Pierre Luc ou le Cultivateur du Mont-Blanc, opéra en 3 actes à grand spectacle, de Hapdé et Corsange, musique de Froment, ballet de Blondin, 4 fructidor an 7 [21 août 1799].
Théâtre des Jeunes Artistes
L'Almanach des Muses de 1801 donne comme date de création le 20 frimaire an 8 [11 décembre 1799]. C’est en fait la date d’une représentation « extraordinaire, au bénéfice d’un artistes », de l’opéra de Hapdé et Corsange.
Courrier des spectacles, n° 612 du 5 fructidor an 7 [22 août 1799], p. 2 :
[Le compte rendu commence par l’annonce du succès. Le critique entreprend ensuite l’analyse du sujet, une double histoire de mariage, l’une sans difficulté, l’autre dans laquelle le prétendu est évincé au profit d’un autre garçon qui plaît tellement plus à la jeune fille. A quoi s’ajoute la restitution d’une « somme en or » trouvée par le père des deux jeunes filles à marier, et qu’il restitue au père d’un des jeunes époux. La pièce « qui a fait plaisir » échappe de peu au reproche de « quelques longueurs » grâce à un rôle de niais, assumé par un jeune acteur que le critique compare à Brunet, ce qui est très flatteur. Et les auteurs sont nommés, y compris l’auteur du ballet, qui paraît avec le parolier et le compositeur.]
Théâtre des Jeunes Artistes.
Pierre-Luc, ou le Cultivateur du Mont-Blanc, pièce en deux actes, à spectacle, mêlée de danses, donnée hier pour la première fois à ce théâtre, a reçu l’accueil le plus flatteur.
Pierre-Luc, riche et honnête cultivateur du Mont-Blanc, a une maison ouverte à tous les voyageurs, à tous les infortunés. Il est à la veille de marier Annette, sa fille ainée, à Baptiste, fils de son vieil ami Guillaume. Jacquot, neveu de celui-ci et filleul de Pierre-Luc, prétend à la main de la sœur cadette, Claudine, qu'il ne doit épouser que l’année suivante. Sur ces entrefaites, deux voyageurs arrivent au logis hospitalier : c’est le vieux Bellemont, que soutient son jeune et aimable fils, Emile. Pierre-Luc est absent : il est allé à la chasse ; ses deux filles préparent tout pour que les deux nouveaux venus se reposent de leurs fatigues ; Annette les conduit à une chambre isolée, tandis que Claudine restée seule s’apperçoit que le jeune Emile ne lui est pas indifférent et qu’elle le préfere à son imbécile Jacquot. Emile lui-même survient, et tous deux bientôt s’avouent le sentiment qui les attire l'un vers l’autre. Cependant la noce se prépare ; les travaux champêtres sont suspendus ; les ris et les danses annoncent l’allégresse. Baptiste a vu l’aversion de Claudine pour Jacquot, et quelques regards lui ont fait entrevoir son penchant pour Emile. Il les interroge et les force adroitement à lui avouer leurs sentimens mutuels.
Pierre-Luc entend cette conversation, et comme d’après un entretien secret qu’il a eu avec Emile, il sait ce qu’il est, il n’hésite pas à lui donner sa fille Claudine. Bellemont est témoin du bonheur de son fils, mais lui-même reçoit de Pierre-Luc un nouveau témoignage d’amitié. Celui-ci a fait préparer une fête, et parmi des fleurs qu’on vient déposer dans une corbeille aux pieds du vieillard, il a déposé une somme en or qu’il a trouvée autrefois étant jardinier au service de Bellemont. En vain ce vieillard refuse, Pierre-Luc lui fait tant d’instances qu’il accepte enfin et assure par son consentement le bonheur de son fils et de Claudine.
Tel est le fonds de cette pièce qui a fait plaisir, et à laquelle le public eût pu justement reprocher quelques longueurs, si l’on n’eût introduit à propos, un niais, Jacquot, enfin dont tes saillies, jointes au jeu de l’acteur, ont assez diverti. Le jeune artiste chargé de ce rôle paroît avoir pris le citoyen Brunet pour modèle, et il a assez bien réussi. La pièce a été du reste jouée avec ensemble. Les auteurs ont été demandés ; on est venu nommer les citoyens Hapdé et Corsange, On a voulu aussi connoître l’auteur du joli ballet qui termine la pièce, et le citoyen Blond in a été nommé et a paru avec les deux autres auteurs.
Mercure de France, tome huit, décadi, 10 Fructidor an 7, p. 70-72 :
[L’auteur du compte rendu fait un abondant usage de l’italique, marque d’une ironie assez mordante : la pièce nouvelle n’en est pas une, elle a déjà paru, et la promesse d’un renouvellement, qui permettrait de la considérer comme neuve, n’est pas tenue ; « la pièce nouvelle contient les mêmes défauts que l’ancienne », et ils sont nombreux : agitation inutile sur la scène, longueur excessive, lenteur, « coupe lyrique » mal faite (les airs arrivent à de mauvais moments), musique « faible, peu expressive, nullement chantante et sans harmonie » (beaucoup de reproches !). Échappent seuls aux reproches le décor, à un détail près, et le ballet. L'acteur principal est jugé plaisant dans son imitation de Brunet.
Le Théâtre de Ribié où la pièce a paru sous un autre titre et dans une forme peu différente, c'est le Théâtre d'Émulation.]
Théâtre des Jeunes Artistes, Rue de Bondy.
4 Fructidor.
Pierre Luc, ou le Cultivateur du Mont-Blanc, pièce, en deux actes, mêlée de chants et de danses, avec costumes et décors analogues.
Cette pièce fut représentée, il y a environ deux ans, sur le théâtre de Ribié, sous le titre du Fermier Hospitalier. Elle eut alors un médiocre succès. Les auteurs, grace aux heureux changemens qu'ils ont faits, nous la donnent aujourd'hui comme une nouveauté. D'abord, pour en imposer aux yeux, il fallait qu'ils commençassent par adopter des sites pittoresques : vîte, leur imagination prend le mord aux dents; leur bonne mémoire vient à leur aide ; et spectateurs et acteurs sont (comme à Feydeau dans l'opéra intitulé : le Mont-Bernard,) transportés au milieu des glaciers des Alpes. Ensuite, pour charmer l'oreille , il fallait qu'ils substituassent aux petits vaudevilles que l'indulgence avait fait applaudir dans le tems, de grands airs, de grands chœurs, enfin de ces grands morceaux d'ensemble, qui, souvent, iraient beaucoup mieux tout seuls, et qui font assez ordinairement bâiller leur auditoire, quand la musique est au-dessous des paroles : ce fut aussi l'intention des auteurs, et ils ne l'ont que trop bien remplie.
Voilà bien nos yeux fascinés par le charme séduisant des décors ! Nos oreilles sont remplies de sons mélodieux !... Mais était-ce là le seul but auquel les auteurs durent viser. Il leur fallait, avant tout, apprendre l'art de parler au cœur, de l'intéresser vivement, et le succès de leur pièce eut été complet. Loin d'avoir agi de cette manière, la pièce nouvelle contient les mêmes défauts que l'ancienne. Malgré le grand mouvement qui y règne et dont la cause se trouve dans les allées et venues inutiles des personnages, cet opéra est long et se traîne avec lenteur. La coupe lyrique est mal faite et nuit essentiellement à l'action. Dans le moment le plus attachant, une arriette vient suspendre tout d'un coup l'intérêt, et finit par le rallentir insensiblement. La musique, en général, est faible, peu expressive, nullement chantante et sans harmonie. Quelques ritournelles, cependant, ont été entendues avec plaisir.
L'administration de ce théâtre n'a rien négligé, cette fois, pour monter dignement cet opéra. La décoration du second acte est fort agréable. On a paru seulement desirer que la maison, située à la gauche de l'acteur, répondit à la ferme du fonds, qui est neuve.
Véniard est plaisant dans le rôle du Niais, il a beaucoup imité le jeu de Brunet.
Les auteurs ont été néanmoins demandés et ont parus. Ce sont les cit. Hapdé et Corsange, pour le poëme, et Froment pour la musique.
Le ballet, du cit. Blondin, mérite d'être vu.
Le coup de fouet, troisième édition, augmentée, an XI-1803, p. 35
[Dans un compte rendu très critique des productions du Théâtre des Jeunes Artistes :
Et Pierre-Luc, Cultivateur du Mont-Blanc, quelle vénération ! quelle candeur ! et surtout quel style élégant et subtil !
(à lire comme ironique...)
Dans la basse César, l'auteur est Hapdé. Titre complet : Pierre-Luc, ou le Cultivateur du Mont-Blanc. La pièce a été jouée 24 fois au Théâtre des Jeunes Artistes (sauf deux représentations au Théâtre du Marais), du 21 août 1799 au 3 novembre 1799.
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