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Regnard et Dufresny à Grillon ou la Satire contre les maris

Regnard et Dufresny à Grillon, ou la Satire contre les maris, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, de Febvé, 13 février 1808.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Regnard et Dufresny à Grillon, ou la Satire contre les maris

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

13 février 1808

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Febvé

Almanach des Muses 1809.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mongie et Martinet, 1808 :

Regnard et Dufresny à Grillon, ou la satire contre les maris ; Comédie en un Acte et en prose, mêlée de Vaudevilles. Par M. Febvé. Représentée pour la première fois à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 13 Février 1808.

Mercure de France, littéraire et politique, tome trente-unième (1808), n° CCCXLIV du samedi 20 février 1808, p. 380-381 :

[Le critique exprime d’abord sa lassitude devant ces vaudevilles prétendument historiques, dont il dénonce la construction : un nom illustre auquel on adapte une intrigue convenue, l’ensemble étant « embelli » par « des couplets fort maniérés ». Il faut bien sûr que les amis de l’auteur y mette du leur, et on finit en demandant l’auteur. Généralement le succès n’est pas vraiment au rendez-vous. Suit la rituelle analyse de l’intrigue, très convenue, avant un jugement sévère : anachronismes et ignorance « des principales particularités de [la] vie » des auteurs mis en scène. Rien d’autre, ni sur le style, ni sur l’interprétation.]

Spectacles. — Théâtre du Vaudeville. — Première représentation de Regnard et Dufresny, vaudeville historique en un acte.

L'auteur de la Gastronomie demandait en vers fort agréables qu'on nous délivrât des Grecs et des Romains, je demande à mon tour qu'on nous délivre de tous ces vaudevilles prétendus historiques ; ce n'est pas la première fois que je m'élève contre ce genre d'ouvrage dramatique, mais il est si facile d'y obtenir l'apparence d'un succès, que les jeunes gens aiment encore mieux s'y livrer que de rester dans une douce obscurité.

Qu'est-ce en effet qu'un vaudeville historique, et quelle est la manière de le composer ? On choisit d'abord un nom fort connu, on y adapte tant bien que mal une intrigue fort usée, et qui ne trouve grâce devant le public qu'à la faveur des noms imposans dont elle est décorée, et l'on embellit le tout de quelques couplets fort maniérés. Les amis dont l'auteur a eu soin de remplir le parterre crient bravo ; l'actrice chargée du rôle principal s'avance seule sur le bord de la scène, et intercède en faveur de celui qui, pendant une heure, a eu le malheur d'ennuyer l'assemblée. A la faveur de cette supplication l'auteur est demandé et nommé, et s'imagine bonnement avoir remporté la victoire : mais à la seconde représentation la salle est presque vide, à la troisième, déserte, et pour ruiner complètement le théâtre le mieux administré, il ne faut que deux ou trois succès pareils.

L'auteur suppose que Dufresny, qui s'est sauvé de Paris pour ne pas payer ses dettes, est caché dans le village de Grillon, sous le nom de Charles : il y devient amoureux de la fille du jardinier de Regnard, qui est propriétaire du château. M. Recto, son rival, est sur le point d'obtenir la préférence ; mais le Régent a la bonté d'envoyer à Dufresny un bon de deux cent mille livres, à l'aide duquel il parvient à épouser..... une villageoise.

Les journaux qui ont parlé de cet ouvrage, ayant fait remarquer les nombreux anachronismes qu'il renferme, je me bornerai à relever le fait suivant : Pour amener une reconnaissance entre Regnard et Dufresny, l'auteur a supposé qu'ils ne s'étaient jamais vus. M. Favée ignore donc que ces deux auteurs ont long-tems travaillé de compagnie, et qu'ils ont composé ensemble plusieurs ouvrages tels que les Chinois, la Baguette de Vulcain, la Foire Saint-Germain, et les Momies d'Egypte.

Lorsqu'on met en scène des hommes aussi connus que Regnard et Dufresny, au moins faut-il être instruit des principales particularités de leur vie.                   B.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1808, tome III, mars 1808, p. 290-295 :

[Début un peu acide sur une pièce qu’on veut nous faire prendre pour un banal vaudeville, pour lequel quelques bons mots suffiraient, mais qui est pourtant un « fait historique ». Or ce fait historique est rempli d’anachronismes (âge de Dufresny, date de mort de Regnard : il est mort en 1709, alors que la pièce est censée se passer en 1719) et d’erreurs (par exemple, Dufresny n’est pas l’auteur du Mercure galant). L’auteur ne se contente pas de bousculer les faits, il a certes de l’esprit, mais sa pièce est traînante et froide. Il aurait mieux fait de faire quelques recherches pour éviter les erreurs. Il a été demandé, et nommé.]

THÉATRE DU VAUDEVILI.E.

Regnard et Dufresny à Grillon, ou la Satire contre les Maris.

Encore un jeune homme qui débute, la saison promet ; que tous les auteurs dramatiques venus au monde cette année arrivent à bien, et nous pouvons nous flatter d'en avoir d'ici à quelque-temps la plus belle collection à montrer aux curieux. Mais je crains qu'on ne les expose un peu jeunes au grand air : si nous pouvions avoir quelque serre chaude, d'où on ne tirerait que les plus vigoureux pour les transporter en pleine terre, ils ne courraient pas risque d'être abattus par le premier coup de vent. Celui-ci a déclaré, dans son couplet d'annonce, qu'il redoutait jusqu'au zéphir, le zéphir, du parterre n'est pas toujours en effet,

Il soave spirar di p'acid' aura,

Il s'annonce assez souvent sur le ton du vent de bise. Un de ces zéphirs-là commençait à souffler sur le vaudeville, et menaçait de le glacer jusqu'au cœur, si heureusement le couplet de la fin n'était venu à propos pour demander au public sa protection contre la critique. Dès que le public a vu qu'il était venu là pour défendre la pièce contre ceux qui pourraient la trouver mauvaise, il a bien pensé qu'il ne s'agissait plus d'exprimer son opinion et il a applaudi ; il n'y aurait pas grand mal si ce n'était qu'un vaudeville ; on en a applaudi qui n'avaient pas même, comme celui-ci, la ressource de quelques mots assez gais et de quelques couplets assez jolis ; mais c'est un fait historique, du moins à ce que dit l'affiche ; or ce fait historique, c'est que Dufresny, qui s'est enfui de Paris pour se soustraire à ses créanciers, s'est réfugié, sous le nom de M. Charles, dans le village de Grillon, près de la maison de campagne da Regnard ; là il dessine, fait des vers, apprend à dessiner à la fille du jardinier de Regnard, dont il est amoureux et aimé, et qu'on juge bien qu'il finira par épouser, le tout en attendant que le régent fasse réponse à la requête qu'il lui a présentée en ces termes :

« Pour votre gloire, monseigneur, il faut laisser Dufresny dans son extrême pauvreté, afin qu'il reste au moins un seul homme dans une situation qui fasse souvenir que tout le royaume était aussi pauvre que Dufresny, quand vous y avez mis la main ». On sait qu'au bas de cette requête, le régent mit néant, et fit payer à Dufresny une somme assez considérable ; l'auteur du vaudeville la porte à deux cent mille francs, cela est un peu cher pour une mauvaise facétie ; mais c'était le temps de la banque de Laws, facétie beaucoup plus mauvaise encore que cella de Dufresny : les deux.cent mille francs en papiers sont bien assurément la circonstance la moins embarrassante de ce fait historique, et l'auteur fût-il même obligé de les payer de sa poche, je suis persuadé qu'il serait de mon avis ; car il me semble encore moins difficile de payer deux cent mille francs en quelques espèces que ce soit, que de faire de Dufresny un jeune amoureux à l'âge de soixante et onze ans, qu'il avait en 1719, qui est l'année où il présenta cette requête au régent. Regnard peut avoir eu aussi quelque peine à jouer le rôle que lui donne l'auteur du fait historique, attendu qu'à cette époque il était mort depuis dix ans, c'est-à-dire, en 1709, d'où je conclus qu'il était fort difficile qu'en 1719, il fît la Satire contre les Maris, la comédie des Menechmes, etc., et qu'il argumentât contre le mariage avec Dufresny, qui est représenté ici comme beaucoup plus jeune que lui, quoique pendant sa vie Regnard ait toujours eu huit ans de moins ; mais après sa mort cela est différent, et je suis persuadé que dix ans passés dans l'autre inonde doivent furieusement vieillir.

D'après ces légers anachronismes, on ne doit pas s'étonner que Regnard parle de la satire de Boileau contre les Femmes comme toute récente, quoiqu'elle ait paru depuis vingt-cinq ans ; qu'il travaille aux Menechmes, quoique cette pièce eût été représentée quatorze ans auparavant. On voit bien que tout cela est encore moins difficile que de parler dix ans après sa mort. Il ne faut pas s'étonner non plus de ce que Regnard est ici un doucereux défenseur des femmes, qui même en Laponie n'a pas vu un mari fidèle ; de ce que Dufresny, qui épousa, en secondes noces, sa blanchisseuse, pour ne pas lui payer quarante écus qu'il lui devait, est ici avec ses soixante-onze ans, et apparemment prêt à conclure son troisième mariage, un jeune amant délicat et timide ; mais il faut s'étonner encore de ce que Dufresny parle de lui même comme de l'auteur du Mercure Galant ; j'avais cru mal entendre d'abord, mais cela va si bien au reste de la pièce, que je me le tiens pour dit ; et si je me trompe, il faudra me pardonner à cause de la vraisemblance.

Ce n'est pourtant pas un homme sans esprit et sans gaîté que celui qui a fait ce vaudeville, dont le défaut principal, bien plus dangereux que les anachronismes, est d'être traînant et froid ; mais c'est un homme si pressé de faire un vaudeville, qu'il n'a pu se donner le temps de parvenir à la maturité de talent nécessaire pour ce grand œuvre, ni aux vastes connaissances que demande une pièce anecdotique sur Regnard et Dufresny, dont les vies, l'histoire, les aventures se trouvent dans tous les almanachs de théâtre, dans tous les recueils dramatiques de toutes les formes et sous tous les titres possibles ; enfin c'est un auteur qui a trouvé plutôt fait de donner un ouvrage au public que d'ouvrir un livre où il pût prendre quelques notions sur le sujet qu'il voulait traiter, et cet auteur n'est pas le seul ; d'autres ont fait de même avant lui, d'autres feront de même après, et le public les laissera faire, et ils accoutumeront le public à cette ignorance parfaite, à cette insouciance absolue de la vérité, qui voit dénaturer les faits les plus connus, les plus récens, sans y prendre garde, et je ne serais pas du tout étonné que, dans la confusion de toutes les idées et de toutes les notions historiques qui s'établit sur nos théâtres, nous revinssions bientôt à ce temps où, dans une tragédie d'Andromède, un seigneur du pays, qui raconte à Persée la cause des malheurs de cette princesse, ajoute, pour donner plus d'authenticité à son récit :

Et il se voit ainsi dans les œuvres de Pline.

Voilà de sérieuses réflexions et de tristes pronostics à propos d'un vaudeville ; mais c'est que les vaudevilles deviennent une chose bien sérieuse pour un critique qui les voit tous.

L'auteur, demandé et nommé, est M. Fevée.                      P.

Archives littéraires de l'Europe, tome dix-septième, 1808, trimestre de janvier, Gazette littéraire, février 1808, p. xlv :

Regnard et Dufresny à Grillon ou la Satire contre les Maris, vaudeville en un acte, de M. Fevée.

Dans ce vaudeville prétendu historique, il n'y a qu'un seul fait que l'histoire ne démente pas, la requête présentée par Dufresny au régent et la manière libérale et spirituelle dont elle fut appointée par ce prince. Le reste de la pièce est un tissu d'anachronismes qui finit par le mariage de Dufresny avec la fille du jardinier de Regnard. L'auteur a été beaucoup au-delà des libertés déjà fort grandes que l'on prend au Vaudeville avec les auteurs qu'on aime à y présenter. Si beaucoup de pièces de ce genre obtenoient des succès brillans, on pourroit craindre pour l'authenticité de notre histoire littéraire ; tant qu'elles ne réussiront pas mieux que celle-ci, on pourra se tranquilliser. Elle a été jusqu'à la fin non sans malencontre ; mais quelques couplets assez heureux qui l'ont préservée d'une chute soudaine, ne pourront pas la soutenir long-temps.

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