Pharamond, ou l'Entrée des Francs dans les Gaules, mélodrame en trois actes, en prose, de Victor Ducange, musique de Quaisain et Lanusse, ballet de Millot, 10 novembre 1813.
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez J. N. Barba, 1813 :
Pharamond, ou l'Entrée des Francs dans les Gaules, mélodrame en trois actes, en prose, Par M. Victor ; Musique de MM. Quaisain et Lanusse, Ballet de M. Millot. Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 10 novembre 1815.
Après la liste des personnages, le lieu de la scène :
La scène se passe à Trèves, sur les bords de la Moselle, séjour des gouverneurs des Gaules pour les Romains, en l'année 418, sous les règnes d'Honorius et de Théodose, Empereurs d'Occident et d'Orient.
Une « note historique » (p. 3-4) est censée donner toutes les informations qu'un lecteur pourrait désirer connaître. Dans une débauche d'érudition, l'auteur de la pièce insiste sur les nombreuses incertitudes qui concernent cette époque, avant d'affirmer qu'il n'a de toute façon pas hésité à combler par son imagination les lacunes des connaissances historiques concernant cette époque. La dernière note fait la liste des pièces de théâtre mettant en scène Pharamond. Elles sont peu nombreuses, et l'auteur ne les a pas utilisées. Note très intéressante sur l'utilisation que la tragédie fait de l'histoire.
NOTE HISTORIQUE.
Pharamond, roi des Francs, peuple brave, intrépide, mais dont l'origine, quoique germaine, est fort obscure, entra dans les Gaules, en 418, prit la ville de Trèves, et y fut proclamé roi par ses soldats, qui l'élevèrent sur un pavois, au milieu de la place publique. Voilà l'origine, le berceau de la France.
Les historiens, d'accord sur ce fait, ne nous ont rien transmis de plus sur Pharamond, et sur son règne dans les Gaules. On ne sait également ni le nom de son épouse, ni s'il en eut plusieurs, ni quels furent ses enfans, à l'exception d'un Clodion, dit le Chevelu, qu'on fait règner après lui.
Ce qui se passait dans les Gaules, à cette époque, n'est pas beaucoup plus clair. La vaste étendue des conquetes de César ayant obligé les empereurs d'établir, dans ces contrées, un pouvoir suffisamment respectable pour contenir dans l'obéissance tant de peuples, toujours prêts à secouer le jong [sic], Constantin (surnommé le Grand) créa, pour gouverner les Gaules, des préfets du prétoire, dont la résidence fut établie à Trèves et dont l'autorité, presque souveraine, laissait à leur disposition, la guerre, les finances et la justice. (Histoire de France, par l'abbé Velly.)
On connaît quelques-uns de ces préfets, ou gouverneurs, à des époques antérieures à celle où se passe l'action que je mets sur la scène; mais on ne trouve positivement dans aucun auteur, quel était celui qui commandait à Trèves, quand Pharamond et les Francs y entrèrent en vainqueurs. On voit seulement qu'Honorius, par un édit de la même année, transféra à Arles le siége du gouvernement, qui ne pouvait plus être à Trèves, et y envoya alors un certain Agricola. ( Dubos, Hist. de l'Origine de la Monarchie française.)
Cependant on lit dans une histoire de Trèves, écrite en latin, que depuis 418 jusqu'en 481, il y eut trois gouverneurs à Trèves, Clodebaud, Sigisber, et son fils Sigbert, qui céda à Clovis. (Historia trevisensis diplomatica, tome 1. page 21 form.-in 4°.)
Cette autorité, la seule que j'aie rencontrée, m'a paru suffisante pour présumer, avec quelque fondement, que Clodebaud avait bien pu commander à Trèves quand Pharamond s'y présenta, puisque les époques coïncidaient si parfaitement, et que d'ailleurs l'histoire n'offre rien qui contrarie cette présomption. N'ayant pu découvrir, pour l'historique de mon drame, aucune autre donnée certaine, je me suis vu contraint de suppléer à des faits qui ne sont point venus jusqu'à nous. Voici pourtant les autoritées [sic] qui m'ont secouru, même dans mes fictions :
Moreri, dans son Dictionnaire Historique (article Pharamond), nous apprend que ce prince était fils de Marcomir roi. C'est d'ailleurs l'opinion de la plupart des historiens.
Mézerai, en parlant des ascendans de Pharamond, donne à Marcomir un associé au trône, il dit : (tome 1er. page 295 in-4°.) l'an 397, règnaient Marcomir et Sunnon, frères, dont Stilicon (1) relégua le premier en Toscane, et fit massacrer l'autre par les siens (2).
Le même auteur, dans un autre passage, et après l'action de Stilicon, que je viens de citer, nous montre ce même Marcomir, apparemment revenu de son exil, faisant élire Pharamond son fils, roi fils roi des Francs. (même vol. page 170.).
Muni de ces matériaux, et observant que Clodebaud, sur lequel l'histoire ne rapporte absolument rien, que ce qui est dit ci-dessus, portait aussi un nom d'origine francque, j'ai fait descendre ce gouverneur, de Sunnon ; et j'ai basé sur ce fond ce qui précède et amène la fable de mon drame, dont une partie se trouve justifiée par l'histoire, ainsi que mes personnages principaux.
Cependant je n'en puis dire autant d'Odoar et d'Adelmonde ; mais d'autres auteurs n'ayant pas craint de donner à Pharamond plusieurs filles et fils inconnus dans l'histoire, entre autres une Zamire, célèbre dans les romans de chevalerie (3), j'ai cru pouvoir jouir de la même liberté. (4)
Quoi qu'il en soit de la famille de Pharamond, tous les historiens s'accordent à regarder ce héros comme le fondateur de notre monarchie. Le sujet m'a donc semblé tout à fait national, et d'autant plus intéressant qu'il reçoit de l'obscurité des tems une teinte mystérieuse, qui exalte l'imagination, et surtout parce qu'il rappelle une époque chère à tous ces peuples, le berceau d'un grand empire. (5)
(1) Stilicon, grand général et favori d'Honorius, dont cet Empereur épousa les deux filles.
(2) Une vieille cronologie tirée des manuscrits d'un roi de la Grande-Bretagne, fait descendre Marcomir et Sunnon de Priam ; mais le livre des Gestes des Français fait venir ce dernier d'Antenor.
(3) Ce qui est en outre un anachronisme.
(4) (Odoar, frère de Pharamond, épouse Adelmonde, fille de ce roi.) Rien ne me porte à penser que chez les Francs, peuple encore barbare, le mariage entre oncle et nièce, dût être défendu, puisque, de nos jours, où les mœurs publiques se sont épurées, où l'ordre social a atteint toute sa perfection, cette espèce d'alliance est encore autorisée, moyennant les dispenses et les formalités prescrites.
(5) Pharamond n'a jusqu'ici donné naissance qu'à fort peu d'ouvrages d'imagination ; on ne connait guère sur lui qu'un grand roman en douze volumes, dans le style et le goût du siècle où il fut composé.
Ce roman fournit lui-même le sujet d'une tragédie intitulée : Pharamond, ou le Triomphe des Héros, par un certain Poujade. Elle fut imprimée à Bordeaux en 1672, et n'est presque point counue.
Cahusac, plus heureux sur le meme sujet, fit un Pharamond, premier roi des Francs, représenté pour la première fois le 1er. août 1736, et qui eut onze représentations. Cette tragédie, qui est toute d'imagination, se trouve encore à la Bibliothèque impériale. Enfin, M. de la Harpe fit aussi un Pharamond, mais cette pièce n'est point insérée dans ses œuvres.
Je n'ai rien emprunté de ces divers ouvrages; enhardi par l'exemple, j'ai créé pour mon compte, en tâchant, autant que possible, de me rapprocher de l'histoire.
Marie-Pierre Le Hir, le Romantisme aux enchères : Ducange, Pixerécourt, Hugo (John Benjamins Publishing Compagny, Amsterdam/Philadelphia, 1992), p. 37, souligne que Ducange accorde une grande importance à l'histoire nationale. L'histoire de Pharamond, pour lui, dit s'interpréter sans référence à la religion : sa préface est pleine de dates, de noms, de citations, sans éléments chrétiens, à la différence de l'interprétation que Chateaubriand donne dans les Martyrs de Dioclétien de la naissance de la monarchie française.
Ajouter un commentaire