Raoul, sire de Créqui, comédie lyrique en trois actes, de Jacques Boutet de Monvel, musique de d’Aleyrac, 31 octobre 1789.
Théâtre Italien.
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Titre :
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Raoul, sire de Créqui
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Genre
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comédie lyrique
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose ?
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prose avec des couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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31 octobre 1789
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Théâtre :
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Théâtre Italien
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Auteur(s) des paroles :
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Jacques Boutet de Monvel
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Compositeur(s) :
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d’Aleyrac
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L’Esprit des journaux français et étrangers, 1789, tome XII (décembre 1789), p. 339-341 :
[L’article de l’Esprit des journaux français et étrangers reprend à très peu de différences près l’article du Mercure de France, tome CXXXVII, n° 46 du samedi 14 novembre 1789, p. 41-43.
Compte rendu largement positif : l’intrigue est bien construite, la musique est remarquable par son accord avec l’intrigue, les acteurs sont dignes d’éloges. Un sort particulier est fait au dispositif scénique double de l’acte deux (le cachot, la chambre du geôlier). Un reproche toutefois, le caractère choquant de l’aide apportée par les enfants du geôlier, qui aident leur père à s’enivrer : pour respect les convenances, il aurait été préférable qu’ils se contentent de profiter de son ivresse sans la provoquer.]
THÉATRE ITALIEN.
Le samedi 31 octobre, on a représenté pour la premiere fois Raoul, Sire de Créqui, comédie lyrique en trois actes, par M. Monvel, musique de M. d'Aleyrac.
Le sujet de cette piece est tiré d'une nouvelle intéressante de M. d'Arnaud.
Le sire de Créqui a suivi le roi (Louis VII) en Palestine. Il a sauvé les jours de son prince ; on le croit mort, & le sire de Baudouin veut s'emparer de ses biens en épousant sa veuve. Fidelle à la gloire & aux manes de son époux, Adele repousse avec horreur les propositions de Baudouin. A l'instant où celui-ci envoie des soldats au château de Créqui, les vassaux d'Adele prennent les armes pour protéger sa fuite, celle du vieux Créqui , & du jeune Craon, fils de Raoul. Craon est enlevé, & sa vie dépend de la derniere résolution d'Adele. Cependant Raoul n'est point mort. Arrêté par Baudouin, & plongé au fond d'un cachot, il gémit dans les fers, où il éprouve le sort des coupables. On l'a confié à la garde d'un geôlier ivrogne, qui a deux enfans pleins de sensîbilité, de douceur & d'amabilité. Ces enfans, touchés du fort de Créqui, aident leur pere à s'enivrer, profitent de son sommeil pour opérer la délivrance du prisonnier, & voient bientôt enlever leur pere par les soldats de Baudouin, indignés de sa négligence. Créqui libre arrive dans une forêt ; il entend des soupirs ; il s'approche, voit un jeune infortuné qui pleure sa mort prochaine ; il le console sans savoir qu'il parle à son fils, le rassure, lui, ôte ses liens, le cache dans une caverne, se joint à des paysans armés contre les soldats de Baudquin, combat ceux-ci, les met en fuite, reparoît, retrouve sa famille; & après avoir préparé adroitement la sensibilité des seuls êtres qui lui soient chers, il se fait enfin reconnoître. Le geôlier passe du service de Baudouin à celui de Raoul. Créqui, pour toute vengeance, livre Baudouin à ses remords.
Cet ouvrage est d'un grand effet : il offre beaucoup de mouvement, de situations, de tableaux variés, attachans ; il a sur-tout une plénitude d'intérêt fort rare. Le second acte est principalement remarquable par une double scene qui forme un contraste très-piquant. D'un côté, on voit le cachot où est enfermé Créqui ; on est témoin de ses maux, de ses soupirs, de ses gémissemens ; de l'autre, on voit la chambre du geôlier, où le pere boit & chante, tandis que les enfans méditent la délivrance du prisonnier. Les oppositions musicales se joignent aux oppositions dramatiques, & l'illusion s'y complette par tous les sens. Nous observerons pourtant que des enfans ne devroient pas aider leur pere à s'enivrer , & qu'il seroit mieux peut-être qu'ils profitassent tout simplement de son ivresse. Pour que leur action s'oit louable, il ne faut pas qu'elle soit trop long-tems filée, car, avec le tems de la réflexion, elle devient coupable, puisqu'elle expose la vie de leur pere ; & cette idée est si fâcheuse, qu'elle nous a douloureusement affectés. Il nous semble qu'il étoit facile à l'auteur de réduire cette situation au point de ne pas être immorale. Comme M. Monvel l'a conçue & exécutée, elle annonce beaucoup de talent, & une connoissance très-étendue -de la scene.
La musique doit ajouter à la réputation de M. d'Aleyrac ; elle a de la grace, de l'esprit, de la force quand il en faut, & son premier mérite est d'être toujours dramatique.
La piece est jouée avec beaucoup d'ensemble. Mde. du Gazon & M. Philippe, dans les rôles de Créqui & d'Adele, méritent de grands éloges. Rien de plus intéressant que Mde. St.-Aubin & Mde. Carline, dans les enfans du geôlier. Ce dernier personnage est joué par M. Chenard avec une franchise, une simplicité & un naturel singuliérement remarquable, & la voix de cet acteur y brille avec tous ses avantages. Il ne faut pas oublier que M. Menié rend avec beaucoup de chaleur & d'intelligence le rôle d'un paysan qui s'arme pour la défense de ses maîtres.
D’après la base César, la pièce de Monvel et Dalayrac a été largement jouée durant toute la dernière décennie du XVIIIe siècle : créée le 31 octobre 1789, elle a été jouée au Théâtre Italien 17 fois en 1789, 32 fois en 1790, 14 fois en 1791, 23 fois en 1792, 8 fois en 1793, 2 fois en 1794, 5 fois en 1797, 8 fois en 1798, 2 fois en 1799 ; à ces 111 représentations sur le même théâtre s’ajoutent 4 représentations au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles (en février 1791) et 6 représentations au Théâtre de Caen (de décembre 1791 à février 1792).
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