Les Projets d’enlèvement, comédie en un acte, en vers, de Théodore Pein, 12 juin 1807.
Théâtre Français.
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Titre :
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Projets d’enlèvement (les)
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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12 juin 1807
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Théâtre :
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Théâtre Français
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Auteur(s) des paroles :
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Théodore Pein
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Colnet, 1807 :
Les Projets d’enlèvement, comédie en un acte et en vers, Représentée, pour l’unique fois, sur le Théâtre Français, par les Comédiens ordinaires de Sa Majesté l’Empereur et Roi, le 12 juin 1807.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1807, p. 266-270 :
[D’entrée, le critique prévient : la pièce a échoué, et il conclura sur l’absence probable de seconde représentation. Le sujet paraît original (« une idée neuve », ce n’est pas si fréquent !), mais l’auteur n’en a pas mesuré les difficultés. Le critique nous donne un aperçu précis de l’intrigue, l’histoire d’une jeune fille qu’on veut marier à qui elle ne veut pas et qui s’enlève elle même, ce qui suffit à faire que son futur mari renonce à elle (une jeune femme qui a été enlevée ne peut plus guère se marier qu'avec son ravisseur) et qu’elle peut doncépouser son amant. Le critique considère que « l'idée principale de cette petite pièce ne manquait pas d'originalité », mais il aurait fallu qu’elle amène « de jolies scènes et des situations vives, comiques et piquantes », ce qui n’est pas le cas, et le public l’a fait savoir bruyamment, au point que la fin a été inaudible. La pièce comporte de plus obscurités et invraisemblances : la pièce a paru bien trop longue et a fait naître un ennui en partie compensé par « de jolis vers, des détails piquans et spirituels, une versification facile, élégante même, mais parfois un peu négligée ». C’est la fin qui a déplu principalement. Il aurait fallu que les comédiens expérimentés de la troupe aident l’auteur à faire les coupures indispensables, ainsi que quelques ajours nécessaires. Mais de toute façon, et c’est là-dessus qu’il conclut, la pièce reflète un goût passé de mode, le genre des pièces de Dorat, Imbert et consorts, qui ont introduit une forme de comique qu’on ne veut plus entendre : on veut revenir à la vérité, qui est « l’âme de la comédie ». On ne veut plus du « comique de convention » de naguère, on veut le retour au « véritable comique ».]
Les Projets d'enlèvement, comédie en un acte et en vers, ont été donnés, mais sans succès. Voici un apperçu du sujet de cette pièce, dont l'auteur paraît avoir été frappé par une idée neuve, sans calculer assez bien toute la difficulté qu'il allait éprouver pour la suivre.
Lucile, jeune personne, dont le père est en Italie, est sous la tutelle d'une tante qui, pouvant à son gré disposer de la main de sa nièce, la refuse à l'homme que Lucile aime, et la donne à celui qu'elle n'a pas choisi. L'embarras de Lucile et de son amant Valbelle est extrême ; Valbelle ne voit qu'un moyen, c'est de voler en Italie, d'obtenir en sa faveur le consentement du père de Lucile. Mais la laisser seule au château, sous l'empire de sa tante et sous les yeux d'un rival, n'est-ce pas s'exposer à la trouver mariée à son retour ? Enlever la jeune personne serait odieux ; mais pour ne rien craindre d'un rival, enlever ce rival lui-même est une idée neuve et point du tout extravagante. La précaution est sûre, le moyen facile et les suites sans conséquence, avec un hobereau le plus pacifique qu'il y ait à vingt-cinq lieues à la ronde.
L'enlevement de M. Dorval le soir même, et une fugue vers Milan est donc un point convenu, arrêté entre les deux amans. Valbelle par malheur a un domestique curieux, et par conséquent bavard : pour éviter de lui faire une confidence entière, il lui permet de deviner un projet qui n'est pas le sien, et le laisse croire que dans les préparatifs du départ, il est question de l'enlevement de Lucile. Survient une soubrette curieuse aussi, et que le valet satisfait à son tour par une fausse confidence : croyant faire un effort d’imaginative, il la rassure sur les préparatifs de départ, lui jure que Lueile n'y est pour rien, et feint d'avouer qu'il s'agit d'éloigner Dorval : ainsi de deux mensonges naît une vérité, à-peu-près comme la syntaxe nous apprend, que deux négations valent une affirmation ; la soubrette gagnée par Dorval, l'avertit de se tenir sur ses gardes : Lucile voyant le projet manqué, prend elle-même à l'instant une résolution désespérée : elle s'échappe et part seule pour Milan : furieuse, sa tante veut courir après elle, mais Dorval chassait sur le passage de Lucile, et a reconnu la belle fugitive au moment où elle s'enlevait elle-même : Dorval renonçant à une main qui lui est si disputée, chemin faisant, enlève le notaire du lieu, et oblige Araminte à consentir à l'union de sa nièce avec son amant.
On voit que l'idée principale de cette petite pièce ne manquait pas d'originalité. Le public, en ne l'adoptant qu'avec réserve, a paru ne s'engager à la trouver heureuse, que si elle amenait de jolies scènes et des situations vives, comiques et piquantes : son attente n'a pas été complettement remplie, et on connaît assez de quelle manière il se venge quand il est ainsi trompé dans ses espérances.
On n'a pas assez compris le motif d'opposition d'Araminte au mariage de sa nièce, la nature de ses pouvoirs sur cette nièce ; on n'a pas su allier les projets dispendieux et l'état apparent de Valbelle avec la pauvreté qu'Araminte lut reproche; et Dorval, joué par Fleury, n'a pas paru l'homme ridicule que l'on attendait sur le portrait que Valbelle fait de sa personne. L'ouvrage était à peine à la moitié, qu'il a paru dépasser les bornes d'un acte. On a remarqué à-la-fois du vide dans l'action, et ce qui en est une conséquence forcée, des longueurs dans le dialogue. De jolis vers, des détails piquans et spirituels, une versification facile, élégante même, mais parfois un peu négligée, ont souvent désarmé la sévérité des juges, et ramené les spectateurs dans le parti du poëte ; mais, les dernières scènes, la fuite de Lucile, le projet de départ de sa tante, et le dénouement, ont excité des murmures qui n'ont guères permis d'écouter la dernière scène.
Cet ouvrage doit être sorti de la plume d'un homme d'esprit et de très-bonne compagnie, mais peu habitué à calculer les effets de la scène : il est étonnant que des comédiens tels que Fleury et £)azincour qui jouaient dans cette pièce, n'aient pas payé à l'auteur un tribut d'estime pour son talent, en lui prêtant la secours de leur expérience : élaguer et élaguer encore était la première des corrections à demander à l'auteur.
Avec des suppressions d'une part , et quelques développemens nécessaires de l'autre, la pièce eût peut-être été mieux accueillie : il a même été une époque où son succès eût été presqu'assuré, celle où un comique de convention avait pris la place du comique véritable, et réussissait, à l'aide d'un style élégant et fleuri, de tirades brillantes et de détails puisés dans les mœurs d'une seule classe de la société.
Dorat, Imbert et leurs imitateurs, ont obtenu cette sorte de succès ; leur école essuie chaque jour quelque défaveur ; leur genre est tout-à-fait passé de mode, et le langage qu'ils avaient naturalisé à la comédie française, ne s'entend presque plus. Les auteurs qui de nos jours se sont fait une réputation, ont suivi un meilleur système, et ont mieux connu les traces des maîtres. L'un nous a ramenés à la force dramatique, l'autre au naturel, à une gaîté douce et attachante; celui-ci à un comique délicat et fin soutenu par des vers excellens ; celui-là a des tableaux où toutes les physionomies sont vives, franches, pleines de vie, et frappantes de vérité au théâtre. La vérité ; elle est l'ame de la comédie : sans elle, point de succès; sans elle, point de salut. Tout l'esprit du monde ne peut suppléer à ce qu'elle donne de moyens et de force à l'auteur assez heureux pour la saisir, et écrire en quelque sorte les yeux fixés sur elle.
La seconde représentation des Projets d’enlèvement n'est point annoncée, et il y a lieu de croire que l'auteur a retiré cette pièce. S....
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 12e année, 1807, tome IV, p. 190.
[Des têtes à la Callot, voilà qui renvoie au fameux graveur Lorrain. Faut-il comprendre « des caricatures » ?]
THÉATRE FRANÇAIS.
Les Projets d'Enlèvemens.
On ne comprend pas pourquoi tant de gens d'esprit font de si mauvaises pièces. C'est qu'ils n'ont ou ne veulent avoir que de l'esprit. Ils font des portraits en migniature [sic], ou des têtes à Callot, et ne tracent point de ces tableaux fortement conçus, où les oppositions font valoir toutes les figures, et où chaque personnage a son caractère, qui contribue à la magie de l'ensemble. Ces bluettes, qui réussissent et qui tombent tous les jours, et qui ne vivent pas plus long-temps l'une que l'autre, sont comme des tableaux dessinés avec grâce, qui ont une certaine fraîcheur de coloris, mais qui n'ont ni dégradation ni perspective. De jolis vers ne font pas plus une comédie, que de jolies couleurs ne font un tableau ; c'est l'art de placer et de nuancer les uns et les autres, qui constitue le talent du peintre et de l'auteur. Dans la moindre farce de Molière, on retrouve la vigueur de sa plume, la force de sa logique, une philosophie saine ; il a pourtant fait aussi des caricatures ; mais on devine la raison sous le masque qui la couvre. Dans nos plus jolies pièces modernes, on se contente de coudre une douzaine de scènes, tant bien que mal amenées ; on y place une tirade sur les femmes, une sur les ridicules du jour, quelques épigrammes sur les parvenus et sur les savans : tel est le protocole. Aussi voit-on passer rapidement ces éclairs au milieu de l'orage.
J'ai fait en deux mots l'histoire des Projets d'Enlèvemens,et de bien d'autres pièces faites par des gens d'esprit, sifflées peut-être par des sots, mais qui ne devoient pas plus réussir complètement que tomber avec fracas.
Dans la base La Grange de la Comédie Française, qui fournit le nom de l’auteur, une seule représentation est signalée, la première du 12 juin 1807.
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