Raymond de Toulouse, ou le Retour de la Terre Sainte, drame lyrique en trois actes, de Guilbert de Pixerécourt, musique de Foignet père et fils, 29 fructidor an 10 [16 septembre 1802].
Théâtre de la rue de Bondy (Théâtre des Jeunes Artistes).
Courrier des spectacles, n° 2021 du 30 fructidor an 10 [17 septembre 1802], p. 2 :
[Le compte rendu s'ouvre par un long résumé d'une intrigue compliquée, où les événements sont nombreux, un peu répétitifs et font une large place au hasard. Le dénouement semble rapide et peu motivé. Ce résumé précède une exécution en règle du « poëme », jugé indigne de « la réputation de son auteur. Son succès s'explique par l'indulgence du public, insensible aux invraisemblances et aux longueurs. C'est la musique qui vient au secours de ce piètre livret. Elle a été applaudie, et l'ouverture est d'une grande qualité. Par contre, à quelques exceptions près, les acteurs n'ont pas le physique de leur rôle. Tout n'est cependant pas mauvais : « les costumes et les décorations sont soignés », et on sait que c'est capital dans un mélodrame. Reste à nommer les auteurs.
À aucun moment de ce compte rendu, le critique ne s'interroge sur la vaur historique d'une intrigue située au treizième siècle, en Allemagne.]
Théâtre des Jeunes Artistes.
Première Représentation de Raymond de Toulouse.
Le comte Rodolphe en revenant des Croisades a été arrêté en Allemagne, et jetté dans un cachot par Ferdinand, à qui il avoit, en partant pour la Terre Sainte, confié la garde de ses possessions et de sa fille Isaure. Depuis deux ans il gémit dans les fers sans espoir et demandant la mort. Le jeune Raymond de Toulouse à qui Rodolphe avoit autrefois promis la main d’Isaure, passe en revenant de la Palestine, près du château ; mais il ne peut y pénétrer. Plusieurs des chevaliers de sa suite sont déguisés en troubadours ; Ferdinand fait venir leur chef ; Raymond sous le costume de troubadour est inconnu à ses yeux, mais il a dans ses intérêts Isaure et Alix sa suivante. Introduit dans le château, il se cache dans un appartement, où sans être vu, il entend le complot formé par Ferdinand et par Amelie, sœur de ce traître, d’empoisonner le vieux Rodolphe. Ferdinand voudroit néanmoins conduire auprès de la victime un ministre du ciel pour le préparer à la mort. Mais à qui se fier ? Amélie opine pour faire prendre au troubadour les habits de religieux, et en effet, c’est sous ce déguisement qu’il est amené dans le cachot de Rodolphe. Là , croyant être seul, Raymond se découvre à lui et brise ses fers ; mais au moment de sortir, il est arrêté pas Amelie qui appelle du secours. Raymond atteste envain le ciel, nomme envain Rodolphe qu’il montre aux soldats comme leur ancien maître, tous deux sont condamnés à périr. Raymond conduit dans une tour, s’échappe par le secours d’un serviteur fidèle sur qui Ferdinand se repose ; mais à l’instant où il croit trouver une dernière issue, il est de nouveau arrêté, toutes les armes sont dirigées contre lui, lorsque Isaure s’élance de son appartement, se place entre lui et les satellites de Ferdinand, et les rappelle à leur devoir en leur déclarant que c’est Raymond de Toulouse à qui elle a été promise, et en leur montrant son père que l’on amène à leurs yeux, et qu’ils ont déjà refusé de reconnoître. Ferdinand abandonné par les ministres de ses cruautés reçoit le châtiment dû à ses crimes.
Tel est le sujet d’un opéra en trois actes, représenté hier sur ce théâtre. Nous n’hésiterons pas de dire que cet ouvrage, loin d’ajouter à la réputation de son auteur, nous a paru bien au-dessous de tous ceux qui jusqu’ici sont sortis de sa plume. Il a cependant obtenu du succès. Mais qu’est-ce que cela prouve ? Le public n’a pas été frappé des invraisemblances ; il a passé légèrement sur les longueurs ; il est vrai que la musique a pu faire pardonner bien des choses. Ici, comme aux grands théâtres, la musique vient à-propos au secours d’un poëme foible ; celle de Raymond de Toulouse a mérité plusieurs fois d’être applaudie. L’ouverture sur-tout offre des choses que ne désavoueroient pas des compositeurs distingués. Nous ne parlerons ses acteurs que pour dire que presqu’aucun n’avoit le phisique convenable à son rôle, à l’exception des cit. Thénard, Liez et Foignet, et de Mlles Martin et Fabre. Les costumes et les décorations sont soignés.
Les auteurs sont, pour les paroles, le cit. Guilbert Pixérécourt, et pour la musique, les cit. Foignet père et fils.
F. J. B. F. G * * *.
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