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Stratonice

Stratonice, comédie héroïque en un acte, en vers, d'Hoffman, musique de Méhul. 3 mai 1792.

Opéra-comique National, ci-devant Théâtre Italien.

Titre :

Stratonice

Genre

comédie héroïque mêlée d’ariettes

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

vers

Musique :

oui

Date de création :

3 mai 1792

Théâtre :

Opéra-Comique National, ci-devant Théâtre Italien

Auteur(s) des paroles :

F.-B. Hoffman

Compositeur(s) :

Méhul

Almanach des Muses 1796.

Sur la page de titre de la brochure, chez Louis, Marchand de Musique, 1792:

Stratonice, comédie héroïque, en un acte et en vers, mélée d’ariettes ; Représentée pour la premiere fois par les Comédiens Italiens, le 3 Mai 1792. Paroles de M. Hoffmann ; Musique de M. Méhul.

Mercure français, n° 19 du 12 mai 1792, p. 55-58 :

[Article largement repris par l’Esprit des journaux français et étrangers, reproduit ci-dessous. Il ne diffère que sur trois points :

  • l’absence du court paragraphe initial, simple annonce de la première ;

  • la fin de ce qui est dit des paroles, avant de parler de la musique, et qui ne comporte pas de citation dans le Mercure Français :

Cet ouvrage est une nouvelle preuve des talens de M. Hoffman, déja distingué par l'élégance & la pureté de son style. Dans le petit nombre de vers qui composent cette Piece, on en trouve un grand nombre de vers charmans.

  • plus de jugement sur la dernière scène (et donc le dénouement). Plus non plus de réticences sur « ces mouvemens brusques & déchirans », ou « sa physionomie » jugée un peu trop sévère ».]

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 7 (juillet 1792), p. 317-321 :

[Compte rendu élogieux de la pièce d’Hoffman et de Méhul. Pour le parolier, l’éloge porte d’abord sur le fait qu’il ne se plie pas aux phénomènes de mode qui encombrent le théâtre : pas de poignards, de poisons, de cachots... Il a traité « un sujet d'une simplicité antique & trop connu pour admettre des incidens nouveaux ». A son crédit, « l’élégance & la pureté de son style », « une foule de beaux vers, & de vers de sentiment ». Un seul bémol, l’intérêt qu’excite la dernière scène, qui pourrait être plus fort. Sans « tous ces mouvemens brusques & déchirans qui plaisent tant » l’ouvrage est « un des meilleurs qu’on puisse faire en ce genre ». Même enthousiasme envers la musique de Méhul : bien que limitée (« six morceaux »), elle a toutes les qualités, et un des airs est analysé avec enthousiasme. Cette musique témoigne des qualités remarquables de Méhul : « « unité de dessin […] connexion intime entre les phrases correspondantes […] art de ménager des oppositions sans disparates, de ramener un ou deux motifs principaux sans monotonie & sans longueur ; de déployer dans l'orchestre de la richesse sans confusion, sans étouffer les paroles, & sans sacrifier le chant de la partie vocale ; cet art enfin de moduler à propos, facilement & sans recherche » : comme Hoffman, on souligne que Méhul n’est pas soumis à la mode du temps. Juste un mot sur l’interprétation, jugée excellente elle aussi.

Le 3 mai, on a donné la premiere représentation de Stratonice, comédie héroïque en un acte & en vers, paroles de M. Hoffman, musique de M. Méhul.

Sans le secours des poignards, des poisons, des cachots & de tout cet échafaudage à la mode ; sans tableaux & sans grands mouvemens, avec un sujet d'une simplicité antique & trop connu pour admettre des incidens nouveaux, M. Hoffman a eu l'art d'obtenir un succès très-brillant dans Stratonice.

Le jeune Antiochus est malade sans qu'on puisse en deviner & qu'il en veuille avouer la cause. Son pere qui le chérit appelle à sa cour le fameux médecin Erasistrate. Celui-ci, à qui l'habitude d'observer la nature, a donné beaucoup de pénétration, juge que le malade est atteint d'une passion violente & combattue ; mais il s'agit d'en connoître l'objet, que le prince s'obstine à cacher. Son pouls le trahit en redoublant d'agitation à l'arrivée de Stratonice, jeune princesse, dont le pere d'Antiochus est amoureux, & qu'il est sur le point d'épouser. Ce mariage, retardé par la maladie du prince, est la seule cause de cette maladie. Erasistrate ne s'y trompe pas. Il voit bien qu'Antiochus aime Stratonice ; il veut savoir s'il en est également aimé. Il les laisse ensemble, & emploie, pour déterminer la princesse, à ce tête-à-tête, des motifs aussi adroits que délicatement exprimés. La scene des deux amans n'est pas moins délicate. Il falloit qu'Antiochus fit voir tout son amour, sans l'avouer ouvertement ; il falloit même que la princesse ne lui en permît pas un aveu, dont elle seroit flattée dans toute autre circonstance, il falloit aussi qu'elle laissât devier [sic] son penchant, mais d'une maniere encore plus détournée que le prince. C'est ce que l'auteur a fait avec une adresse & une grace, avec un charme de style dont ce théatre n'offre pas d'exemples très-fréquens. Erasistrate, sûr de son fait, n'a plus qu'à faire connoître au roi la cause d'un mal auquel il peut seul appliquer le remede. C'est là le difficile: pour y parvenir, Erasistrate suppose que sa propre femme est l'objet de la passion du prince. Le roi, pour l'engager à la céder, lui offre tons ses trésors. « Et si c'étoit Stratonice qu'il aimât, dit le médecin, la lui céderiez-vous ? » Le roi qui n'est pas dupe de ce détour, ordonne qu’on lui amene sur le champ le prince & la princesse. Il veut que cette derniere le suive à l'autel, mais qu'elle jure auparavant qu'elle n'a jamais aimé d'autres que lui. Stratonice jure que dès que l'hymen l'aura liée à son sort, aucun autre amour n'aura jamais de pouvoir sur son ame. Cette légere épreuve suffit à ce tendre pere, qui sacrifie son amour au salut de son fils, & unit les deux amans.

Cet ouvrage est une nouvelle preuve des talens de M. Hoffman, déja distingué par l'élégance & la pureté de son style. On y distingue une foule de beaux vers, & de vers de sentiment, tels que ceux-ci :

La pitié d'une femme, & plus douce 8c plus tendre,
Au cœur des malheureux sait mieux se faire entendre.

Peut-être la derniere scene d’Erasistrate avec Séleucus n'excite-t-elle pas assez tout l'intérêt qu'elle semble préparer : mais c'est une légere nuance, qui ne peut nuire au charme de ce tableau. En un mot, cet ouvrage est un des meilleurs que l'on puisse faire en ce genre, quoiqu'il ne présente pas tous ces mouvemens brusques & déchirans qui plaisent tant, & que sa physionomie soit plus antique, plus sévere que neuve & pittoresque.

Le compositeur est M. Méhul, auquel son premier ouvrage, Euphrosine, a déja procuré la plus brillante réputation. Celui-ci ne peut que l'assurer davantage. Tous ses morceaux sont parfaitement sentis, & la maniere de ce jeune auteur, perfectionnée de jour en jour, est déja digne, à beaucoup d'égards, de servir de modele. II n'y a que six morceaux dans cette piece, & il y en a deux qui sont des chefs-d'œuvres ; l'un est un air d'un chant délicieux, soutenu d'un accompagnement aussi brillant que simple, & qui rappelle parfaitement la maniere de Sacchini, quoiqu'on n'y puisse pas reprocher la moindre trace d'imitation ; l'autre est un quatuor concerté, plus remarquable encore à cause de son étendue & de son importance. Nous ne craignons pas de le mettre au-dessus du superbe duo d'Euphrosine, & nous croyons qu'il est impossible d'en faire un plus bel éloge. Il est rempli d idées extrêmement heureuses, & ce sont peut-être ces détails qui ont le plus contribué à son succès, quoique ce n'en soit pas assurément le plus grand mérite. Un homme médiocre peut rencontrer aussi des idées heureuses ; mais ce qui n'est pas également à sa portée, c'est cette parfaite unité de destin, cette connexion intime entre les phrases correspondantes, cet art de ménager des oppositions sans disparates, de ramener un ou deux motifs principaux sans monotonie & sans longueur ; de déployer dans l'orchestre de la richesse sans confusion, sans étouffer les paroles, & sans sacrifier le chant de la partie vocale ; cet art enfin de moduler à propos, facilement & sans recherche, mérite assez rare aujourd'hui parmi nos jeunes compositeurs, qui semblent ne pas se soucier de plaire pourvu qu'ils étonnent, & qui s'embarrassent peu d'être baroques, pourvu qu'on les croie savans. M. Méhul lui-même n'est pas toujours exempt de ce reproche, mais on voit qu'il s'en corrige. Cet ouvrage, aussi soigné que ses premiers, a beaucoup moins de ces combinaisons laborieuses, & plus de cet aimable abandon qui délasse l'auditeur.

Les justes éloges que nous croyons devoir à M. Méhul, nous empêchent de nous étendre sur le mérite des acteurs. Nous nous bornerons à dire que la piece est parfaitement jouée par Mde. Dugazon, MM. Michu, Philippe & Sollier. L'exécution de l'orchestre n'est pas moins soignée ; on voit que les musiciens y mettent de la prédilection & de l'amour.

Mercure français historique, politique et littéraire, n° 11 du vendredi 11 janvier 1793, p. 88 :

Stratonice, comédie héroïque, en un acte et en vers, représentée pour la premiere fois, sur le théâtre de la comédie Italienne, le 3 mai 1792 ; par M. Hoffman. Se trouve chez l’auteur, rue Richelieu, hôtel de Menars, vis-à-vis de la rue de Menars.

Annales dramatiques, ou dictionnaire général des théâtres, tome huitième (1811), p. 402-403 :

STRATONICE, comédie héroïque en un acte, en vers, mêlée d'ariettes, par M. Hoffmann, musique de M. Méhul, aux Italiens, 1792.

Le jeune Antiochus est malade sans qu'on puisse en deviner et qu'il en veuille avouer la cause. Son père, qui le chérit, appelle à sa cour le fameux médecin Erasistrate. Celui-ci, à qui l'habitude d'observer la nature a donné beaucoup de pénétration, juge que le malade est atteint d'une passion violente et combattue ; mais il s'agit d'en connaître l'objet, que le prince s'obstine à cacher. Son pouls le trahit en redoublant d'agitation à l'arrivée de Stratonice, jeune princesse dont le père d'Antiochus est amoureux, et qu'il est sur le point d'épouser. Ce mariage, retardé par la maladie du prince, est la seule cause de cette maladie. Erasistrate ne s'y trompe pas : il voit qu'Antiochus aime Stratonice, et veut savoir s'il en est également aimé. Il les laisse ensemble, et emploie, pour déterminer la princesse à ce tête-à-tête, des motifs aussi adroits que délicatement exprimés. La scène des deux amans n'est pas moins délicate. Il fallait qu'Antiochus fît voir tout son amour, sans l'avouer ouvertement ; il fallait même que la princesse ne lui en permît pas un aveu, dont elle serait flattée dans toute autre circonstance ; il fallait aussi qu'elle laissât dévier son penchant, d'une manière encore plus détournée que le prince. C'est ce que l'auteur a fait avec une adresse, une grace et un charme de style dont ce théâtre offre peu-d'exemples. Erasistrate, sûr de son fait, n'a plus qu'à faire connaître au roi la cause du mal auquel il peut seul appliquer le remède : c'est là le difficile. Pour y parvenir, Erasistrate suppose que sa propre femme est l'objet de la passion du prince. Le roi, pour l'engager à la céder, lui offre tous ses trésors. « Et si c'était Stratonice qu'il aimât, dit le médecin, la lui céderiez-vous ? » Le roi, qui n'est pas dupe de ce détour, ordonne qu'on lui amène sur-le-champ le prince et la princesse. Il veut que cette dernière le suive à l'autel, mais qu'elle jure auparavant qu'elle n'a jamais aimé d'autres que lui. Stratonice jure que, dès que l'hymen l'aura liée à son sort, aucun autre amour n'aura de pouvoir sur son ame. Cette légère épreuve suffit à ce tendre père, qui sacrifie son amour au salut de son fils, et unit les deux amans.

Cet ouvrage est très-agréable, par l'élégance et la pureté de son style. La musique est digne des plus grands éloges.

Œuvres de F.-B. Hoffman, Tome I (à Paris, 1829), p. 137-138:

[L’éditeur a fait précéder le texte de la pièce d'un avertissement qui explique la transformation de la « comédie héroïque » qu’elle était en « opéra », qui exigeait que toute la pièce soit chantée. D’où l’introduction d’un récitatif chanté, œuvre d’un neveu de Méhul (la pièce restait dans la famille...).]

Avertissement.

L'Auteur a intitulé sa pièce Comédie héroïque ; la manière dont il a envisagé son sujet ne lui permettait pas de donner à cet ouvrage une autre qualification. Toutefois, le manque de gaieté y est racheté par un intérêt doux et par un style dont on a jugé convenable de s'éloigner entièrement. Les usurpations successives de la musique sur le dialogue devaient nécessairement amener cette décadence. Quoi qu'il en soit, Stratonice est une preuve incontestable que les bons vers ne nuisent pas à la bonne musique, et que souvent ceux qui se dispensent de toute élégance, de toute pureté dans le style, en agissent moins ainsi par système que par impuissance.

Loin de s'énorgueillir de ses succès, Méhul devenait plus timide à chaque nouvel ouvrage. Croirait-on qu'il ne livra qu'avec défiance sa partition de Stratonice ? Le morceau qui l'inquiétait le plus était l'admirable quatuor de la consultation : « Il me semble, disait-il, voir entrer en scène des médecins en robe et en perruque ; je veux absolument refaire mon quatuor. » L'auteur des paroles finit par triompher de toutes les hésitations de son collaborateur, et ce fut ce même morceau qui décida le succès de la pièce. Cette modestie n'est pas précisément ce que nos jeunes compositeurs cherchent à imiter de Méhul ; et tel d'entre eux se croit un génie musical, pour avoir descendu quelques motifs de Rossini jusqu'au diapason du Vaudeville.

L'administration de l'Académie royale de Musique, voulant enrichir son répertoire de la belle partition de Stratonice, M. Daussoigne, neveu de Méhul, composa, il y a quelques années, un récitatif qu'on trouva digne des autres morceaux de l'ouvrage ; le succès couronna cette entreprise, et la pièce fut représentée en même temps à l'Opéra et à Feydeau.

Nicole Wild, David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 413 :

Livret d'après De Dea Syria attribué à Lucien de Samosate, et Antiochus de Thomas Corneille. – Probablement le premier opéra avec clarinette, mais sans hautbois.

Reprise : 16 septembre 1801. Joué jusqu’en 1827.

D’après la base César, la pièce a été jouée 95 fois au Théâtre Italien (salle Favart) (23 fois en 1792, 7 fois en 1793, 16 fois en 1794, 13 fois en 1795, 14 fois en 1796, 4 fois en 1797, 18 fois en 1798, 3 fois en 1799). Et sa carrière ne s’est arrêtée là.

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