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Regnard à Alger

Regnard à Alger, vaudeville en deux actes, 11 floréal an VIII (1er mai 1800).

Théâtre des Troubadours.

Titre

Regnard à Alger

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

2

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

11 floréal an 8 (1er mai 1800)

Théâtre :

Théâtre des Troubadours

Auteur(s) des paroles :

 

Courrier des spectacles, n° 1154 du 12 floréal an 8 [2 mai 1800], p. 2 :[La pièce nouvelle a réussi, et après avoir cité un couplet signifiant de façon moqueuse qu’on ne donnerait pas le nom des auteurs, un jugement mitigé (« scènes froides et décousues » contre « couplets malins et bien tournés »à qui on doit le succès de la pièce, le critique annonce l’analyse pour demain. Il se limite ensuite à donner des informations sur les acteurs qui débutent au Théâtre de la Gaîté. Après quoi le journal reproduit les tarifs du théâtre.]

Théâtre des Troubadours.

Air de la Croisée.

Lorsque par un succès flatteur
Le public couronne un ouvrage,
Chacun veut en être l’auteur,
A Paris c’est assez l'usage.
Mais de Regnard qu’on applaudit
Ce soir 1e destin nous étonne,
Car tous les auteurs nous ont dit
      Qu’il n'étoit de persovne.

C’est par ce couplet qu’ont répondu au public les auteurs de la pièce en deux actes donnée hier pour la première fois à ce théâtre, sous le titre de Regnard à Alger. Elle a eu du succès malgré quelques scènes froides et décousues ; mais un grand nombre de couplets malins et bien tournés y a contribué pour beaucoup. Demain nous en donnerons l’analyse.

Le rôle d’Hassan y étoit confié au citoyen Bellement, acteur nouvellement attaché à cette troupe, qui paroît avoir de l’habitude de la scène. Il succède dans les carricatures au cit. Tiercelin. Hier , un rhume fatiguant l’empêcha de déployer ses moyens de chant. Au reste, il jouissoit dans les rôles de Juliet d’une certaine réputation en province.

Le citoyen Huet, qui débuta avant-hier, étoit fort estimé aux Jeunes-Artistes. Ce jeune homme a l’organe un peu voilé, mais il possède un beau physique, il a de la grâce, et il obtiendra plus d’un succès sur ce théâtre.

F. J. B. G***.          

Les artistes sociétaires de ce théâtre, jaloux de mériter de plus en plus les suffrages du public, et disposés à faire tout les sacrifices qu’exigent les circonstances, préviennent leurs concitoyens, qu’à dater de ce jour, on recevra des abonnemens personnels, aux prix ci-dessous fixés, y compris l’impôt des indigens.

Pour un citoyen.

Pour une dame.

Pour une année, 158 fr.

Pour six mois,      110

Pour trois mois,     66

Pour un mois,         27

Pour une année, 132 fr

Pour six mois,      80

Pour trois mois,     47

Pour un mois,        20

Les personnes qui en desireront, sont priées de s’adresser tous les jours, depuis 10 heures jusqu’à trois, au secrétaire de l’administration, au théâtre, rue de Louvois.

Courrier des spectacles, n° 1155 du 13 floréal an 8 [3 mai 1800], p. 2 :

[L’analyse promise la veille est au rendez-vous : le critique raconte une intrigue plutôt étonnante, mais sans marquer de surprise et sans insister sur l’emprunt fait à la vie de Regnard, de sa chère Elvire et de son mari Prade. L’histoire se déroule sans anicroche, mais il n’y a pas finalement de mariage entre Regnard et sa belle Elvire, l’un ayant une aversion profonde pour le mariage, et l’autre étant déjà mariée et voyait son mari ressusciter. Le bilan est plutôt favorable, puisqu’« il y a de fort jolis couplets dans cet ouvrage et quelques scènes agréables ». Bien sûr, le critique concède qu’il y a aussi « bien des invraisemblances », mais l’exemple qu’il en donne n’est sans doute pas la plus criante à des yeux modernes. Et l’argument du « naturel », si courant dans les critiques du temps, est de faible portée pour nous. Il y a aussi « un petit anachronisme », puisque le Regnard de 1678 se soucie déjà des manuscrits de ses pièces du milieu des années 90.]

Théâtre des Troubadours.

Régnard, pris sur mer par un Corsaire Algérien, et vendu comme esclave à Alger, est éperduement amoureux d’Elvire, dont le mari, nommé Deprade, a péri dans le combat soutenu contre les Turcs. Cette belle esclave appartient au dey Achmet, qui employe tous les moyens de la persuasion et de la galanterie pour toucher son cœur. Régnard a été admis comme peintre dans le palais d’Achmet, et celui-ci lui commande divers ouvrages qui lui procurent l’occasion d’être près de son amante. Dans le même palais est Hector, valet de Régnard, homme adroit, entreprenant, qui s’empare d’un brigantin mouillé près du sérai1, et qui y fait transporter tout ce qui est nécessaire pour leur fuite. Régnard y fait mettre à bord les manuscrits de ses pièces, et Elvire une cassette remplie d’ornemens et de bijoux. Hassan, intendant du sérail, a besoin d’aller à la pêche ; il monte sur le brigantin et détruit ainsi l’espoir des deux amans, qui espéroient s’en servir pour leur fuite. Il y trouve les papiers de Régnard et la cassette, qu’il s’empresse de rapporter à Achmet. Celui-ci furieux ordonne d’empaler Hector, et mande près de lui Elvire et Régnard., à qui il fait exécuter une scène de comédie. Cette scène retrace parfaitement la situation des deux amans, et Achmet déguise le mieux qu’il peut le ressentiment qui l'anime. Enfin il leur présente les pièces trouvées dans le brigantin et fait emmener Régnard pour être puni conformément aux usages reçus. Cependant un envoyé de France vient racheter divers esclaves, et réclame entr’autres le poète Régnard. Ce Français est Deprade, le mari d’Elvire elle-même, mari commode et sans inquiétude pour sa femme ; Achmet instruit de cet incident, le prie de faire dresser pour deux esclaves français un contrat de mariage ; Deprade y consent, et Régnard, à qui on le présente, hésite de le signer ainsi qu’Elvire, lorsque Deprade se découvre, et reprenant son épouse, l’empêche de former un 1ien que l’amant ne contractoit que malgré lui ; car on sait l’aversion qu’eut toujours Régnard pour le mariage.

Telle est l’analyse de la pièce donnée avant-hier sous le titre de Régnard à Alger.

Il y a de fort jolis couplets dans cet ouvrage et quelques scènes agréables, entr’autres celle où Achmet veut unir Régnard à Elvire ; mais il y a aussi bien des invraisemblances, par exemple, lorsque Régnard a porté ses manuscrits dans le brigantin, est-il naturel qu’il forme le projet de l’enlèvement, et qu’il en convienne avec sa maîtresse à une si grande distance ? La scène qu’il joue devant Achmet nous paroissoit mieux placée au premier acte, et ce seroit un moyen d’instruire sa maitresse de ses desseins sans que le Turc s’en apperçût. Quant aux manuscrits des pièces de Régnard, telles que le Joueur, le Distrait, etc., ce poëte, lors de sa captivité à Alger, ne s’occupoit pas encore de ces chef-d'œuvres : ainsi c’est un petit anachronisme que l’on a hasardé afin de répandre plus d’intérêt sur l’ouvrage.

F. J. B. G***.          

Journal général de la littérature de France, n° 5 (floréal an VIII de la République française), p. 160 :

Analyse de Regnard à Alger. – Vendu à Alger et amoureux d’Elvire, esclave du Dey ; Regnard entre chez le Dey comme peintre. Hector, valet de Regnard, met dans un brigantin les manuscrits de Regnard, le Joueur, le Distrait, etc., y met aussi les bijoux d’Elvire ; mais, avant qu’ils puissent s’évader, l’intendant du sérail va à la pêche, trouve et manuscrits et bijoux sur le brigantin et les apporte au Dey. Le Dey ordonne d'empaler Hector, et condamne Regnard et Elvire à jouer une scène de comédie. Ils y peignent leur situation. Deprade, Envoyé français, réclame Regnard et Elvire. Celle-ci se trouve être madame Deprade., ce qui convient fort à Regnard dont on connaît l'aversion pour le mariage.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, tome I, p. 270 :

Regnard à Alger.

Cette pièce, en deux actes un peu froids, a été jouée le 11 floréal

Regnard a été pris, avec la belle Elvire, par un corsaire algérien. Deprade, mari d'Elvire, a péri dans le combat.

Regnard est passionnément amoureux d'Elvire ; mais Achmet, c'est le nom du dey auquel elle appartient, a sur elle les mêmes prétentions. Les amans cherchent l'occasion de fuir ; Hector, valet de Regnard, croit l'avoir trouvée, il s'empare d'un brigantin mouillé près du sérail, où il fait transporter ce qui est nécessaire pour leur fuite, ainsi que les manuscrits de Regnard et les bijoux d'Elvire ; maïs Hassan, intendant d'Achmet, se sert du bâtiment pour aller à la pêche, et trouve dedans tout ce qu'Hector y avoit mis ; il court le montrer à son maître, qui fait appeler les amans, et leur ordonne de jouer une scène de comédie. On se doute bien qu'elle est relative à leur situation ; enfin, Achmet leur apprend qu'il sait tout,et il va les faire punir, lorsque Deprade, qu'on croyoit mort, apporte leur rançon, et empêche Regnard d'épouser sa femme, ce qu'il ne vouloit faire qu'en regrettant sa liberté.

Il y a d'assez jolis couplets, des scènes agréables, mais des invraisemblances. La scène que joue Regnard devant Achmet, est on ne peut pas plus déplacée. On remarque aussi quelques anachronismes.
L'auteur n'a pas été nommé.

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