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Le Retour d’Austerlitz
Le Retour d’Austerlitz, intermède, paroles d’Esménard, musique de Steibelt, ballets de Gardel, 4 février 1806.
Académie impériale de Musique.
Le divertissement est signalé sans aucune précision le 4 février dans le Courrier des spectacles.
Il est aussi appelé la Fête de Mars : c’est le titre qu’emploie Castel-Blaze dans son Académie impériale de Musique, tome second (Paris, 1855), p. 103. A ne pas confondre avec le ballet homonyme de Gardel en 1809.
La carrière de ce divertissement à l’Opéra se limite à deux représentations :
2 représentations en 1806 (04/02 – 07/02).
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Titre :
Retour d’Austerlitz (le) / Fête de Mars (la)
Genre
intermède
Nombre d'actes :
1
Vers ou prose ,
en vers
Musique :
oui
Date de création :
4 février 1806
Théâtre :
Académie Impériale de Musique
Auteur(s) des paroles :
Esménard
Compositeur(s) :
Steibelt
Chorégraphe(s) :
Gardel
Courrier des spectacles, n° 3292 du 5 février 1806, p. 2-3 :
[Le « divertissement » a été joué à la suite des Prétendus, la comédie-lyrique en un acte de Rochon de Chabannes, musique de Lemoine, créée en 1789 sur l’Académie Royale de Musique. Inutile de commenter en détail les propos du critique : c’est un flot de propos admiratifs, qui prennent seulement garde de n’oublier personne. Et il y avait beaucoup de monde à cette soirée. Décors, groupes de danseurs, évolutions de troupes, tout a été parfait, et les spectateurs n’ont pas manqué d’applaudir. La question qu’on se gardera de poser, c’est bien sûr celle de la spontanéité de ces mouvements.]
Académie Impériale de Musique.
Les Prétendus, suivis d’un Divertissement.
C’étoit sur le Théâtre où se trouvent réunis tous les genres de talenss et tous les arts qu’on devoit s’attendre à voir célébrer d'une manière brillante les mémorables événemens qui viennent d’honorer les armes françaises.
On peut appeler cette fête la fête des lauriers, on les voyoit partout ; ils décoroient les loges, l’intérieur de la salle, les foyers ; les spectateurs en portoient des branches dans leurs mains. Les princes, les ministres, les ambassadeurs, tout ce que Paris possede de plus distingué par le rang et la fortune occupoient les loges. Le concours étoit immense. Les rues où l’on pouvoit se flatter de voir l’Empereur étoient couvertes d’une foule avide et empressée.
S. M. est arrivée à peu près à huit heures ; elle a pris place dans sa loge avec l’Impératrice. Plus de dix minutes se sont écoulées avant que les acclamations aient cessé. Les spectateurs, par un mouvement spontané, ont incliné leurs branches de laurier en signe de respect et d’enthousiasme pour le vainqueur d'Austerlitz. La toile étant levée, un spectacle brillant s’est decouvert aux regards du public.
La scène représente une magnifique tente disposée pour une fête ; elle est chargée d’inscriptions, d emblèmes et de trophées. Au fond se déploie une vue magnifique ; c’est celle du beau bassin de la Seine, entre le Pont Royal et le Pont Neuf ; les flots de la rivière s’y promènent majestueusement ; ils sont coupés de la manière la plus agréable par le Pont des Arts, dont la forme et tous les détails sont rendus avec une rare fidélité. D’un côté se déploie la magnifique galerie des Tuileries, une partie du Louvre et les quais qui se prolongent jusqu’au-delà du Pont de la Concorde ; de l'autre, les superbes quais des Tbéatins, le Collége des Quatre-Nations et les beaux hôtels qui font de ce lieu un des plus beaux tableaux de l’Europe. Une immense quantité de spectateurs couvrent les bords de la rivière, les rues adjacentes, les balcons des maisons. Ce tableau, vu de près, est d’une exécution digne des plus grands éloges. Tout y est traité avec un soin, un detail et un art admirables. Aucun panorama n’offre rien de plus beau.
La fête est composée de chants de triomphe, de marches et de danses. Le premier hymne commence par ces paroles : O jour de gloire, etc.
Au moment où le chœur achève ses chants, on entend une marche dans le lointain, c’est celle des jeunes Elèves de la Patrie adoptés par le Chef de l’Empire Français ; ils sont précédés d’un Gouverneur, et tiennent en main des lauriers qu’ils viennent offrir aux vainqueurs d’Austerlitz. A leur suite s’avancent différens corps de troupes de toutes armes, qui exécutent d’abord divers évolutions. Dès que leurs mouvemens sont achevés et qu’elles ont pris leurs positions, leurs parens, leurs amis, leurs femmes, leurs enfans viennent se jeter dans leurs bras et leur exprimer l’admiration et la joie qu’ils ressentent.
Le tambour bat ; les grouppes, les familles se retirent ; un acteur (M. Lainez) vêtu en général, chante des strophes héroïques, les soldats portent l’arme et se placent entre les colonnes. Le chœur exécute un morceau qui commence par ces paroles : A son pouvoir, etc. Le style de ce morceau est grand et d’un bel effet.
A peine ce chœur est-il exécuté que l’on voit s’avancer deux jeunes Françaises qui agitent en dansant une couronne de lauriers, une guirlande de fleurs, et forment plusieurs grouppes d’un effet plein de grâce et d’élégance ; elles vont ensuite orner les trophées de fleurs et de lauriers.
Elles sont remplacées par deux Polonaises qui s'avancent eu dansant à la manière de leurs pays. Leurs regards se portent successivement sur les inscriptions, sur les trophées ; leurs gestes expriment l’admiration et le plaisir ; elles continuent leurs danses avec toute l’expression de l’enthousiasme et de la joie.
Comme ce n’est pas seulement à la France qu’appartiennent les grands événemens dont la gloire vient d’étonner toute l’Europe, le compositeur a aussi appelé tous les peuples à la célébration de tant de prodiges. On voit successivement paroître des mamelucks qui exécutent avec des femmes de leurs contrées un pas caractéristique, des sultanes qui semblent frappées d’admiration de ce qu’elles voient ; elles ont à leur tête Mlle. Clotilde. Elles sont suivies de troupes grecques précédées par Henri. On leur indique divers écussons, et entr’autres celui qui porte ces mots : Bataille d’Austerlitz. Ils se livrent alors à des danses pleines de grâce et de volupté. M. Gardel y a déployé toutes les ressources de son génie fécond et varié ; et l’on peut s’en reposer, pour le succès, sur les talens de Mlle. Clotilde et de Henri.
A cette troupe en succède une autre qui ne mérite pas moins d’attention. A sa tête marchent Vestris et Mad. Gardel qui devancent un grouppe de paysans Suisses précédés de Branchu. Ils exécutent des danses analogues à leurs mœurs et à leurs pays. Mlle. Bigottini commande des Béarnais ; Beaulieu des Espagnols ; les trois grouppes se forment ; les danses auxquelles ils se livrent forment un tableau d’une diversité très-piquante. Au son de la vielle arrivent presqu’aussi tôt des habitans de la Savoie conduits par Mlle. Millière ; ils s’associent aux plaisirs des trois grouppes précédans, et forment des pas dont le style ajoute encore à l’effet du tableau précédent. Cette idée très-heureuse, a excité de vifs applaudissemens.
Les Strasbourgeois ont pris tant de part à la gloire de nos succès, aux triomphes de nos armées, ils ont manifesté tant d’attachement aux chefs de l’Empire et à son auguste et bienfaisante épouse, qu’il étoit juste de leur réserver une place dans cette fête. On voit donc s’avancer des Strasbourgeoises qui semblent retenues par la timidité. Elles sont seules et n’osent proposer aux officiers de danser avec elles. Mais une d’entre elles plus hardie, s’avance près des rangs, et salue la troupe ; aussi-tôt il s’engage une walse générale qui a produit un très-bel effet.
Duport et sa sœur devoient être chargés d’un pas particulier ; mais Duport étant tombé malade, on s’est vu obligé de le supprimer, et l’on y a substitué un trio chanté par des bergères françaises, suisses et italiennes ; pendant ce trio, trois bergères des mêmes contrées exécutent des pas d’un genre très-élégant. Ces bergères sont représentées par Mlles. Chevigny, Collomb et Delille.
Lays revêtu du costume et des fonctions de Maire, a fait briller sa belle voix dans un hymne religieux destiné à terminer cette belle fête. Les diverses évolutions des troupes, et les imitations de ces mouvemens par les grouppes, la vue des palmes et des couronnes, le son des instrumens, les acclamations publiques, toutes ces diverses circonstances ont fait de cette fête un très-beau spectacle.
L’hymne a été terminé par un mouvement général de tous les grouppes, qui ont couronné tous les militaires, aux acclamations de tous les spectateurs. Le poème est de la composition de M. Esménard, la musique de M. Steibelt, et les ballets de M, Gardel, comme nous l’avons dit.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome III, mars 1806, p. 270-276 :
[L’Intermède joué le 4 février 1806, faussement improvisé, venant interrompre l’opéra annoncé pour ce soir-là, les Prétendus, célèbre le retour de l’Empereur après la campagne au cours de laquelle il a remporté (entre autres) la bataille d’Austerlitz. Le compte rendu est complètement à la gloire de l’Empereur, et tout le monde participe à la joie générale, le public comme les interprètes. Il cite abondamment le texte, avant de faire l’éloge de la musique de Steibelt et des interprètes, chanteurs comme danseurs. Tout cela ne manifeste pas beaucoup de sens critique.]
ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.
L'académie impériale de musique avait annoncé hier les Prétendus et un divertissement. Le public a vu dans cette annonce, insignifiante en apparence, la promesse d'un spectacle analogue à ses sentimens et à ses vœux, et il s'est porté au théâtre avec un empressement qui ne peut se décrire. La salle était jusqu'au comble remplie de spectateurs étroitement pressés, et une multitude innombrable avait été obligée de renoncer à pénétrer.
On écoutait le second acte des Prétendus, comme la vue de la réunion la plus brillante permet d'écouter un opéra très-connu, lorsque leurs majestés impériales et royales ont paru dans leur loge.... La salle, en se levant toute entière aux cris de vive l'empereur ! vive l'impératrice ! a interrompu l'opéra : dans toutes les loges, dans tous les rangs des galeries, des amphithéâtres et du parquet, chaque spectateur saluait leurs majestés de ses acclamations, en agitant des branches de laurier que des dames s'étaient empressées de distribuer. Ce coup-d'œil d'un effet nouveau, les vivat réitérés, le chœur de la Caravanne exécuté par l'immense orchestre de l'opéra, le bruit des instrumens de guerre, tout a contribué à prolonger cet enthousiasme, cette ivresse. Leurs majestés ont répondu par les témoignages les plus affectueux de leur satisfaction.
Pendant ce mouvement, la décoration des Prétendus avait disparu ; et voici une idée de celle qui lui a succédé et qui a excité les plus vifs applaudissemens.
Une enceinte demi-circulaire, dont des trophées forment la colonnade, laisse appercevoir le magnifique tableau du cours de la Seine depuis le nom principal de cette ville jusqu'à l'extrémité de sa partie occidentale. A droite, on découvre, dans toute la beauté de ses admirables proportions,
Ce Louvre d'âge en âge oublié par nos rois (1),
et que nous verrons en si peu de temps terminé sous ce règne; l'élégant Pont-des-Arts, le palais de la Monnaie et ceux qui l'avoisinent ; plus loin les Thuileries, et dans la vapeur d'un lointain pittoresque, les Champs-Elysées et les sites élevés qui couronnent cette belle perspective. L'intérieur de l'enceinte ou de la tente qui est le lieu de la scène, est paré de guirlandes et de branches de lauriers ; sur des médaillons suspendus entre les colonnes, on lit ces inscriptions : campagne d'Italie, Montenotte, Lodi, Arcole, Rivoli, traité de Campo-Formio, conquête de l’Egypte, bataille de Marengo, traité de Lunéville, traité d'Amiens, Concordat, Code civil, prise d'Ulm, prise de Vienne, bataille d'Austerlitz, traité de Presbourg, etc. etc.
Le peuple se presse dans cette enceinte ; il attend le retour de l'élite de la Grande-Armée ; il précède sa marche et la salue par des chants de triomphe : bientôt cette redoutable élite paraît ; on reconnaît successivement la masse colossale des sapeurs, la marche imposante des grenadiers de la garde, l'élégance de ses chasseurs, le casque noir de ses canonniers, la double armure des dragons, les couleurs de la garde italienne, la variété pittoresque des Mamelucks, et l'uniforme de ces fiers Bavarois dignes et intrépides auxiliaires de la Grande-Armée : le peuple se presse autour de ses défenseurs ; les élèves des écoles militaires se précipitent dans les rangs et courent y caresser leurs pères, tandis que des vieillards y vont embrasser leurs fils. Un chœur général se fait entendre.
Un guerrier français s'avance, et chante les prodiges de la campagne immortelle, décrits en très-beaux vers.
Des grouppes des nations étrangères paraissent au milieu du peuple et des soldats français ; Polonais, Africains, Asiatiques, Grecs, Allemands, Espagnols, Suisses forment des danses variées : bientôt se mêlent à leurs jeux, distinguées par l'habit de leurs pays, les belles habitantes de Caux et de Strasbourg, les vives Provençales, les agiles Béarnais, les montagnards des Alpes et du Puy-de-Dôme ; tous chantent le retour du héros qui a conquis la paix. Voici les strophes de ce chœur, elles accompagnent parfaitement ce beau
tableau :
A ton pouvoir tout rend hommage ;
Son génie invincible a changé les destins.
Un nouveau siècle est né des débris du vieux âge ;
Une Europe nouvelle, et plus libre et plus sage,
Lui devra des jours plus sereins.
UN ITALIEN.
L'Eridan ne voit plus , dans sa course rapide,
Que des états soumis au Grand-Napoléon.
UN ESPAGNOL.
Et les peuples voisins des colonnes d'Alcide
Ont invoqué son nom.
UN MAMELUCK.
A l'Arabe inconstant qui désole sa rive,
Le Jourdain, mille fois, raconta ses travaux ;
Le Nil ensanglanté, sur son urne captive,
Rappelle ses drapeaux.
UN MAIRE DE PARIS.
Paris sur-tout lui doit la grandeur immortelle
Qu'un oracle trompeur annonçait aux Romains ;
Il s'accomplit pour nous, et la ville éternelle
Va sortir de ses mains.
VIEILLARDS ET ENFANS.
Ici la vieillesse et l'enfance
Rendent grâce au même héros ;
Pour l'une, il créa l'espérance ;
A l'autre, il rendit le repos.
VIEILLARDS.
Dans nos foyers héréditaires,
Par lui, sous la loi de nos pères,
Couleront nos derniers instans.
ENFANS.
Pour lui, pour l'état, pour la gloire,
Enfans promis à la victoire,
Nous commençons nos premiers ans.
A ce tableau plein de mouvement et de vie, succède une scène d'un caractère plus grave : un magistrat s'y rend auprès de la puissance divine l'interprète des vœux du peuple français et de ses alliés, pour la prospérité et la durée des jours, de leur libérateur et de leur appui. Le peuple et les guerriers répètent cette invocation ; un divertissement général termine l'intermède.
L'auteur de cette production lyrique, est M. Esménard, auteur du Poème de la Navigation. On voit qu'il n'a cherché à établir aucune situation dramatique, et qu'il s'est contenté de faire succéder de beaux tableaux à de beaux vers ; son intermède est une belle ode, coupée par des évolutions militaires, des danses et des jeux : le genre du grand opéra ne permettait peut-être pas qu'il se livrât à tout autre développement de son idée principale ; le goût et la raison lui ordonnaient sans doute de conserver à son style toute l'élévation de son sujet, et de laisser au chorégraphe tout l'avantage qu'il doit attendre de la diversité de ses moyens, et de la variété des effets qu'il dispose.
M. Steybelt est l'auteur de la musique de cet intermède : nous ne pouvons dissimuler qu'on n'y a pas toujours reconnu l'auteur du bel opéra de Roméo ; mais il avait un obstacle à vaincre, celui de l'uniformité de ton des morceaux qu'il avait à composer. Il a cependant donné du mouvement à son premier chœur, et un beau caractère à son invocation : ses airs de ballet offrent des idées agréables, le style en est léger et imitatif.
Les marches, les évolutions, les ballets ont été dessinés par M. Gardel avec le talent qui lui est connu : le temps lui a manqué sans doute pour mieux profiter de l'occasion qui lui était offerte, de retracer avec vérité quelques danses nationales et locales qui auraient été reconnues avec plaisir ; mais pour cela il fallait un travail auquel la circonstance ne permettait pas de se livrer.
Lainez a chanté les strophes guerrières avec la plus grande chaleur, et Laïs l’invocation, avec une extrême pureté, beaucoup d'expression et de sentiment. Mesdames Branchu et Armand paraissaient comme coryphées : quant à la danse, il faut se figurer la réunion de tous les premiers sujets, et se dispenser d'un vain éloge et d'un détail inutile.
A la fin de l'intermède, sa majesté s'est retirée au bruit de nouvelles acclamations ; un chœur général a fait entendre le beau Vivat de l'abbé Rose, production musicale, dont la verve et la beauté auraient fait la réputation, si son objet seul ne suffisait pas pour la faire sans cesse retentir dans les campagnes et dans les cités, dans les temples et dans les camps.
(1) M. Piis.
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