Rembrandt, ou la Vente après décès, vaudeville anecdotique en un acte, d'Étienne, Morel, Servière et Moras, 26 fructidor an 8 [13 septembre 1800].
Théâtre des Troubadours.
De quel Morel s'agit-il ? Morel de Chédeville ou son homonyme né en 1783 et mort en 1802 ? Si c'est de ce dernier qu'il s'agit, il fait preuve d'une belle précocité.
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Titre :
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Rembrandt, ou la Vente après décès
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Genre
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vaudeville anecdotique
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Nombre d'actes :
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1
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Vers ou prose ,
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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26 fructidor an 8 [13 septembre 1800]
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Théâtre :
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Théâtre des Troubadours
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Auteur(s) des paroles :
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Etienne, Morel, Servière et Moras
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, au magasin de pièces de Théâtres, an 9 :
Rembrandt, ou la Vente après décès, vaudeville anecdotique en un acte, Par les c. Etienne, Morel, Servière et Moras, Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre des Troubadours, le 26 fructidor an 8.
Courrier des spectacles, n° 1289 du 27 fructidor an 8 [14 septembre 1800], p. 2-3 :
[Avant de parler de la pièce, le critique rédige une courte notice sur Rembrant (c'est l'orthographe qu'il a choisie), le personnage principal, qui aurait donc besoin d’être présenté aux lecteurs. Cette notice se réduit à l’anecdote de ses débuts, à ses dates de naissance et de mort, et à un trait de caractère, son « avarice extrême », longuement détaillée en des termes qui en font un escroc. Le critique peut ensuite dire quel est le fonds du vaudeville. Il s’agit d’une vente des tableaux du peintre qui s’est fait passer pour mort (vente conduite par le peintre lui-même, déguisé en huissier, et que personne ne reconnaît). Un officier français courtise celle qu’on croit veuve, et qui veut se venger ainsi de la jalousie de Rembrant. La vente occasionne une rivalité entre l’officier et un élève de Rembrant, il faut les séparer, Rembrant est reconnu, il n’y a plus de querelle. Le jugement porté ensuite n’est pas favorable : la pièce a été applaudie, et ne le méritait apparemment pas d'après le critique. Les couplets ne sont pas très neufs, on y abuse des calembours, et certaines situations ne sont pas décentes (par contre, aucune accusation d’invraisemblance !). Le critique cite deux couplets applaudis, sur la rapidité avec laquelle un mariage se dégrade du fait du mari, vite las de caresser sa mie. Et les auteurs sont énumérés.]
Théâtre des Troubadours.
Van Ryn Rembrant, peintre et graveur, fils d’un Meûnier, naquit en 1606, près de Leyde. Un petit tableau qu’il fit pendant sou apprentissage, et qu’un connoisseur paya cent florins, le mit en réputation dans toute la Hollande. Ce peintre mourut à Amsterdam en 1688. Il étoit d’une avarice extrême : semblable à certains auteurs qui vendent cinq ou six fois le même manuscrit, il usoit de toutes sortes de ruses pour vendre fort cher et plusieurs fois les mêmes estampes. Tantôt il les faisoit débiter par son fils comme si celui-ci les avoit dérobées ; tantôt il feignoit de vouloir quitter la Hollande. Il les vendoit lorsque la planche étoit à moitié terminée, en tiroit un nouveau prix après qu’elle étoit finie ; enfin il la faisoit paroître une troisième fois en la retouchant.
Tel est le personnage que quatre auteurs ont mis hier sur la scène des Troubadours, sous le titre de Rembrant, ou la Vente avant décès. Voici le fonds de ce vaudeville 0
Rembrant s’étant absenté pendant trois mois, a fait répandre le bruit de sa mort, et déjà les amateurs de la peinture ont pris jour pour la. vente de ses tableaux : déjà aussi Sirval, jeune officier français, se présente chez Augusta, veuve prétendue, pour remplacer le défunt [quand] tout-à-coup celui-ci ressuscite, reparoit chez lui au moment où la vente de ses tableaux va s’effectuer. Sa femme, instruite de son retour et connaissant sa jalousie, veut le punir de ses soupçons injurieux. Elle feint d’écouter les protestations de Sirval. Rembrant n’ose se découvrir et enrage en silence. Cependant la vente commence. Le peintre qui, sous le costume d’un huissier, y préside sans être reconnu, met ses ouvrages à l'enchère. On se les dispute, on se les arrache. Cependant on propose à la vente un tableau représentant Augusta et son mari prétendu défunt.
Sirval y met un prix, Gérard Dow, élève de Rembrant, le réclame en couvrant l’enchère ; Sirval déclare qu’il le chargera d’or : alors Gerard Dow met l’épée à la main ; le faux huissier les sépare, et Augusta, en le nommant, met fin à la querelle.
Ce vaudeville, quoique très-applaudi, méritoit-il l’accueil distingué qu’il reçut hier ? Les couplets pour la plûpart facilement tournés, offrent des idées assez jolies, mais peu neuves ; et presque toujours des calembourgs et autres jeux de mots ; il y a aussi des situations qui choquent la décence, celle par exemple où Sirval pénètre dans la chambre d’Augusta, et en ferme la porte à Rembrant. Voici deux couplets qui ont été applaudis :
Air nouveau.
L’Hymen est beau le premier jour ;
Le maître cherche à nous séduire,
On le prend presque pour l'Amour
A son ardeur, à son délire.
Soumis, tendre et respectueux,
Ah ! combien il promet de choses !
Tout va s’embellir à ses yeux,
Et les épines sont des roses,
Le lendemain il est rêveur,
On a peine à le reconnoître,
Trois jours encore il est boudeur ;
Le quatrième c'est un maître.
Toujours endormi, paresseux,
Adieu les caresses badines.
Tout change bientôt à ses yeux,
Et les roses sont des épines.
Les auteurs sont les citoyens Servière, Moras, Morel et Etienne.
F. J. B. P. G***
L’Esprit des journaux français et étrangers, trentième année, tome I, vendémiaire an 9[septembre-octobre 1800], p. 214-216 :
[Un de ces innombrables vaudevilles sur une anecdote de la vie d’un personnage célèbre, auquel il faut bien sûr ajouter une intrigue sentimentale, accessoire indispensable de ce genre de pièce. Ici, c’est Rembrandt le héros d’une histoire à la vraisemblance limitée (mais le critique ne dit rien de cette vraisemblance, et parle de « situations très-heureuses »), dont seul le dénouement fait l’objet d’un jugement négatif : il est « un peu trop brusque ». La suite du compte rendu est consacré aux couplets, ceux qui ont été applaudis (dont l’un « dirigé contre les admirateurs outrés des artistes étrangers » : un peu de nationalisme...), mais aussi ceux qui « n’offrent pas des idées également neuves » (en clair, des idées que tout le monde a déjà mis en vers). Les auteurs ont été demandés. Mais le compte rendu ne dit rien des interprètes.]
THÉATRE DES TROUBADOURS.
Rembrand, vaudeville en un acte.
« On ne rend justice aux grands hommes que lorsqu'ils n'existent plus. » Convaincu de cette triste vérité, Rembrand, peintre célèbre, répandit un jour le bruit de sa mort & fit mettre en vente tous ses ouvrages. Cette supercherie lui réussit complètement ; tel tableau qui la veille eût à peine trouvé un acheteur, fut le lendemain mis à l'enchère & porté au prix le plus élevé.
C’est cette anecdote qui a fourni le sujet de Rembrand, représenté dernièrement, pour la première fois, avec beaucoup de succès. Les auteurs ont consu [sic] sur ce fond léger une petite intrigue qui n'est pas sans intérêt ; ils supposent que le peintre, jaloux de sa veuve, se déguise en huissier, procède lui-même à la vente de son atelier , & observe à la fois le galant qu'il soupçonne & les amateurs qui enchérissent ; ils supposent aussi que Gerardo, élève de Rembrand & auteur du beau tableau de la Femme hydropique, se met, en gémissant , au nombre des enchérisseurs, & veut à tout , prix acquérir une production du maître dont il pleure la perte. Ces moyens auxiliaires amènent des situations très heureuses ; il est seulement à regretter que le dénouement soit un peu trop brusque.
Parmi les couplets qui ont obtenu des applaudissemens, nous avons remarqué les suivans : le premier est dirigé contre les admirateurs outrés des artistes étrangers.
AIR nouveau.
Ainsi le frivole fleuriste,
A transporté dans ses jardins
La plante dont le prix consiste
A venir des pays lointains ;
Et, tandis que sa man dirige
L'arbuste d'un autre climat,
La rose, en accusant l'ingrat,
se flétrit et meurt sur sa sige.
Un marchand de tableaux voulant ravaler le talent du Rembrand, un jeune homme répond au critique :
AIR de la Clef forée.
SIRVAL.
Dans ses tableaux pleins de beautés,
La force à la grâce est unie.
FORBECK.
Mais souvent les difficultés
Semblent effrayer son génie,
Cachant les mains de ses sujets,
Dans l'ombre il les fait disparoître.
SIRVAL.
L'œil enchanté, dans ses portraits,
N'apperçoit que la main du maître.
Si nous avons encore remarqué d'autres jolis couplets, nous devons dire que tous n'offrent pas des idées également neuves. Ces deux vers :
Jamais les lauriers de la gloire
Ne croissent que sur des tombeaux,
ont été faits par tout le monde ; nous n'aimons pas, non plus, qu'on fasse trois couplets sur la rose & l’épine, sur l’épine & la rose ; ce refrein est depuis si long-temps dans toutes les bouches, qu'il doit paroître commun aux oreilles les moins exercées.
Les auteurs ont été demandés avec une sorte d'enthousiasme Ce sont les CC. Etienne, Moras, Morel & Servières.
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