Les Rivaux d’eux-mêmes, comédie en un acte et en prose, de Pigault-Lebrun, 22 thermidor an 6 [9 août 1798].
Théâtre de la Cité.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez André, 1810 :
Les Rivaux d’eux-mêmes, comédie en un acte et en prose, par Pigault-Lebrun. Représentée, pour la première fois, sur le théâtre, de la Cité, le 22 thermidor an 6 [9 août 1798].
Courrier des spectacles, n° 537 du 25 thermidor an 6 [12 août 1798], p. 2 :
La pièce est un succès : l'auteur a été demandé. Le critique en résume avec précision l'intrigue, en partant de ce qui précède l'événement qui constitue l'intrigue. Il s'agit de deux très jeunes gens, qui doivent se retrouver six après leur mariage, et qui ne se reconnaissent pas d'emblée. Monsieur tente de séduire celle qu'il n'identifie pas comme sa femme, alors qu'elle le reconnaît et s'amuse de la situation, d'autant qu'il essaie de faire passer un de ses amis pour lui-même, jusqu'à ce qu'elle arrive à lui faire comprendre qui elle est. L'imbroglio finit donc par s'éclaircir. Le jugement porté ensuite sur la pièce en fait ressortir les défauts, « quelques invraisemblances et quelques inconvenances », mais ils sont largement compensés par de remarquables qualités de style et de dialogue : la pièce « sera vue avec grand plaisir ». Les rôles principaux sont « très-agréablement faits », tandis que l'interprétation est remarquable par son ensemble.]
Théâtre de la Cité-Variétés, et de la Pantomime nationale.
La comédie des Rivaux d’eux-.mêmes, donnée pour la première fois à ce théâtre le 22 de ce mois, a parfaitement réussi. L’auteur a été demandé, c'est le citoyen Pigault-le-Brun, déjà très-connu par d’autres jolies productions.
Derval a été marié dès l'âge de quatorze ans à une jeune demoiselle de dix ans ; tous deux, après la célébration de leur mariage, ont été séparés, et Derval, sous la conduite de son gouverneur, est parti pour l’armée. Six ans se sont écoulés depuis cet hymen, les deux époux se sont régulièrement écrit des lettres où respire l’amour le plus tendre et le plus passionné. Derval s’est signalé dans la bataille de Fontenoi par une action d’éclat, et il a enlevé à l’ennemi un drapeau.
Le maréchal de Saxe, pour reconnoitre son courage, l’a élevé au grade de lieutenant colonel, et l’a fait gratifier de la terre de d’Héricourt. Le tems étant arrivé de prendre les quartiers d'hiver, Derval a écrit à sa femme qu’il retournoit à Paris, et lui a témoigné le plaisir de la posséder après six ans de séparation ; Mme Derval voulant surprendre son mari, et étudier si son caractère répond à sou style aimable et spirituel, s'est mise en route pour la Flandre, et sous le nom de Mme Dalleville, elle arrive dans la même auberge où vient séjourner Derval sous le nom de d’Héricourt. Derval, jeune et galant, ne manque pas de faire sa cour à Mme Dalleville qui loin d’y être insensible, est obligée de rappeler toute sa vertu, et témoigne à Lise, sa suivante, combien elle desire que son mari soit aussi aimable et aussi bien fait que ce jeune officier ; elle entre dans son appartement.
Derval cherche alors tous les moyens de mettre la suivante dans ses intérêts, il lui donne une bourse, lui en promet une seconde, par vient à savoir le nom de Mme Dalleville, et qu'elle est mariée à un officier général ; Derval ne tarde pas à reconnoître la ruse de sa femme, sur-tout quand sur un patron où Lise brode du point, il apperçoit des vers, reconnaît l’écriture de Mme Derval, et le style convenable à leur mutuelle situation ; il dissimule et s’enfuit, emportant avec lui le patron. Mme Dalleville revient, sa suivante lui conte la scène qu'elle vient d’avoir avec M. d’Héricourt, et en faisant plusieurs rapprochemens , elle en conclud [sic] fortement que M. d'Héricourt ne peut être que M. Derval lui-même, qui déguise son nom. d'Héricourt rentre avec un de ses amis, il le fait passer pour Derval ; mais en voulant s'amuser aux dépends de sa femme, celle-ci pour le plaisanter à son tour, prend l’affirmative, et force par-là Derval de se déclarer.
Tel est le fonds de cette comédie, à laquelle on peut reprocher quelques invraisemblances et quelques inconvenances ; mais le style en est infiniment agréable, spirituel et piquant ; le dialogue en est léger, précis et fait avec beaucoup de rapidité ; en un mot, malgré ses défauts, cette comédie sera vue avec grand plaisir. Les rôles de Derval et de la suivante sont sur tout très-agréablement faits.
Cette pièce est jouée avec beaucoup d’ensemble par les principaux Artistes de ce théâtre ; les citoyennes Toussaint et Faur ont sur-tout bien joué les rôles de la suivante et de Mme Derval.
Louis-Henry Lecomte, Histoire des Théâtres de Paris, le Théâtre de la Cité, 1792-1807 (Paris, 1910), p. 171-172 :
[L'intrigue telle que la résume Louis-Henry Lecomte est largement proche de celle du Courrier des spectacles, qu'il avait probablement sous les yeux en rédigeant son livre ...]
22 thermidor (9 août) : Les Rivaux d'eux-mêmes, comédie en I acte, par Pigault-Lebrun.
Dupont
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CC.
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Faur.
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Derval
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Clozel.
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Florville
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Chevalier.
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Garçon d'auberge
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Buisson.
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Mme Derval
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Cnes
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Faur.
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Lise
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Toussaint.
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En reconnaissance de ce qu'on lui a sauvé la vie dans un combat, D'Heynel a accordé la main de sa fille, âgée de dix années, à Derval, qui n'a lui même que quatorze ans. Dès le lendemain de son mariage, Derval a quitté sa jeune femme pour suivre la carrière des armes. Il revient, dix ans plus tard, couvert de lauriers, pour connaître l'épouse dont les tendres épîtres lui ont tourné la tête. Non moins empressée, Mme Derval part à sa rencontre et s'arrête dans un village, à six lieues de Paris. Comme elle est devenue méconnaissable, elle compte se présenter sous le nom de la générale d'Alleville, afin d'éprouver d'abord le pouvoir de ses charmes et de son esprit. Derval arrive sous le nom d'Ericourt, qui est celui d'une terre que lui a donnée le maréchal de Saxe, avec le titre de lieutenant-colonel. Il a le bras en écharpe, ce qui le rend intéressant. Une entrevue avec la prétendue générale lui fait trouver adorable la dame qui, de son côté le déclare charmant. Mais, en plaisantant avec la suivante Lise, Derval aperçoit une broderie sur le patron de laquelle sont des vers écrits par sa femme. Elle a voulu l'éprouver ; pour le lui rendre il présente comme lui-même Florville, son ami. Mme Derval, un moment affligée de l'erreur qu'elle croit avoir commise, découvre à son tour la supercherie et se venge en feignant d'accueillir Florville. Elle force ainsi Derval à se faire connaître ; pour ne pas retarder leur bonheur, ils célèbrent alors la noce dans l'auberge même.
Donnée sans vraisemblance, mais agréablement traitée : succès.
La base César connaît pour la pièce de Pigault-Lebrun, créée le 9 août 1798 au Palais des Variétés, 25 représentations en 1798 et 20 en 1799, toutes au Palais des Variétés, sauf une, le 12 août 1799, au Théâtre Molière.
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