Les Ruses du mari, comédie en trois actes et en vers, 12 fructidor an 7 [29 août 1799].
Théâtre de la Cité-Variétés et de la Pantomime Nationale.
D'après la base César, la pièce a été jouée 12 fois en 1799 au Théâtre de la Cité du 29 août au 10 octobre.
Courrier des spectacles, n° 920 du 13 fructidor an 7 [30 août 1799], p. 2 :
[Succès pour la pièce de Delrieu : l'auteur, demandé, a paru. La suite de l'article raconte par le menu une intrigue que le critique trouve apparemment surprenante : ces ruses du mari ne sont pas dirigées contre leur but normal, sa femme. Suit une longue série de péripéties, deux hommes qui aiment la même femme, elle choisit entre eux deux, mais celui qui est refusé se voit proposer la main de la fille de son rival, né d'un précédent mariage. Pour dissiper les craintes de cette fille, qui craint que son futur époux continue d'aimer celle qui deviendrait sa belle-mère en cas de mariage, son père utilise de fausses lettres pour éprouver les sentiments de celui qui pourrait devenir son gendre. Après bien des quiproquos, les sentiments de chacun apparaissent clairement : aucun sentiment illégitime, et la jeune fille peut épouser l'ami de son père, créant d'ailleurs un imbroglio familial assez compliqué. La pièce comporte des couplets. Un seul a la faveur du critique. Quant aux interprètes, ils sont jugés positivement, bien qu'ils ne sachent pas bien leurs rôles, l'un d'eux ayant de plus choisi un costume inadapté. Heureusement les actrices ont bien joué.]
Théâtre de la Cité-Variétés et de la Pantomime nationale.
La comédie en 3 actes et en vers donnée hier pour la première fois à ce théâtre, intitulée : les Ruses du Mari , a eu du succès. L’auteur a été demandé : c’est le cit. Delrieu. Le public ayant désiré le voir, il a paru au milieu des applaudissemens.
Quel peut être l’objet des ruses d’un mari ? Si l’on pouvoit faire cette demande avant la représentation de cette nouvelle comédie, on peut encore la faire après l'avoir vue. Les ruses d’un mari sembleroient en effet devoir se diriger contre sa femme, et à moins de le supposer jaloux, on ne sait guères ce qui pourroit l’engager à ruser. Mais ce n'est pas contre son épouse que Belfort emploie la ruse, comme on peut le voir par l’extrait que nous allons essayer de donner.
La main de Rosalie a été recherchée par Melcourt et par Belfort. Le premier, plus jeune, avoit réussi à plaire par toutes sortes de qualités ; mais Belfort, non moins estimable, en fit briller une qui lui obtint la préférence : ce fut son tendre attachement pour une fille qu'il avoit eue d’un premier mariage. Melcourt, obligé d’éteindre son amour pour Rosalie, le porta vers Julie, cette même fille de son riva1. Agréé par Belfort : agréé par Rosalie, il ne plaît pas moins à Julie, qui craint cependant qu’il n’aime toujours sa belle-mère. Elle fait part de ses craintes à son père. Celui-ci, voulant éprouver Melcourt, imite l’écriture de sa femme, et écrit à ce jeune homme une lettre dont les termes sont assez peu ménagés; car elle finit par parler d’amour. Lucette, suivante de Rosalie, est elle-même dupe de son maître, qui lui remet la lettre pour Melcourt, en feignant de croire que c’est par oubli qu’elle l’a laissée sur la table de sa maîtresse. Melcourt est on ne peut plus surpris ; l’accueil que lui fait Rosalie ne répond pas au style de la lettre, et dans un tête-à-tête où il croit pouvoir s’expliquer, il reçoit un congé que dicte l’indignation. Il ne sait à quoi attribuer la conduite de Rosalie, lorsqu’appercevant Lucette, qui lui dit avoir tout entendu, il suppose que sa maîtresse l'avoit vue, et lui a répondu en conséquence.
Rosalie a fait part à son époux de l’insolence de Melcourt. Belfort s’en amuse et écrit un nouveau billet par lequel, toujours en imitant l'écriture de sa femme, il donne à ce jeune homme un rendez-vous dans le jardin, vers minuit. Rosalie veut montrer à Belfort la lettre par laquelle elle défend au jeune audacieux de jamais reparoître devant elle ; mais Belfort refuse de la lire, et sous prétexte de la décacheter, il lui substitue le billet qui contient le rendez-vous, y fait mettre l’adresse par Rosalie elle-même, et Lucette reçoit l’ordre de le porter. Elle le remet à Melcourt, pendant qu’il est avec Julie Celle-ci pense que ce peut être un tour de son père : en conséquente, elle se rend en secret à l’heure marquée.
Belfort arrive, est obligé de tout avouer à sa fille ; mais lui recommandant le secret, il la renvoie. Il a commandé à Lucette de se couvrir d’un voile pour jouer le rôle de Rosalie auprés de Melcourt. Minuit sonne : Melcour croit parler à Rosalie, lui adresse des reproches et l’en gage à oublier un amour inutile pour ne suivre que son devoir ; il finit par lui remettre le billet qu’il a reçu, afin, dit-il, que son mari n’en ait jamais connoissance. Belfort saisit le billet ; Melcourt est effrayé ; mais il apprend bientôt que c’est à Lucette qu’il a adressé la mercuriale, que Rosalie est innocente, que le tout est un jeu de Belfort, qui, ainsi que son épouse, lui accorde la main de Julie, désormais guérie de ses craintes.
Cette pièce finit par cinq couplets peu saillans ; il y en a un plus agréable dans le milieu de cette comédie, et que l’on a voulu faire répéter. Lucette y peint le caractère du mari ; le refrain est :
Il est gai quand il court les champs,
Il est chez lui d'humeur chagrine.
C’est une rose de printemps
Dont sa moitié n’a que l'épine.
Cette petite comédie a été agréablement jouée, quoique les acteurs ne sçussent pas bien leurs rôles. On doit observer au citoyen Clozel qu’un homme de quarante ans, tel qu’il le représente, n’est pas cassé comme il s’efforce de le paroître. Le costume qu’il a pris suffit, pour lui donner cet âge, au lieu qu’il sembloit avoir au moins soixante ans. Il a eu d’ailleurs des moments d’une grande vérité, et on ne peut trop lui répéter qu’en travaillant sérieusement, il peut espérer des succès. La citoyenne Decroix, qui étoit ci-devant au théâtre Montansier, a bien rendu le personnage de Rosalie. La citoyenne Julie a fait plaisir dans celui de Lucette ; et la jeune personne qui a joué Julie y a montré de l’intelligence : on peut même dire qu'elle a acquis depuis environ huit mois qu’elle a débuté au théâtre de Molière.
Lepan.
Dans la brochure de l'an 10, les cinq couplets de la fin ont disparu. Ne subsistent que deux couplets, acte 1, scène 4, sur un air nouveau (de qui ?) : c'est celui que le critique signale comme « plus agréable ».
La pièce de Delrieu a reparu le 2 prairial an 10 [22 mai 1802] sur le Théâtre de Louvois.
A cette occasion, elle a été publiée chez Huet :
Les Ruses du mari, comédie en trois actes et en vers, Par E. J. B. Delrieu. Représentée pour la première fois sur le théatre de Louvois, par les comédiens de l'Odéon, le 2 prairial an 10.
Elle a été jouée de nouveau les 6, 9 et 15 prairial [26, 29 mai et 4 juin].
Journal de Paris, n° 244 du 4 prairial an 10 [24 mai 1802], p. 1511 :
[Le compte rendu de cette reprise paru deux jours après parle de succès, non sans un peu d'ironie.]
La reprise des Ruses du Mari, pièce en vers du C.en Delrieu, vient, dit-on, d'obtenir un grand succès (théâtre de Louvois). Beaucoup de dames à précautions se proposent de l'aller voir ; elles ne craignent rien tant que d'y trouver des idées neuves.
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