  un neveu qui préfère écrire des chansons, faire des dettes et faire la cour à sa voisine. Cette voisine est engagée dans un procès, et, poussé par son valet, le jeune homme se propose comme avocat. Quand son oncle vient le voir, il est en pleine essai de plaidoirie, l'oncle le félicite, jusqu'à ce qu'il comprenne que ce procès, c'est le sien, et que son neveu s'apprête à plaider contre lui. Mais à l'Opéra-Comique, tout s'arrange toujours, et l'oncle de l'apprenti avocat et la tante de la jeune personne s'entendent pour marier les deux jeunes gens. Plus de dettes pour l'un, plus de procès pour l'autre. Le jugement porté sur la pièce est moins sévère qu'on pouvait le craindre. Certes, les situations comiques ne sont pas assez bien exploitées, et le dialogue, naturel, est aussi incorrect. La conjugaison est bien mal traitée, par l'auteur ou par les acteurs, qui sait ? Mais la musique est parfaitement adaptée à la pièce : elle « n'est ni forte ni savante » (on n'est pas à l'Opéra), et elle ne couvre pas les paroles. Finalement, la pièce, dont les auteurs ne sont pas nommés, pourra trouver une petite place au répertoire de l'Opéra-Comique.

Les deux pièces « plagiées » par Duval, sont des comédies en cinq actes et en vers : La Métromanie, ou le Poète d'Alexis Piron, datant de 1736, le Dissipateur, de Destouches, créé en 1753.]

THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.

Le Procès, opéra-comique en un acte.

La musique de ce petit opéra est, dit-on, d'un amateur ; et je serai tenté de croire que les paroles sont également d'un auteur qui n'en fait pas son métier. Sa mémoire l'a beaucoup mieux servi que son imagination. Il amis à contribution la Métromanie, le Dissipateur, et ces deux pièces lui ont fourni deux scènes qui ont pu plaire à ceux des spectateurs qui n'ont pas le souvenir prompt. Une seule idée neuve et assez comique s'est présentée à lui ; il pouvait en tirer parti, mais il n'a fait que l'indiquer, et le spectateur n'a que le temps de se disposer à rire. Tout le reste est un tissu de lieux communs dramatiques qui n'appartiennent pas plus à une pièce qu'à une autre, puisqu'on les trouve partout.

Volsain, destiné au barreau par son oncle Durmont, ne se sent aucune vocation pour Thémis, et passe son temps à faire l'amour, des dettes et des chansons. Durmont, qui aime beaucoup les procès et qui en a une certaine quantité, a résolu de le déshériter s'il n'exerce pas la profession d'avocat ; il veut même l'obliger à quitter Paris pour aller se fixer en Normandie, province dont le sol est si favorable aux procès ; mais Valsain, devenu amoureux d'une jeune beauté qui habite une maison voisine de la sienne, n'est pas disposé à quitter la ville où respire celle qu'il aime. Vainement son valet Lafleur lui fait des remontrances, c'est de la morale en pure perte. La jeune voisine qui se nomme Amélie est accompagnée d'une vieille tante, Mlle Desormeaux ; elle est venue à paris an sujet d'un procès qui dure depuis long-temps et qui compromet sa fortune. Il s'agit de trouver un avocat célèbre pour combattre un chicaneur rusé et sans délicatesse. Lafleur propose son maître qu'il fait passer pour M. Gercourt, grand jurisconsulte ; il n'a pas encore perdu de cause, dit-il : oh ! c'est un avocat rare. Les deux dames viennent trouver Valsain, et lui expliquent l'affaire pour laquelle elles plaident contre un homme très processif qu'elles ne nomment point.

Valsain prend la chose si fort à cœur, qu'il compose d'inspiration son exorde. L'oncle arrive ; il est mécontent de savoir que Valsain a des créanciers, mais il s'appaise et promet de les payer dès qu'il apprend qu'il s'est décidé à suivre la carrière du palais. Le neveu s'empresse de faire connaître à Durmont la cause qu'il va plaider, et Durmont reconnaît la sienne ; si vous plaidez, lui di-il, je vous déshérite. Qu'on juge de l'embarras de Valsain que son oncle menaçait auparavant de déshériter s'il ne plaidait pas. Les clientes du jeune avocat ont une entrevue avec Durmont, et un mariage termine à l'amiable le procès.

La situation de l'oncle qui écoute avec ravissement l'exorde du plaidoyer de son neveu et dont la joie se change en colère quand il se reconnaît dans l'avide spoliateur qu'on dénonce à la justice ; cette situation, comme je l'ai déjà dit, pouvait produire un effet très-comique, si elle eût été habilement ménagée ; il aurait fallu que le neveu crût que l'oncle ne faisait semblant de se fâcher que pour représenter naturellement la partie adverse, cette contre-scène s'offrait sj naturellement, qu'on est surpris que l'auteur ne l'ait pas saisie. Le dialogue est en générak facile et naturel, mais il manque souvent de correction. Je craindrais d'offenser l'auteur et les acteurs si j'attribuais, soit à l'un, soit aux autres la fréquente violation de la règle des temps des verbes. Les oreilles les moins difficiles ont dû en être choquées.

La musique n'est ni forte ni savante, et ne devait pas l'être ; elle a quelquefois de la grâce, et jamais le défaut ambitieux d'étouffer les paroles.

Le Procès pourra se glisser doucement et sans prétention dans le répertoire de l'Opéra-Comique.

D'après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris: répertoire 1762-1972, le librettiste est Alexandre Pineu-Duval et le compositeur, A. d'Estourmel.

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