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Les Projets de mariage, ou les Deux militaires
Les Projets de mariage, ou les Deux militaires, comédie en un acte, en prose, par Alexandre Duval. 18 Thermidor an 6 [5 août 1798]
Théâtre de la rue Feydeau.
La pièce est également connue sous le titre des Projets de Mariage ou les Deux officiers.
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Titre :
Projets de mariage (les), ou les Deux militaires
Genre
comédie
Nombre d'actes :
1
Vers ou prose ,
en prose
Musique :
non
Date de création :
18 thermidor an VI [5 août 1798]
Théâtre :
Théâtre de la rue Feydeau
Auteur(s) des paroles :
Alexandre Duval
Almanach des Muses 1799.
Un homme dont la manie est de faire des mariages, a sans cesse un parti à proposer à sa nièce, veuve jeune et riche. Il vient d'écrire à Belmont, sous-lieutenant dans un régiment et fils d'un de ses amis, de venir passer quelques jours chez lui. Dans sa lettre, et d'après les instructions d'un valet qui le sert, il s'égaie aux dépens du colonel de ce régiment, dont la réputation est de traiter l'amour un peu légèrement. La lettre tombe dans les mains du colonel, qui, pour se venger de M. Casini, c'est le nom de l'oncle, donne une commission à Belmont qui puisse l'empêcher de se rendre à l'invitation qu'il reçoit ; et voilà le colonel Germancé qui prend l'habit de sous-lieutenant et se présente chez M. Casini sous le nom de Belmont. Il y retrouve dans le valet qui a établi sa réputation, un homme qui l'a jadis servi ; il ne lui dissimule pas qu'il vient justifier les plaisanteries que l'oncle s'est permises sur son compte. Le jeune Belmont arrive à son tour. M. Casini, prévenu en faveur du colonel, qu'il prend pour le fils de son ami, ne veut pas reconnaître ce dernier dans le véritable Belmont. Enfin tout s'éclaircit, le colonel reprend son rang et son nom. Belmont se trouve être de la connaissance de la jeune veuve, à qui il a rendu un service assez essentiel ; et M. Casini, pour cette fois, a réussi dans ses projets de mariage.
Fonds qui n'offre rien de bien neuf, mais des situations comiques, des scènes bien conduites, sur-tout celles où le valet réussit à se faire donner trente pistoles que le colonel lui avait promises. Du succès.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba et chez Hubert ; 1817 :
Les Projets de mariage, ou les deux militaires, comédie en un acte, de M. Alexandre Duval, Représentée, pour la première fois, sur le théâtre Feydeau, par les Comédiens Français, le dimanche 5 août 1798. Nouvelle édition, conforme à la représentation.
Œuvres complètes d'Alexandre Duval, tome troisième (Paris, Barba, 1822), p. 161-171 :
[Une notice où il n'est guère parlé de la pièce, mais qui pose la question de la propriété littéraire.]
NOTICE SUR LES PROJETS DE MARIAGE.
Il me serait difficile de dire à quel hasard je dois l'idée des Projets de Mariage. C'est, autant que je puis m'en souvenir, la lecture de quelque comédie étrangère qui m'aura fourni la première idée de l'Imbroglio. Cependant je crois me rappeler qu'un grand amateur de musique, italien de naissance, me parla d'une pièce qui, de son temps, avait eu du succès comme comédie, et dont il croyait pouvoir faire un opéra. Il en fit une analyse succincte; mais je ne vis dans tout ce qu'il me dit qu'un quiproquo, qui n'aurait rien de nouveau au théâtre. Cependant, il faut bien qu'il me soit resté quelque chose de la pièce originale dont il m'a parlé, puisque depuis j'ai vu une pièce de Fedérici, mise au théâtre par MM. Roger et Creusé, sous le titre de la Revanche, dans laquelle on trouve la principale idée du quiproquo.
La franchise que je mets à déclarer la source où j'ai puisé mes sujets de pièces, ne permet pas de douter de ma véracité, lorsque je certifie que je n'ai jamais eu connaissance de la pièce italienne dont je viens de parler ; que je fis les Projets de Mariage, bien convaincu que le quiproquo même des amoureux n'était qu'un moyen usé, dont je me servais pour amener des scènes piquantes. On s'en convaincra bien plus facilement, lorsqu'on voudra se donner la peine de comparer la comédie de Fedérici et la mienne. Otez la méprise des deux rivaux, et pas une scène, un mot, ne se ressemble dans les deux ouvrages : cela devait être, puisque, de ma part, toute ma petite pièce est une création sur une idée que le hasard m'avait donnée, idée très-connue, usée, et dont à coup sûr je devais ignorer le vrai propriétaire. Entrer dans ce détail, c'est montrer, j'en conviens, un peu trop d'empressement à se laver d'une sorte de larcin, que l'usage plus que la délicatesse autorise. Autrefois, je le sais, tout ce que l'on pillait sur l'étranger était de bonne prise ; on ne vous en faisait point un crime, et l'on n'y mettait pas de scrupule. Maintenant, nos auteurs ont la conscience encore plus large ; non-seulement ils pillent les étrangers, ils dépouillent les morts, mais ils dérobent même les vivants avec une effronterie qui passe toute mesure. Ah ! que la république des lettres n'a-t-elle aussi ses gendarmes et ses cours prévotales! Il serait bon que de temps en temps justice se fît de ces pirates littéraires, qui, ne possédant aucun fonds, s'accommodent de toutes les propriétés qui se trouvent à leur disposition. Je sais bien qu'ils font leur possible pour déguiser leur vol ; cependant il est quelquefois si visible, que, sans crainte de se compromettre, on pourrait crier au larron. Je ne veux point revendiquer les larcins que l'on m'a faits ; mais je pourrais citer dix pièces sur les petits théâtres, où, de mes dépouilles, l'on a rhabillé plus d'une intrigue et plus d'un personnage. Que Dieu fasse paix à mes voleurs ! Je leur donne tout ce qu'ils m'ont pris, puisqu'il n'existe pas au Parnasse de police correctionnelle, et que mes plaintes à ce sujet seraient sans aucun résultat. Cependant, d'après la jurisprudence d'un grand philosophe qui a mis en principe qu'en littérature il est permis de voler, pourvu que l'on tue son homme, nos voleurs actuels sont très-coupables, en ce que, trop honnêtes gens sans doute, aucun d'eux jusqu'ici n'a attenté à notre vie.
Dans cette pièce des Projets de Mariage, il est une scène que l'on ne m'a point encore dérobée, je le crois du moins, et dont l'effet est on ne peut plus théâtral. En faisant le plan de ma comédie, je ne prévis pas d'abord tout l'effet qu'elle produirait, lorsque j'en viendrais à l'exécution. Mais aussitôt qu'entré dans mon sujet, j'en vins à écrire la scène, tous les mots que la situation m'inspirait, arrivaient avec une extrême facilité : et quelque vitesse que je misse à écrire le dialogue de cette scène, ma main ne pouvait suivre mon imagination. Je me représentais tous les personnages en scène, et l'effet qu'elle a produit depuis à la représentation me fut si présent, qu'en écrivant les derniers mots de la scène, dans mon transport de joie, je fis un saut qui renversa la table, brisa l'encrier, et qui bon gré mal gré me fit faire un entr'acte dans ma pièce en un acte.
Cette pièce fut jouée avec une perfection rare. Michot donna une physionomie tout-à-fait neuve à mon Homme aux Projets, que je ne soupçonnais pas devoir être si comique. Le rôle de la jeune veuve fut joué avec talent par mademoiselle Mézerai. Si cette actrice ne s'est pas fait une grande réputation dans l'emploi des premiers rôles, elle jouait avec beaucoup de finesse et de grace des rôles secondaires du premier emploi. Quoique simplement retirée du théâtre, quoique jeune encore et pleine de vie, elle se trouve dans une situation qui me permet de faire son article nécrologique. Tout Paris l'a vue belle ; elle unissait à des talents aimables une éducation cultivée, de la bienveillance, de la bonté ; il ne lui a manqué, dans tout le cours de sa vie, qu'un peu de cette raison, sans laquelle nous sommes condamnés à perdre tous les a van-,tages que nous tenions du ciel; sans laquelle nous éprouvons tous les malheurs, suite inévitable des passions, et des vices de la société. Mézerai, jeune et belle, fit des folies, aima tout avec excès, tout excepté l'argent, s'en trouva privée dans cet âge des regrets, dans cet âge où l'on a vu fuir la jeunesse et les amants. Tout s'est éloigné de cette belle Mézerai, tout jusqu'à cette raison qui ne fut point assez forte pour la gouverner, mais qui fut assez généreuse pour l'abandonner tout-à-fait, afin de ne pas l'éclairer sur ses pertes, sur ses malheurs.
Il me reste, dans cette notice, une autre perte à déplorer, c'est celle de Dazincour, qu'une éducation distinguée, un esprit vif, brillant et délicat, ont rendu recommandable parmi les acteurs de son temps, presque autant que ses talents qui lui avaient mérité la faveur publique dans ce genre de comédie qui exige plutôt la grace et la finesse, que la verve et le comique. Plein de zèle pour les intérêts de sa société, il savait les défendre avec chaleur et noblesse ; seulement son esprit un peu méticuleux lui faisait voir partout des complots, et des ennemis parmi ceux mêmes qui se croyaient le plus de droits à son amitié. Ce défaut, en le rendant malheureux, tourmentait ceux qui composaient sa société; et il fallait connaître toute la bonté de son cœur, rendre justice à sa loyauté, avoir bien pitié de sa faiblesse, pour finir par lui pardonner ses soupçons qui se dénotaient toujours par des épigrammes. Ce genre épigrammatique, il l'aimait à l'excès ; ce qui donnait à sa conversation une originalité qui amusait d'abord, mais qui finissait par fatiguer. J'ai eu occasion de l'étudier malgré moi, puisque j'ai passé avec lui plusieurs mois dans la même prison, et que, sans me douter du motif qui m'avait fait perdre ses bonnes graces, je devins l'objet de ses soupçons et de ses petites malices, j'y fis d'abord peu d'attention; mais, un jour qu'à la suite d'un dialogue vif et d'une lutte de traits malins il me fit entendre qu'il croyait que je devais me plaire en prison, puisqu'un héros, qui revenait de l'armée républicaine, ne pouvait s'y trouver que volontairement, à ce mot aussi injuste qu'inconsidéré, l'idée me vint qu'il m'avait fait passer dans l'esprit de mes camarades d'infortune, pour un de ces hommes qui font le plus vil des métiers. Révolté de cet indigne soupçon, étourdi par la colère, je m'écriai en fureur que je le trouvais plaisant........ ; et lui de s'écrier à son tour qu'on ne l'avait jamais trouvé plaisant. — Ce mot me rendit mon sang-froid, en me rappelant celui que Préville avait fait sur le compte de je ne sais quel comédien, en assurant qu'il était très-comique, plaisanterie à part : je me mis alors à rire de sa fureur ; et l'assurant qu'il était bien plus plaisant en prison qu'au théâtre, je lui proposai de sortir pour vider notre différend. — On se doute bien que des prisonniers en querelle finissent bientôt par se raccommoder. Je devais excuser une faiblesse de caractère qui pesait sur moi comme sur tout le monde ; et lui-même fut le premier à se justifier d'un tort qu'il prétendait n'avoir pas eu. En effet, quoique nos opinions en politique différassent beaucoup, je dois lui rendre cette justice, qu'il m'a donné, pendant les vingt ans qui ont suivi cette misérable querelle, les preuves les plus sincères d'estime et d'amitié. Avec tous les moyens d'être heureux, de la fortune, de la réputation, je doute qu'il ait jamais connu le bonheur. Il finit, il est vrai, par trouver un peu de tranquillité dans une retraite qu'un de ses amis (M. Cellerier, architecte) avait embellie de toutes les ressources de son art. Je dirai comment il se procura cette retraite. Aune partie de plaisir que nous fîmes à la belle maison de campagne de Talma, il trouva le vallon d'Yères si agréable, qu'il voulût y acheter une petite propriété. Le hasard lui offrit une masure et deux arpents tout au plus ; il acheta le tout sept mille francs, avec le projet de faire restaurer la maison par son ami l'architecte, qui n'y dépensa que cent mille francs. Sur la fin de sa vie, l'histoire de sa maison était son Dada favori. Il ne tarissait pas sur le bonheur que l'on avait d'avoir pour ami un artiste, un homme à talent... Et telle était pourtant la bonté de son cœur, que ce mécompte dans ses projets de campagne ne rompit point les liens de l'ancienne amitié qui l'unissaient à Cellerier. C'est une chose à remarquer que les hommes qui, par leur état, se trouvent le plus répandus dans le monde et dont les intérêts se trouvent liés au bruit qu'ils peuvent faire dans le public, soient ceux qui sentent le plus vivement les charmes de la campagne et le prix du repos. Parmi les artistes, j'en citerais vingt, sans m'en excepter, qui ont embelli leurs retraites, qui ont eu pour amis des Cellerier, et qui n'ont aussi connu de bonheur que loin du bruit et de la multitude.
Le hasard m'aura-t-il donc conduit à parler de ces temps malheureux, où la prison devenait pour un citoyen presque un brevet d'honneur ; aurais-je donc passé plusieurs mois aux Madelonnettes, sans me permettre de signaler quelques-uns de mes camarades d'infortune, et les choses assez singulières, qui, malgré moi, venaient frapper mes regards ? J'habitais la même chambre, ou plutôt la même cellule que Saint-Prix. Cet acteur justement estimé est maintenant retiré du théâtre, où il s'est acquis, par ses talents et son excellent esprit, l'estime, l'amitié, je dirai même, la reconnaissance de tous ses camarades. Nous faisions très-bon ménage, et le héros tragique se livrait à tous les petits détails de notre intérieur avec une noblesse qui l'élevait au-dessus de ses fonctions. Moi, que ma paresse avait désintéressé du soin de l'empire, je m'amusais à composer des romances , ou à faire des observations sur les prisonniers. Nous avions pour voisins M. de Cr*** et le général de ***, comme nous, victimes d'une infame tyrannie. Ils avaient transporté dans la prison, qui nous était commune, l'excessive politesse de la ville, et même l'étiquette des cours. Ils n'étaient point par conséquent dans ce négligé de prison, qui, s'il n'est pas toujours élégant, est au moins très-commode. A une heure dite, le valet de chambre entrait dans leur cellule ; on s'habillait : la toilette finie, le valet de chambre du président allait demander au général, s'il voulait recevoir la visite de monsieur le président de ***. La réponse ne tardait pas à revenir ; le président, frisé, poudré, passait devant nous, et restait une heure en visite. Une demi-heure après, le général visité envoyait à son tour son valet de chambre, et bientôt nous voyions passer le général dans tout son éclat de parure, rendant sa visite avec toute la dignité d'un grand seigneur. Cette étiquette , leur tenue, qui était celle de Versailles, la manière dont ils se priaient en sortant de ne pas aller plus loin, tout cela contrastait singulièrement avec notre prison, dont les cellules étaient de vrais cachots, et qui n'avaient pour promenade que le seul corridor qui y conduisait. Mais tel est l'empire de l'habitude et des mœurs, que ces hommes qui avaient si long-temps vécu à la cour, conservaient en prison le même cérémonial, et mettaient la même importance à des bagatelles. Certes, ils n'en étaient pas plus malheureux, puisque ces petits détails de cérémonie leur faisaient employer un temps qui coule toujours si lentement, quand on est privé de sa liberté. Je suis bien convaincu maintenant que cet empire de l'étiquette est bien diminué, même à la cour, et que les enfants de nos grands seigneurs actuels, s'ils se trouvaient dans cette malheureuse position, y apporteraient tout autant de courage et beaucoup moins de ces formes roides et minutieuses, qui, à elles seules, pouvaient donner à un niais les formes d'un grand seigneur. Quoiqu'on en dise, la philosophie s'est étendue partout , peut-être aux dépens de la politesse française et de nos galantes manières; mais , si elle nous donne des hommes moins polis et moins façonnés par les graces, nous lui devrons des hommes plus forts, qui connaîtront mieux leurs intérêts particuliers , en sachant défendre les intérêts généraux.
Courrier des spectacles, n° 531 du 19 thermidor an 6 [6 août 1798], p. 2 :
[Ironiquement, le critique souligne d’emblée que la réussite de la pièce, dont l’auteur a paru, n’est pas méritée : il y reviendra plus loin. Il entreprend ensuite l’analyse de l’intrigue, la tentative d’un oncle de marier sa nièce veuve, à un militaire de ses amis. L’affaire tourne mal, parce que le militaire se moque dans une lettre de son colonel, qui décide de se venger en se faisant passer pour son subordonné, ce qui conduit le subordonné à se faire passer pour son colonel. Ce quiproquo, qui permet la seule bonne scène de la pièce, selon le critique, finit par se dissiper, quand la jeune veuve reconnaît dans ce subordonné celui qui l’a défendu en société : elle peut épouser son défenseur. Le critique revient sur ce qu’il avait laissé entendre au début de l’article : « cette pièce ne m’a point paru mériter l’accueil favorable qu’elle a reçu » : il n’apprécie qu’une scène, et s’il renonce à dire tous ses défauts, il signale l’exposition mal faite selon lui, puisque la jeune veuve apprend à son oncle ce qu’il sait probablement déjà. Les acteurs ont bien joué. Elle était précédée de l'École des pères [d'après le Courrier des spectacles, il s'agit de la comédie de Pieyre, créée par les Comédiens François le 1er juin 1787], bien jouée également, à une nuance d’expression près d’une actrice.]
Théâtre Feydeau.
La petite comédie donnée hier à ce théâtre, ayant pour titre les Projets de mariage, a complètement réussi, puisque l’auteur a été demandé, et qu’après qu’on l’a eu nommé, le public a désiré le voir, il a paru , c’est le cit. Duval, auteur de la jolie pièce du Prisonnier
Casimir a la fureur de vouloir marier sa nièce, jeune veuve, à tous ceux qui se présentent chez lui. Déjà elle a refusé plusieurs de ces partis ; son cœur insensible pour tous ceux qu’elle voit, est prévenu en faveur d’un jeune officier qui a pris son parti dans une société ou elle avoir été insultée. Casimir se flatte cependant de lui faire épouser le jeune Belmont, lieutenant de cavalerie et fils d’un de ses anciens amis ; il lui a écrit pour l’engager à venir chez lui. Cette lettre dans laquelle il s’égaie sur le compte de Germancé, colonel au même régiment que Belmont, tombe entre les mains de celui qu’elle maltraite, et il forme le projet de s’en venger , en se faisant passer auprès de Casimir pour Belmont que cet oncle n’a jamais vu. Germancé secondé par Pédro, valet de Casimir, parvient à ce qu’il desiroit.
On annonce le vrai Belmont, on refuse long-tems de le laisser entrer, et pendant ce tems, dans une scène fort plaisante, Pedro dit à son maître que c’est le colonel du régiment de Belmont qui veut se faire passer pour ce jeune homme sous le titre de simple lieutenant. Belmont est introduit, mais on refuse de le croire ; il est prêt à partir, lorsque la nièce le reconnoît pour ce militaire à qui elle a eu obligation. Il rentre, et est obligé, pour plaire à Casimir, de dire qu’il est le colonel. Celui-ci entre bientôt après. Alors Belmont se décide à le badiner, et prenant avec lui le ton de son supérieur, il lui demande pourquoi il est dans cette maison, au lieu d’avoir rempli l’ordre qu’il lui a donné. Enfin tout se découvre, et la jeune veuve épouse son défenseur.
Cette pièce ne m’a point paru mériter l’accueil favorable qu’elle a reçu. Je doute même qu’elle eût pu se soutenir sans la scène que j’ai citée. Je ne parlerai point des autres défauts de cet ouvrage, je me contenterai de dire que l’exposition est mauvaise. C’est la nièce qui la fait, en racontant à son oncle le service que lui a rendu le jeune officier ; or il n’est nullement probable que Casimir ignore ce fait. Cette pièce est bien jouée par les cil. Dazincourt, Armand , Baptiste, Michot; et la citoyenne Mézeray.
Cette comédie avoit été précédée de l’Ecole des Pères, qui a été jouée avec la plus grande perfection par les citoyens Molé et Caumont, et par la citoyenne Mézeray. On pourrait observer à cette dernière que dans la cinquième scène du second acte , elle a mis un peu trop d’affectation à témoigner l’impatience que Mme, Courval éprouve en écoutant son mari. L’expression de l’impatience doit être presque involontaire, si elle est portée trop loin elle devient insulte.
Le Pan.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1798 (vingt-septième année), tome IX (septembre 1798, fructidor, an VI), p. 198-200 :
[« Un assez joli imbroglio comique » qu’on peut rapprocher d’autres pièces du même genre (les Trois frères rivaux sont une comédie en un acte et en vers, de Joseph de La Font, créée en 1710), ce n’est pas l’originalité de l’intrigue (une suite de changement d’identité) qui font sa qualité, mais sa gaîté « d’un très-bon genre » (sans vulgarité donc). L’auteur se voit tresser des couronnes, jusqu’à être comparé à Regnard (mais tout de même pas à Molière !). Cela n’empêche pas le critique de lui donner des conseils d’écriture : il faut qu’il soit plus attentif à bien choisir parmi la « foule de traits plaisans » qu’une situation suggère : les meilleurs seulement, qu’il faut graduer, puis « colorer de l’expression juste & propre ». En un mot, qu’il se méfie de sa facilité.]
Les Projets de mariage, pièce en un acte, par le C. Duval.
C'est un assez joli imbroglio comique qui rappelle un peu celui du Prisonnier, mais qui présente des scènes plus fortes de situation. Le fonds roule sur des personnages qui changent de nom : un colonel imagine de se faire passer pour un officier de son régiment, qu'il a écarté à dessein ; l'officier trouve le moyen d'arriver presqu'en même temps que son colonel, ce qui produit des incidens comiques; & un valet rusé, à la faveur de ces mystères, dont il est au fait, & du besoin qu'on a de lui, parvient à tirer de l'argent de tout le monde, comme le Frontin des Trois Frères rivaux, de Lafont.
Cette jolie petite pièce est parfaitement jouée, & les plaisanteries sont en général d'un très-bon genre ; enfin elle fait beaucoup rire, & c'est un grand mérite dans ce moment, où il semble qu'on ait juré de bannir la gaieté du théâtre. Le C. Duval s'efforce de l'y rappeler, & l'on doit lui tenir compte & de ses efforts, & de ses succès : nous devons lui dire qu'il a reçu de la nature ce que peu d'auteurs ont eu depuis Regnard, c'est le vis comica. C'est un excellent instrument, & il ne lui manque peut être que d'en pincer les cordes un peu plus serré, pour en tirer tout le parti dont il est susceptible. Quand une scène vraiment comique de situation se trouve bien conçue, il en jaillit sans efforts une foule de traits plaisans ; mais il faut d'abord choisir les meilleurs, ensuite les graduer, puis les colorier de l'expression juste & propre qui les fait ressortir davantage. C'est alors que la situation ne laisse rien à désirer.
Le C. Duval nous paroît avoir assez de talent pour ne pas négliger le genre de méditation & de travail que nous lui proposons ; il ne lui faut que se défier un peu de sa facilité & du bonheur de ses sujets.
D'après la base César, la pièce a d'abord été jouée 27 fois au Théâtre de société de Momus, du 21décembre 1795 au 31 juillet 1796 ; puis elle a été jouée 5 fois au Vaudeville de Boulevard, du 12 août au 10 octobre 1796 ; elle est reprise le 3 août 1798 au théâtre de Feydeau pour 8 représentations, jusqu'au 2 septembre ; le 8 septembre, elle est jouée au Théâtre français de la rue de Richelieu, pour 22 représentations jusqu'au 5 novembre 1799.
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