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Poisson chez Colbert

Poisson chez Colbert, comédie en un acte et en prose mêlée de vaudevilles, de Moreau et Lafortelle, 18 juin 1808.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Poisson chez Colbert

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

18 juin 1808

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Moreau et Lafortelle

Almanach des Muses 1809.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1808 :

Poisson chez Colbert, comédie en un acte et en prose ; mêlée de vaudevilles ; Par MM. Moreau et Lafortelle. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Vaudeville, le 18 Juin 1808.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VIII, août 1808, p. 278-284 :

[Encore un vaudeville « historique », mettant en scène le grand Colbert et le moins connu Poisson, qu’on ne présente pas en 1808, sans doute parce que tout le monde le connaît. Dans l’effort « de mettre l'histoire de France en vaudeville », le critique présente une pièce qui ne lui semble guère respectueuse de la chronologie. Il ridiculise les couplets qui lui rappellent le jeu des questions-réponses des manuels d’histoire (et pas seulement d’histoire) du temps. Et il énumère ironiquement, comme de grands progrès du savoir une belle série d’erreurs historiques. Il cite également quelques « belles et grandes maximes » qu’il s’empresse de ridiculiser (Louis XIV et son carquois lui plaît beaucoup). Plus généralement, c’est l’absurdité de l’intrigue qui est mise en lumière : la réunion dans une cuisine de tous ces grands personnages, la présence plutôt mystérieuse de « cavaliers de la maréchaussée » cachés dans un réduit, sans doute pour espionner dans on ne sait quel but, un dénouement incompréhensible et arbitraire. La pièce a pourtant été applaudie, mais le critique pense que c’est lié à son incroyable richesse en calembours (le public a plus de goût pour les calembours que les critiques), et les auteurs ont été nommés (sans doute à tort pour le critique, qui n’aime vraiment pas la pièce).]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Poisson chez Colbert.

On avait parlé de mettre l'histoire de France en vaudeville ; il paraît que ce projet a plu aux auteurs du genre. Ils y travaillent tout doucement, et bientôt nous aurons un cours complet ; le siècle de Louis XIV sur-tout avance beaucoup, nous en sommes à la partie des finances ; c'est Colbert que l'on nous donne, ainsi nous posséderons incessamment une jolie petite galerie de grands-hommes, dans laquelle il sera très-agréable d'aller se rafraîchir la mémoire sur les faits historiques que l'on pourrait avoir oublié et qu'on retrouvera-là sur un air connu, ce qui sera infiniment propre à le graver dans le souvenir ; je suis étonné que les professeurs de mnémonique n'y aient pas pensé. Ainsi, pour se rappeller l'époque de la fondation de l'Observatoire, on le dira à peu de chose près :

Qu'est ce qui fit l'observatoire
Où plus d'un savant se perd,
Au ciel lisant comme au grimoire ;
          C'est Colbert ?

Six ou sept couplets comme cela, par demande et par réponse, suppléeront très-bien à l'histoire de M. le Ragois, qu'on nous a fait tristement apprendre, car de notre temps on n'avait pas la ressource du vaudeville. D'ailleurs, M. le Ragois n'apprend pas tout ce qu'on entend au Vaudeville, comme les bons -mots du temps sur Mme. Deshoulières, qu'on renvoie à ses moutons, les vers de Poisson à Colbert pour obtenir une place pour son fils, et une infinité d'autres petites choses toutes aussi neuves, retournées en couplets, arrangées en calembourgs. Si quelques spectateurs étaient tentés de dire, comme le dit Mme. Bertrand, l'un des personnages de la pièce, à sa nièce Mlle. Pauline, qui s'avise de lui chanter quelque chose sur les talens de Colbert en finance : Nous savons tout cela aussi bien que vous : ils auraient le plus grand tort, car il se trouve dans ce vaudeville, beaucoup de choses qu'ils ne savaient pas : par exemple, nous ne savions pas que Poisson se rendit à Sceaux chez Colbert, qui est mort en 1685, en sortant de jouer le Crispin du Légataire universel , qui n'a été représenté qu'en 1708. Que le carrousel de 1662 dont on nous parle beaucoup dans la pièce ; ait été donné après la mort de Molière, qui avait fait alors, dit-on, Regnard légataire universel de son esprit, quoique Molière ne soit mort qu'en 1673 ; nous ne savions pas qu'on appella Colbert monseigneur le surintendant, quoique la charge de surintendant ait été supprimée lors de la disgrace de Fouquet, et que Colbert n'ait jamais été que contrôleur-général. Ce sont-là les découvertes dues aux savantes et laborieuses recherches de messieurs du Vaudeville, et

Voilà précisément comme ils chantent l'histoire.

Ne pourraient-ils pas chanter autre chose ? Il est vrai que s'ils se permettent quelques petits anachronismes, ils en dédommagent par une vérité précieuse dans les peintures des mœurs, ce qui fera toujours que l'histoire sera bien plus dignement et plus utilement représentée au Vaudeville que dans la tragédie. Car si dans la tragédie on nous montre des ministres, on les met en scène avec des rois, qu'est-ce que cela nous apprend ? Nous savons très-bien que les rois et les ministres causent ensemble d'affaires, mais on est bien aise d'apprendre que Colbert venait dans la cuisine de son garde-chasse causer de finances avec Poisson, lui parler aussi des soucis attachés aux grandes places, de l'effet de la calomnie dans les cours et de l'incertitude de la faveur. C'est aussi dans cette cuisine qu'on fait les répétitions de la fête que Colbert vient donner, à Sceaux, à Mme. de la Vallière, qui, par parenthèse, doit être, dit-il, grandement honorée, parce qu'elle a su plaire à son maître, ce qui fait

Qu'elle est la première des femmes
Puisqu'il est le premier des rois.

Le parterre, qui avait applaudi déjà dans ce vaudeville plusieurs belles et grandes maximes tant en prose qu'en vers, a un peu hésité sur celle-ci ; il a voulu se donner le temps d'y réfléchir, en sorte que ce principe de morale n'a pas encore reçu la sanction du Vaudeville ; il faut attendre. Il y a aussi dans le divertissement qu'on prépare à Mme. de la Vallière un couplet qui doit la divertir beaucoup, si, comme il y a lieu de le croire d'après ce carrousel dont on parle toujours, la fête se, donne en 1662, temps auquel la passion de Louis XIV pour Mme. de la Vallière était encore ignorée. On doit lui dire en plein théâtre que Louis XIV

Rend les armes à la Vallière,

et ne les rend jamais à ses ennemis. On y parle aussi continuellement de la gloire et des victoires de Louis XIV qui n'avait pas encore fait la guerre. On dit que

Un dieu lui prête son tonnerre,
Un dieu lui prête son carquois,

On voit d'ici Louis XIV avec le carquois de l'amour. C'est pour chanter toutes ces belles choses qui se sont rassemblés à Sceaux Poisson, Mme. Deshoulières, Hainault, qui avait fait un sonnet contre Colbert, et qu'on amène là pour donner à Colbert l'occasion de lui pardonner ; car on ferait plutôt un dîner sans pain, qu'un vaudeville historique sans un acte de générosité. Pendant que tous ces personnages font leur répétition :dans la cuisine, c'est-à-dire, qu'ils récitent une espèce de scène composée de différens personnages des pièces de Poisson, et à laquelle celui-ci mêle de temps en temps des vers de Regnard, des cavaliers de la maréchaussée, chargés sans doute par le roi d'épier ce qui se passe chez Colbert, se cachent dans un petit réduit qui m'a paru devoir être le garde-manger, de-là ils écoutent et font le procès verbal de ce qu'ils entendent. Apparemment qu'ils entendent quelque chose, et cela est fort heureux ; car je ne crois pas qu'aucun des spectateurs ait voulu se charger de faire le procès-verbal de cette scène et des suivantes. Les deux cavaliers, après avoir dressé leur rapport, se sauvent ; et je ne dirai pas si c'est d'après ce rapport ou d'après un ordre antérieur que toutes les avenues du château sont investies, et que la maréchaussée revient signifier un ordre Colbert. Cet ordre, je ne dirai pas ce que c'est, parce que je n'en sais rien, on nous apprend seulement qu'il est très-sévère ; mais on nous apprend aussi qu'au même instant Colbert vient de recevoir un papier dont je ne vous dirai pas le contenu, et au moyen duquel il renvoie la maréchaussée. Tout ce que nous savons, c'est que cet ordre sévère était provoqué par les malveillans qui reprochaient à Colbert d'avoir fait donner au roi un carrousel, apparemment malgré lui, au milieu des malheurs de la France. Je ne sais pas bien quels étaient les malheurs de la France en 1662 ; l'année où Louis XIV commença à régner par lui-même. Mais n'importe, ce carrousel donnée par une grande vue de finance, dont Colbert avait rendu compte à Poisson, a rapporté au roi trois millions de plus qu'il n'a coûté , c'est ce que Mme. de la Vallière a fait comprendre à Louis XIV, et c'est elle qui envoie à Colbert ce papier qui le sauve, ainsi on nous épargne même la peine de savoir quel danger il a couru. Je croirais, d’après les couplets de la fin, que c'est celui de perdre son emploi. Vous verrez qu'on avait envoyé la maréchaussée lui redemander le porte-feuille. A la bonne heure. Les spectateurs n'en ont pas moins applaudi depuis le commencement jusqu'à la fin, avec une vigueur extraordinaire. Il est vrai que je n'ai guères vu de vaudeville enrichi d'autant de calembourgs. Encore vit-on.

Les auteurs demandés et nommés sont MM. Moreau et la Fortelle.                           P.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1808, tome IV, p. 158-159 :

[L’auteur de cet article a la gentillesse de nous dire un peu qui est ce Poisson associé à Colbert dans le titre, et nous cite une anecdote apparemment hors sujet (mais le Petit Almanach sans prétention cité ci-dessous semble montrer le contraire) avant de parler de la pièce. Il la rend presque compréhensible en expliquant la présence de « gens, chargés d'arrêter Colbert ». Le dénouement, à coup de travestissement et de papier qui éclaire tout (c’est un moyen commode de se sortir de n’importe quelle situation) permet que « tout se termine fort gaiement ». Un acteur complimenté, deux auteurs cités.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Poisson chez Colbert, joué le 18 juin.

Poisson fut protégé par Colbert qui daigna même être le parrain de son fils. On dit qu'un jour étant allé chez le ministre pour le prier d'accorder à son filleul un emploi, il fit devant la compagnie cet impromptu :

Ce grand Ministre de la paix,
Colbert, que la France révère,
Dont le nom ne mourra jamais,
Eh bien tenez, c'est mon compère.
Fier d'un honneur si peu commun,
On est surpris si je m'étonne
Que de deux mille emplois qu'il donne,
Mon fils n'en puisse obtenir un.

Ces vers, assez mauvais, ayant plu par l'à-propos, valurent à son fils un emploi de contrôleur général des aides.

Les auteurs de la pièce nouvelle ont mis Poisson chez Colbert, occupé des préparatifs d'une fête dans laquelle madame Deshoulières et le poète Hainaut ont pris des rôles.

Des gens, chargés d'arrêter Colbert, prennent la répétition de la comédie pour une conspiration, et inscrivent les noms des complices. Ils prennent, malgré son habit de Crispin, Poisson pour Colbert, et vont l'entraîner quand le Ministre paroît lui-même avec un Page qui apporte un contre-ordre : Colbert est justifié, et tout se termine fort gaiement.

Verpré a fort bien joué le rôle de Poisson, père, et Crispin.

Les auteurs sont MM. MOREAU et LAFORTELLE.

Petit Almanach sans prétention, dédié aux jolies femmes, an 1809 (à Gand), p. 167-168 :

[Une critique qui n’éclaircit pas les problèmes : le journaliste a vu une pièce en deux actes (y a-t-il eu une version longue, raccourcie ensuite ?) et la fin qu’il propose intègre l’anecdote citée par le Magasin encyclopédique et un mariage (et c’est bien normal : il n’y a guère de vaudevilles sans mariage à la fin, et c’est bien là-dessus que Colbert conclut).]

POISSON CHEZ COLBERT.

Vaudeville en deux actes, par messieurs Moreau et Lafortelle, représenté pour la première fois le 17 juin 1808.

Le comédien Poisson prépare pour une fête que donnait Colbert, une représentation de la Hollande malade, pièce de circonstance. Le poëte Haynault, madame Deshoulièrs, Poisson fils et d'autres personnes de l'endroit devaient y jouer différens rôles, et tous en costume répètent la pièce, quand des espions envoyés par les ennemis de Colbert, témoins de la répétition, prennent tout au sérieux, et arrêtent Poisson qu'ils croient être le surintendant ; Colbert arrive au bruit, il se livre à ses ennemis, quand un nouvel ordre sollicité par madame de la Vallière, révoque le premier. Colbert triomphe, marie Poisson fils à l'actrice qui devait jouer dans la pièce interrompue, et le fait contrôleur des aides.

Esprit et jolis couplets ont assuré le succès de ce vaudeville.

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