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Les Quatre Henri, ou le Jugement du Meûnier de Lieursaint
Les Quatre Henri, ou le Jugement du meûnier de Lieursaint, parodie sans parodie, en un acte mêlé de vaudevilles, de M. Bernard [pseudonyme de Dieulafoy, Gersin et Henri Simon], 2 août 1806.
Théâtre du Vaudeville.
[Le COPAC (qui rassemble les données de catalogues de bibliothèques universitaires britanniques et irlandaises) dit que sous le pseudonyme BERNARD se cachent Joseph Marie Armand Michel Dieulafoy, N. Gersin et Henri Simon (https://discover.libraryhub.jisc.ac.uk/search?q=Les%20quatre%20Henri%2C%20ou%20le%20Jugement%20du%20me%C3%BBnier&rn=1).]
[Le titre de la pièce connaît des variations, dans l'orthographe du nom de lieu (Lieusaint, Lieursaint, Lieursain) et dans le sous-titre (qui peut devenir la Parodie sans parodie).]
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Titre :
Quatre Henri (les), ou le Jugement du Meûnier de Lieursaint
Genre
parodie sans parodie, mêlée de vaudevilles
Nombre d'actes :
1
Vers / prose
en prose, avec des couplets en vers
Musique :
vaudevilles
Date de création :
2 août 1806
Théâtre :
Théâtre du Vaudeville
Auteur(s) des paroles :
M. Bernard [Dieulafoy, Gersin, Henri Simon)
Almanach des Muses 1807.
Sur la page de titre de la brochure, chez Madame Masson, 1806 :
Les quatre Henri, ou le Jugement du Meunier de Lieursain, parodie sans parodie, en un acte mêlé de vaudevilles, par M. Bernard, Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre du Vaudeville, le 2 août 1806.
Courrier des spectacles, n° 3465 du 3 août 1806, p. 2-3 :
[Avant d’en venir à l’analyse de la pièce, le critique donne son avis sur la pièce (négatif) et se moque de son auteur présumé (un certain Bernard, de Versailles) confondu avec le personnage principal : personne ne peut croire une telle histoire. L’intrigue est construite autour d’une envie de mariage chez une jeune fille, mariage qui ne peut se faire que le jour de la saint Henri, et qui suppose que le directeur de l’auberge où doit avoir lieu la noce quitte les lieux après avoir choisi l’acteur qui jouera le rôle d’Henri IV (le personnage à la mode) dans son prochain spectacle. C’est l’occasion de faire défiler les acteurs dans les divers genres, et ainsi de se moquer des productions plus ou moins récentes mettant en scène Henri IV. Le choix est effectué par un meunier dont un ancêtre est censé avoir rencontré le monarque. Il élimine tous les candidats qui parodient un acteur célèbre ou jouent un fragment d’une pièce plus ancienne, et son choix se porte finalement sur quelqu’un qui a une ressemblance physique avec le portrait traditionnel du roi. Perfidement, le critique signale que l’auteur a oublié de se moquer de « M. Henri du Vaudeville ». Il ne reste plus qu’à marier la jeune fille avec son amant, et c’est vite expédié. Le jugement porté ensuite est sévère : la pièce se réduit à des « détails jetés çà et là, sans art, sans suite, sans liaison », avec des couplets dont le critique donne une idée peu reluisante (des allusions sans finesse, ou bien surprenantes). Conclusion : comment peut-on applaudir « cet amas d’inepties » ? Pour faire bonne mesure, le critique reproduit un billet (à l’authenticité plus que douteuse) d’un Bernard de Versailles qui s’insurge contre l’idée qu’on lui attribue cette « mauvaise farce ».
Théâtre du Vaudeville.
Les Quatre Henri, ou la Parodie sans parodie.
Les auteurs de parodies sont comme les journalistes , ils doivent tribut au malin. L’auteur de la pièce nouvelle n’a point acquitte sa dette ; il a trouve plus simple de faire de l’esprit sans esprit. Son ouvrage est une des plus niaises productions dont le Théâtre du Vaudeville ait chargé son répertoire ; on l'attribue à Monsieur Bernard de Versailles ; il faut plaindre ce pauvre provincial d’avoir quitté ses dieux lares pour venir se faire berner à Paris. Qui croirait que ce bon M. Bernard s’est mis en tête de juger les premiers théâtres, les premiers auteurs et les premiers acteurs de Paris ; qu’il a pris pour adjoint un meûnier, et qu’il a établi son tribunal dans un moulin ? c’est avoir peu de prévoyance ou beaucoup de bonne-foi. Voici de quelle manière son génie l’a inspiré :
Une petite fille d’auberge des environs de Lieursaint est sur le point de se marier avec un petit paysan de Lieursaint, nommé Lucas ; mais on est dans l’usage, à Lieursaint, de ne marier les filles que le jour de Saint Henri ; et c’est le lendemain qu’on célèbre la fête de ce grand Saint.
La petite qui grille d’être mariée, veut que sa mère ferme l’auberge plutôt que de manquer le rendez-vous. Malheureusement les voyageurs se succèdent si rapidement, qu’elle est obligée de renoncer à son projet.
Parmi ces hôtes incommodes se trouve un Directeur de théâtre ; et c’est ici que commence la parodie sans parodie. On écrit au Directeur que les Henri sont très à la mode ; on lui propose d’en faire représenter un sur le théâtre de Fontainebleau, et son correspondant lui adresse des sujets propres à remplir ses vues. L’un se présente pour la tragédie, l’autre pour l’opéra-comique, etc. Le Directeur les essaye, et l’on établit une répétition ; mais il faut un conseil et un juge ; Michaud de Lieursaint arrive tout à propos pour cela. Ses titres sont incontestables, car il assure qu’il est fils du petit-fils du Michaud qui eut l’honneur de recevoir Henri IV, et qu’il conserve encore avec soin le couteau, la fourchette, la serviette et l’assiette de ce grand Roi ; il ne parle pas des plats ; c’est un objet que l’auteur s’est réservé. Après cette légitimation, les acteurs paroissent ; le premier est le Henri IV de la tragédie ; il est vêtu du même costume que TaIma ; il contrefait le ton de cet acteur, et récite quelques scènes. Le Meûnier se lève, et déclare que ce n’est pas là le véritable Henri IV. Celui de Gabrielle d’Etrées se présente, et copie Elleviou ; le Meûnier le renvoie encore ; un troisième s’avance en répétant quelques vers de la Bataille d'ivri, ancienne pièce de MM. Dezede et Durosoi ; Michaud chasse encore ce troisième Henri. Enfin on en montre un quatrième à la face large, aux épaules épaisses, à la mâchoire un peu lourde, et Michaud en extase s’écrie : Voilà mon Henri ! On pouvoit en produire un cinquième, c’étoit M Henri du Vaudeville ; mais on l’a oublié.
Maintenant il faut revenir au mariage de la petite fille d’auberge ; car une pièce sans mariage ne seroit pas complette. Lucas et sa prétendue se présentent devant le vrai Henri IV, qui leur donne royalement cent écus pour célébrer leurs nôces.
Voilà la parodie sans parodie. Tous ces détails jetés çà et là, sans art, sans suite, sans liaison, sont assaisonnés de couplets où l’on dit que le couteau de Henri IV ne coupe pas l’amitié, où l’on traite M. Mehul de compositeur ennuyeux ; où l’on prétend que la tragédie de Henri IV n’est applaudie que par les amis de l’auteur (ce qui prouve qu’il a beaucoup d’amis ; où l’on assure enfin que les gens en place sont des insolens, et 1es Académiciens des imbecilles (ce qui est fort respectueux pour les premiers personnages de l’état.)
Qui croiroit que cet amas d’inepties a trouvé des gens pour les applaudir ? M. Bernard de Versailles a justifié ce vers de Boileau :
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.
Nota. Comme nous terminions cet article, nous avons reçu le billet suivant :
Monsieur,
Je me nomme Bernard ; j’ai demeuré long-tems à Versailles. On vient de jouer au Vaudeville une mauvaise farce intitulée : les Quatre Henri, ou la Parodie sans parodie. Après la représentation, un acteur est venu annoncer que cette pièce étoit de M. Bernard de Versailles. Je sais, Monsieur, qu’il peut exister à Versailles plusieurs Bernard, comme il existe ailleurs plusieurs Martin. Quant à Moi, Monsieur, je ne fais point de vers, et encore moins de parodie. Je suis peu important dans l’état ; toute ma fortune consiste en quelque réputation de bon-sens et d’honnêteté ; je serois fâché de la perdre en passant pour l’auteur des Quatre Henri. Je vous prie donc de con signer ma réclamation dès aujourd’hui, s’il est possible.
A. J. Bernard
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1806, tome IV, p. 451-453 :
[En attendant le raz-de-marée de 1814, Henri IV est déjà présent au théâtre sous l’Empire, et le succès d’une pièce peut en inspirer une autre. Mais il s’agit d’un vaudeville, et il faut bien faire avec les exigences du genre. Il s’agit donc d’une intrigue originale (on est dans un théâtre, on cherche à jouer Henri IV sur la scène, et dans la pièce, pas de vrai Henri IV dans la pièce, mais quatre, trois qu’on élimine, et enfin celui qui jouera le rôle). Le critique parle de « cadre à méchancetés », mais il est « bien rempli, et surtout avec esprit ». Les auteurs se sont cachés sous un pseudonyme.]
Les quatre Henri, ou le Jugement du Meûnier, parodie sans parodie.
Le succès de la Mort de Henri IV et de Gabriel d'Estrées, a réveillé le Vaudeville endormi. Une critique un peu mordante, des détails gais, et surtout la circonstance, ont fait réussir les quatre Henri.
Un directeur de spectacle a besoin d'une pièce pour relever son théâtre ; la vogue des Henri IV l'engage à prier son correspondant de lui envoyer une pièce et un acteur. Le correspondant lui en envoie trois. Dans son embarras, il a recours au meûnier de Lieursaint, descendant du bon Michaud, pour juger ses trois rois. L'un est trop fanfaron, c'est celui de la bataille d'Ivry ; le second est trop ampoulé, c'est le Henri tragique ; le troisième est un faiseur de roulades, tout cela ne plaît pas au meûnier ; le directeur prend alors lui-même l'habit de Henri dans la Partie de chasse : à son ventre-saint-gris, le meûnier s'écrie : Voilà mon Henri !
On voit que cette pièce est un cadre à méchancetés ; il est bien rempli, et surtout avec esprit, la seule chose qui puisse faire pardonner la satyre. Les auteurs se sont cachés sous le nom de M. BERNARD.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, septembre 1806, p. 286-289 :
[Le critique croit devoir défendre une pièce qu’il estime attaquée trop vigoureusement pour que ce soit à juste titre. Il souligne au contraire que la seule idée de la pièce, « parodie sans parodie », « dénote beaucoup d'esprit et de gaieté », ce que son analyse tente de montrer. Il décrit une pièce consistant à se moquer de quatre pièces sur Henri IV, à la recherche du véritable Henri, qu’on finit par trouver, après avoir refusé trois premiers. Cet « excellent cadre de satire » n’est pas sans défaut (scènes mieux liées, couplets mieux écrits), mais ces défauts ont déjà été en partie corrigés, et la pièce est riche en « critiques fortes et ingénieuses » et en « traits satiriques bien aiguisés ». La reprise d’un couplet permet de suggérer que l’insuccès de la pièce à la première était un coup monté, une cabale. Le critique insiste ensuite sur le fait que les critiques et les épigrammes n’enlèvent rien à la réputation justifiée des personnes moquées. Le compte rendu s’achève sur une excellente nouvelle : la pièce a eu un grand succès à la troisième représentation (ce qui confirme le soupçon d’une cabale).]
THEATRE DU VAUDEVILLE.
Les quatre Henri.
On a dit trop de mal de la nouvelle pièce du Vaudeville, les quatre Henri, et l'on s'est attaché avec trop de soin à en relever jusqu'aux moindres défauts, pour qu'elle soit véritablement un mauvais ouvrage ; autrement il faudrait appliquer aux critiques de cette bluette, ce que Pannard disait des héros d'opéra :
J'ai vu Roland dans sa colère
Employer l'effort de son bras,
Pour pouvoir arracher de terre
Des arbres qui n'y tenaient pas.
Quant à moi, je pense que l'idée seule de la Parodie sans parodie (c'est le second titre de la pièce nouvelle) dénote beaucoup d'esprit et de gaieté, et qu'il suffit, pour s'en convaincre, d'en examiner l'analyse.
Un directeur de spectacle, établi dans une auberge de Fontainebleau, met au concours le rôle d'Henri IV. Plusieurs artistes se présentent à lui, et il s'avise de les essayer devant un arrière-petit-fils du meûnier Michaut (personnage de la Partie de Chasse). La tradition des faits et gestes de Henri s'est si parfaitement conservée dans la famille des Michaut, qu'ils seraient tous certains de le reconnaître, en quelque lieu que ce fût, s'il pouvait revenir de l'autre monde.
Le premier concurrent s'avance, vêtu de noir, comme Talma , dans la Mort d'Henri IV, et débite d'un ton lugubre quelques vers de cette tragédie. Michaut, bien loin de reconnaître en lui le Béarnais, dit ne pas comprendre un mot de son baragouin, et ne veut pas même distinguer le souhait de la poule au pot, dans les vers où M. Legouvé l'a si adroitement exprimé.
Henri lV n'avait, selon Michaut, ni cet air sombre, ni cette façon de parler. « Voulez-vous qu'il soit gai le jour de sa mort, s'écrie l'acteur justement piqué ? Eh pourquoi nous régalez-vous de ça, reprend plus vivement encore le meûnie r; c'était sa vie et non sa mort qu'il fallait nous représenter. »
Un second artiste paraît; il est déguisé en jardinier et porte une hotte sur le dos, comme Henri dans l'opéra de Gabrielle. Les roulades de celui-ci font hausser les épaules à Michaut, qui se hâte de déclarer qu'Henri IV ne chantait pas comme ça sa chanson favorite : J'aime bien ma mie ô gué ! j'aime bien ma mie ; puis l'acteur répétant son rôle, parle de se cacher pour éviter les ligueurs, et Michaut de dire avec fermeté : « Il veut se cacher, oe n'est pas Henri IV. »
L'acteur qui jouait Henri IV dans l'opéra de la Bataille d'Ivry, vient à son tour, et n'est pas plus heureux que les autres. Il est trop fanfaron pour un héros ; il débite trop de galimathias.
Le Henri de la Partie de Chasse arrive enfin, et à peine a-t-il dit quatre mots de son rôle (entr'autres le célèbre Ventre-saint gris), qu'il est reconnu par le meûnier ; le voilà; c'est le véritable ! s'écrie Michaut avec transport; et tous les autres se retirent confus.
On ne peut nier que ce ne soit là un excellent cadre de satire. Il aurait pu être plus habilement rempli, ou du moins les scènes auraient pu être mieux liées, les couplets écrits avec plus de soin ; mais pour quelques défauts de ce genre, dont la plupart n'existent déjà plus, que de critiques fortes et ingénieuses, que de trait [sic] satiriques bien aiguisés !
« La première représentation n'a pas eu beaucoup de succès, dit le directeur, en parlant de la Mort d'Henri IV. --- La seconde en a eu davantage, répond le tragédien.
On a fait d'heureux changemens.
Dans la pièce ? - Non ; au parterre. »
et ce trait, quoique passablement aigu, n'est pas le plus méchant de la pièce.
Par bonheur toutes ces épigrammes, disons plus, toutes ces calomnies rimées ne prouvent absolument rien contre les hommes de mérite qui, en sont l'objet ; les quatre Henri obtiendront quatre fois plus de succès, que l'on ne continuerait pas moins d'aimer, d'estimer le talent de M. Legouvé ; de considérer Talma comme le plus grand acteur tragique qui aie [sic] paru depuis Lekain, et de voir en Méhul (l'auteur de Stratonice) un des compositeurs modernes qui honorent le plus l'école française.
Au surplus, la troisième représentation des quatre Henri avait attiré une foule immense , et a obtenu un succès fou.
[Certaines des pièces citées sont antérieures à la Révolution. C'est le cas
* La Partie de chasse de Henri IV, comédie en trois actes et en prose, par Collé, 1766,
* Henri IV, ou la Bataille d'Ivri, drame lyrique en trois actes et en prose, par Durosoy, musique de Martini, 1774.
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