Papirius, ou les Femmes comme elles étaient, parade historique en un acte, mêlée de vaudevilles, de Gersin et P.-A. Vieillard, 11 messidor an 9 [30 juin 1801].
Théâtre du Vaudeville
L’orthographe du nom du personnage éponyme varie selon les sources, et parfois même dans la même source : il est tantôt Papirius, tantôt Papyrius.
Almanach des Muses 1802
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an IX – 1801 :
Papirius, ou les Femmes comme elles étaient, parade historique en un acte, mêlée de vaudevilles, Représentée, pour la première fois, à Paris sur le théâtre du Vaudeville, le 11 messidor an IX. Par les CC. Gersin et Vieillard.
Les couplets d'annonce :
[Les airs ne sont pas indiqués...]
Vous plaire à tous en même tems,
C'est glorieux, mais difficile ;
L'un veut qu'on le transporte aux champs,
L'autre qu'on le laisse à la ville.
Celui-ci veut des traits bien doux,
Celui-là veut des épigrammes :
Nous, pour contenter tous vos goûts,
Nous allons vous offrir des femmes.
Mais ce ne sont pas les femmes d'aujourd'hui.
Dans les traits de nos personnages,
Si quelque défaut vous frappait,
Songez qu'ils offrent des images
Du beau sexe comme il était.
Mais les femmes ne sont plus telles,
Et si chez nous de ses tableaux
L'auteur eût choisi les modèles,
On n'y verrait point de défauts.
Courrier des spectacles, n° 1584 du 12 messidor an 9 [1er juillet 1801], p. 2 :
[Le compte rendu commence par un dialogue amusé entre une femme qui ignore qui est Papirius et le critique qui la rassure : la pièce ne les met pas en cause, et elles ont applaudi à cette anecdote qui transporte le spectateur dans la Rome de Caton. L’anecdote que la pièce raconte montre une femme romaine curieuse de connaître les secrets du sénat, un enfant malin qui lui fait croire à des fadaises, et un mari soumis à sa femme et qui trouve qu’une femme, c’est déjà beaucoup : une loi qui en imposerait deux serait bien difficile à respecter. Bien sûr la loi inventée par Papirius n’existe pas, et ce que Caton proclame, c’est la dignité des dames romaines. Apparemment, la pièce finit sur ce point. Le critique cite deux couplets et le nom des auteurs de ce qu’il qualifie de « jolie production ».]
Théâtre du Vaudeville.
Qu’est-ce que c’est que Papirius. Je ne connois pas cela. Papirius ! cela ne sonne pas bien au Vaudeville. Ces noms en us suffisent pour me donner des vapeurs ! — Un peu moins d’humeur, belle dame, et si la chose vous plaît, à quoi bon vous fâcher contre le mot ? Papirius est joli , Papyrius est gai, et ce qui doit encore plus vous flatter, Papyrius est galant. — Bon ! galant Oui, un compliment et deux épigramrnes, c’est l’usage. — Pas du tout ici, une épigramme et deux complimens... Nos dames n’ont pas été les dernières à applaudir ; et Papirius a complettement réussi. Voici le fait :
Le jeune Papirius, surnommé depuis Prœtextatus pour la prudence qu’il déploya dans l’occasion dont il s’agit, étoit vivement sollicité par sa mère Calphurnia de lui découvrir le secret des délibérations du sénat auxquelles il venoit d’assister. Papirius résiste d’abord aux prières de Calphurnia ; mais celle-ci le menace de s’opposer à l’union qu’il desire avec Julie, nièce et pupille de Caton. Que faire ! un stratagème le tire d’embarras ; il avoue en tremblant et en recommandant le secret, que l’on avoit agité au sénat la question s’il ne seroit pas avantageux de donner deux maris à une femme, mais que cette proposition avoit fait place à une autre qui a voit prévalu : s’il ne vaudroit pas mieux donner deux femmes à un mari. La mère de Papirius communique ce secret à son mari, à qui elle reproche son amour pour le repos qui l’empêche de se trouver aux délibérations du sénat et de s’opposer à ses bévues. Le pauvre Valerius Sacchus n’approuve pas trop le projet de loi.
Air : Ça n'se peut pas.
Une femme nous est bien chère,
C'est toujours un joli cadeau,
Mais pour l’homme qui se modère
Trop de richesse est un fardeau.
Comment supporter sa fortune ?
En garder deux quel embarras !
Puisque vouloir eu garder une
Ca n’se peut pas. (bis)
Il court au Sénat, mais sur son passage se précipitent une foule de femmes assemblées tumultueusement. Bref, il ne peut entrer au Sénat. Caton qui est chargé de remettre aussitôt à Valerius Flaccus la loi qui vient d’être décrétée, arrive, apprend la cause de cette rumeur de la bouche de Papirius qui avoue son mensonge ingénieux, et il lui accorde sa pupille en mariage. Puis il fait publier la loi rendue par laquelle le Sénat accordoit aux femmes le titre de Dames Romaines pour le dévouement qu’elles avoient montre dans les tems malheureux de la république.
Air . . . ..
L’une a l’époux qu’elle révère
Dans les paisons unit son sort ;
Une autre pour sauver son père
Sans effroi s’expose à la mort.
Et lorsqu'en ces jours de détresse
Les hommes étoient sans pitié,
Les femmes nous offroient sans cesse
L’héroïsme de l’amitié.
Les auteurs de cette jolie production sont les citoyens Gersin et Vieillard.
F. J. B. P. G***
La Décade philosophique, littéraire et politique, an IX, IVme trimestre, n° 29 (20 Messidor), p. 113-115 :
[Respect des bienséances, respect des grandes figures de l'histoire romaine : ce n'est pas parce qu'une pièce est drôle qu'elle a tous les droits ! Après avoir fait un compte rendu sévère de la pièce, qui « défigure les grands personnages de l'antiquité »; le critique reprend un article du Journal de Paris qui s'indigne de la façon dont les grands hommes de Rome sont maltraités et condamne le Théâtre du Vaudeville, coupable de faire des héros de l'antiquité « un objet de risée ».]
Théâtre du Vaudeville.
Papirius, ou les Femmes comme elles étaient.
Depuis long-tems le Vaudeville puisait tous ses sujets dans l'histoire des célèbres modernes ; mais la source est probablement tarie. Il se permet aujourd'hui des incursions dans le vaste champ de l'Histoire romaine. — Cet enfant mutin, qui s'était révolté contre l'usurpation de la tragédie, veut chausser lui-même le cothurne. Il est vrai qu'il défigure les grands personnages de l'antiquité, de manière à rassurer nos tragédiens contre cette atteinte à leur propriété. Quel que soit l'habit que le Vaudeville donne à ses héros, on leur trouvera toujours une allure française.
Le trait connu du jeune Papirius, pressé par sa mère de lui découvrir le secret des délibérations du Sénat, a servi de cadre à des couplets agréables, à quelques saillies piquantes.
Calphurnie, mère de Papirius, figure à la tête d'un Conseil de femmes, dans lequel on fait le procès du Sénat, qui veut priver les dames de Rome de leurs plus beaux avantages. Là une scène imitée d'Aristophane, très-comique dans l'Auteur grec, encore plaisante dans la pièce française , mais peu décente. Le jeune Papirius, léger, étourdi, comme un enfant de Paris, vient troubler le Conseil des femmes, qu'il parvient à dissoudre. Pour tromper la curiosité de sa mère, il lui annonce que le Sénat a décrété qu'à l'avenir les citoyens auraient deux femmes. Cette nouvelle répand l'alarme parmi les dames. La révolte est générale. Calphurnie engage Valerius-Flaccus à se rendre au Sénat pour s'opposer à sa décision. Flaccus est un de ces maris un peu benêts, dont les modèles ne sont pas rares, à ce que l'on prétend. Il s'effraie d'abord de l'obligation d'avoir deux femmes, lorsque les hommes en ont souvent trop d'une ; mais il avoue qu'il est dans l'impuissance d'aller jusqu'au Sénat. C'est alors que Calphurnie lui fait sur cette impuissance, des plaisanteries sur le ton des dames de la jurande.
Caton, le sévère Caton, paraît aussi sur la scène. Les femmes, qu'il veut appaiser se moquent de lui ; ce qui fait beaucoup de plaisir aux Parisiens, qui n'aiment pas ce grave personnage. La révolte du beau sexe de Rome s'accroît et devient très-alarmante. Le Sénat court les plus grands dangers ; mais heureusement on vient annoncer que le sujet de ses délibérations est de donner aux femmes le titre et les droits de dames Romaines.
Des couplets heureux, dont on fait l'application à notre premier magistrat, et d'autres fort galans pour les dames Françaises, ont déterminé le succès de ce petit Ouvrage.
Les Auteurs sont les CC. Gersin et Vieillard.
Nous trouvons dans le Journal de Paris, des réflexions sur cette pièce, que nous nous empressons de recueillir. L'opinion que leur Auteur exprime nous paraît devoir être celle de tous les hommes sensés.
« Tant qu'on ne voit sur le théâtre que des femmes curieuses et un jeune homme discret, spirituel et malin, le spectacle est agréable ; mais Valérius Flaccus, baffoué comme un Cassandre, par une femme grossière et sans retenue, qui épuise toutes les manières de lui faire entendre ce refrain de Colombine : Vous étiez ce que vous n'êtes plus ; mais Caton, le censeur, travesti en chanteur d'épigrammes ou de madrigaux, s'acquittant de sa charge sur des airs de Pont-Neuf ; en un mot, Valérius Flaccus et Caton au Vaudeville, offensent le goût et la décence. Il faut n'avoir jamais lu l'Histoire romaine, n'avoir jamais eu le moindre sentiment de la majesté des grands personnages qui ont illustré le sénat, pour ne pas trouver une sorte de sacrilége dans la parodie de leur langage, dans le travestissement de leurs caractères, dans la seule représentation de leur personne. Heureusement il est au-dessus du pouvoir du Vaudeville et de la scène française toute entière, de nous familiariser assez avec la haute stature des grands hommes de l'antiquité, pour qu'ils deviennent jamais un objet de risée parmi nous.
La société du Vaudeville a trop de sens et respecte trop les mœurs, pour prétendre à des succès qui seraient déplorables, s'ils n'étaient impossibles. On peut dire aux Auteurs de ce théâtre ce qu'ils ont dit à ceux des autres : Feuilletez votre répertoire, plutôt que de l'enfler sans discernement ; et représentez de jolies pièces connues, plutôt que des nouveautés bizarres. » H. D.
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