Les Prisonniers français en Angleterre, opéra, de Dognon et Rébory, musique de Foignet. 19 Germinal an 6 [8 avril 1798].
Théâtre de Montansier
Almanach des Muses 1799.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Ch. Tutot, an VI :
Les Prisonniers français en Angleterre, opéra en deux actes. Représenté sur le théâtre des Variétés, Jardin Egalité, le 19 Germinal an VI de la République Française. Paroles de Dognon et Rebory, musique de Foignet.
Le texte de la pièce est précédé de cette dédicace :
AU GÉNÉRAL BONAPARTE.
Jeune héros, la terreur des Anglais
Daigne jetter les yeux sur cet ouvrage
Et l'accueillir, comme le faible hommage
Qu'à tes vertus présentent des Français,
De nos soldats plongés dans la misère
Nous présentons les tourmens trop nombreux ;
Et te montrer des Français malheureux,
C'est t'indiquer ce qu'il te reste à faire.
Courrier des spectacles, n° 412, du 20 germinal an 6 [9 avril 1798], p. 2 :
[La succession rapide des nouveautés au Théâtre Montansier n’est peut-être pas une si bonne nouvelle. Voilà une pièce qui ne vaut que parce qu’elle suscite des manifestations de haine anti-anglaise. Le critique fait néanmoins l’analyse de la pièce, une histoire assez abracadabrante, avec des prisonniers qui gémissent, c’est normal, une fille du geôlier qui pactise avec eux (ne jamais prendre un geôlier qui a une fille, dans toutes les pièces où c’est le cas, elle trahit son pays, et son père), des soldats qu’on enivre et qu’on gave de somnifères pour libérer ceux qu’ils gardent, un débarquement français en Angleterre qui réussit magnifiquement, et auquel les prisonniers participent efficacement, on peut en effet admettre que « le fonds de cet opéra [...]pèche souvent par la vraisemblance ». La haine des Anglais suffit pour le faire réussir, mais ce n’est pas glorieux. La musique a droit à une courte analyse positive : deux morceaux remarquables. Les auteurs sont nommés (mais le nom du parolier est déformé, et il y a un coauteur ignoré ou oublié).]
Théâtre Montansier.
Les nouveautés se succèdent rapidement à ce théâtre, hier on y donna la première représentation des Prisonnier Français en Angleterre [sic], opéra en 2 actes, qui a eu quelque succès, mais qui ne l’a dû qu'aux expressions fortement exprimées de haine au gouvernement anglais.
Voici l’analyse de cette pièce :
Des prisonniers Français gémissent dans les cachots, Florival, l’un d’eux, a su gagner le cœur de Clarisse, fille du geôlier. Le sort de ces malheureux lui a inspiré un vil intérêt, elle leur apporte des consolations, et entr’autres l’espérance de voir bientôt leurs fers brisés par les Français, qui font de grands préparatifs pour la descente. Des Anglais pénètrent dans le cachot, et leur chef offre aux Français des moyens d’évasion ; mais ils sont surpris et entraînés par la garde. Les prisonniers veulent se révolter, le commandant fait tirer sur eux. Les troupes françaises débarquent sur la côte, on entend le canon gronder. Les Anglais courent à la défense de leur pays. Pendant le combat on amène sur la scène le chef des conjurés Anglais ; on l’enchaîne et on le confie à la garde de quatre soldats. Clarisse, déguisée en vivandière, les fait boire, parvient à les endormir au moyen d’un somnifère, et rend la liberté au chef des conjurés. Les Français sont par-tout vainqueurs, les prisonniers sont parvenus à briser leurs chaînes, et ont même contribué au gain de la bataille.
Tel est le fonds de cet opéra, qui pèche souvent par la vraisemblance, et qu'il n'a pas fallu moins que la haine qu’on porte aux Anglais pour le faire réussir. On a applaudi à un joli duo et à un chœur, rempli de force et d’énergie. La musique est du cit. Foignet, et le poème du cit. Doyon.
Louis-Henry Lecomte, Napoléon et l'Empire par le théâtre, 1797-1899 (Paris, 1900), p. 34-35 :
Variétés, 19 germinal an VI (8 avril 1798) : Les Prisonniers Français en Angleterre, opéra en 2 actes, par Dognon et Rébory, musique de Foignet.
Les soldats français, prisonniers en Angleterre, sont victimes de la barbarie du geôlier Varton qui s'ingénie à inventer pour eux des vexations et des tortures. Clarice, fille de Varton, aime un des prisonniers, Florival, et cet amour la rend compatissante ; c'est à elle que les malheureux doivent quelques vivres et quelques consolations. Un parti anglais cependant s'est formé pour renverser la tyrannie de Pitt ; un des conjurés. Campley, pénètre dans le cachot des prisonniers pour leur apprendre que la France envoie à leur secours une puissante armée et préparer leur évasion, mais Varton surprend son projet, tient par une fusillade les Français en respect, et conduit Campley enchaîné au commandant anglais. Déguisée en vivandière, Clarice fait boire aux soldats chargés de surveiller Campley une liqueur qui les endort et permet au conjuré de recouvrer sa liberté assez tôt pour qu'il puisse délivrer les prisonniers français et se jeter à leur tête sur les insulaires, qui ont peine déjà à soutenir le vigoureux assaut de l'armée française débarquée à l'improviste. Les Anglais sont battus, le général en chef français, instruit de la belle conduite de Clarice fait, à sa prière, grâce au cruel Valton et promet de renverser les prisons, pour élever sur leurs ruinés une colonne proclamant l'infamie du ministère anglais.
Traduisant les espoirs et les voeux des républicains français, cette pièce fut chaudement accueillie ; les auteurs la dédièrent au général Bonaparte en ces termes significatifs :
Jeune héros, la terreur des Anglais,
Daigne jeter les yeux sur cet ouvrage,
Et l'accueillir comme le faible hommage
Qu'à tes vertus présentent des Français.
De nos soldats plongés dans la misère
Nous présentons les tourments trop nombreux,
Et te montrer des Français malheureux
C'est t'indiquer ce qu'il te reste à faire.
D'après la base César, la pièce a connu 13 représentations au théâtre de Montansier, du 8 avril au 31 mai 1798. Mais les Français n'ont pas déparqué en Angleterre.
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