René Lesage, ou Voilà bien Turcaret, comédie en un acte. de Barré, Radet, Deschamps et Després, 5 germinal an 10 [26 mars 1802].
Théâtre du Vaudeville
Le Magasin encyclopédique donne comme quatrième auteur Bourgueil à la place de Després.
Almanach des Muses 1803
Courrier des spectacles n° 1847 du 6 germinal an 10 [27 mars 1802], p. 2-3 :
[L’histoire, ou la politique, a rattrapé la pièce : il a fallu changer de couplet d’annonce, pour en placer un à la gloire de la paix, tout juste signée à Amiens. On a lui au public le message officiel célébrant cette paix. Le critique croit devoir ajouter qu’une aussi bonne nouvelle a contribué à faire que la pièce a été bien accueillie. Avant de donner l’analyse de la pièce, il faut bien sûr donner des renseignements biographiques sur Lesage, incluant une de ces anecdotes comme on les aime en ce temps lointain. L’intrigue repose sur Turcaret et le monde de la finance. Un financier craignant que la pièce ne lui nuise, ainsi qu’à sa profession, a soudoyé Lesage pour qu’il retire sa pièce, mais celui-ci fait finalement jouer sa pièce : il rend l’argent reçu des financiers, mais pas celui que l’émissaire des financiers a cru bon d’ajouter à leur contribution collective, qu’il remet à la sœur du financier que celui-ci a grugée. Quelques scènes marquantes sont signalées, et l’ouvrage est jugé « gai et sagement conduit », « les couplets sont marqués au bon coin ». Le critique signale simplement la présence (peu appréciées) de calembours dans certains couplets, et, plus grave peut-être, une faute contre la métrique sur le mot poète, réduit à deux syllabes. Les auteurs sont nommés. Rien sur les interprètes.]
Théâtre du Vaudeville.
René Lesage, ou Voilà bien Turcaret.
En vous conduisant chez Lesage,
Nous avons grand’peur de broncher.
Bien difficile est le voyage
Quand sur ses pas on veut marcher.
Sans prétendre aux traits dont il brille
Pour appui nous serions heureux
D’avoir seulement la béquille
Qui soutint le Diable boiteux.
Tel étoit le couplet d’annonce qui devoit appeler l'indulgence du public sur la pièce nouvelle ; mais le canon annonce la paix avec l’Angleterre. A l’instant les auteurs en improvisent un autre plus analogue à la circonstance, et moins froid ; chanté par l’Arlequin Laporte : le voici :
Pour éviter certaine guerre
Entre le public et l’auteur,
Par un couplet préliminaire
On vous engage à la douceur.
En conséquence moi Laporte,
J’allois vous demander la paix :
Le canon a la voix plus forte,
Il nous l'annonce et je me tais.
A la suite de ce couplet, un officier public vint faire la lecture de la lettre du ministre des Relations Extérieures, qui annonçoit la signature du traité de paix, à Amiens, le 4 germinal entre la France, l’Espagne, et la République Batave d’une part, et sa majesté le roi de la Grande Bretagne de l’autre, et l’on juge si cette agréable nouvelle contribue à l’accueil flatteur et mérité que reçut Réné Lesage.
Alain Réné Lesage, né en 1677 et mort en 1747, est trop connu par ses romans, sur-tout par ceux de Gilblas de Santillan et du Diable Boiteux, et par les jolies comédies de Crispin rival de son maitre, et de Turcaret, pour que nous entrions ici dans de grands détails sur sa vie. Son Diable Boiteux eut tant de débit, que deux seigneurs, dit-on, mirent l’épée à la main pour avoir le dernier exemplaire de la seconde édition. Voici de quelle manière il a été mis en scène par les cit. Barré, Radet, Deschamps et Després :
Lesage a lu la veille sa comédie de Turcaret chez le maréchal de Villars. Parmi les assistans se trouvoit un financier nommé M. Darmanville. Forcé de rire des traits comiques que l’on y a applaudis, il craint la représentation d’un ouvrage qui doit couvrir de ridicule tous les financiers. Pour l'empêcher, il vient trouver Lesage, lui propose au nom de tous ses confrères, 20 000 louis, s’il veut retirer sa pièce, et y ajoute pour son compte, douze mille francs. Lesage accepte le tout ; mais ensuite lui rendant la première somme, il ne garde que la dernière, qu’il restitue à la sœur de Darmanville, Clémence, jeune personne dont il est le protecteur et le soutien, et qui a droit à cette somme, que son frère lui retient, refusant de la reconnoître pour sa sœur.
L’acteur Poisson, qui a établi le rôle de Turcaret, paroît dans cette pièce en financier, et cet habit de théâtre donne lieu à une scène comique qui n’a pas été assez sentie ni par les acteurs ni par le public. Celle où Lesage donne un billet de parterre à Darmanville, n’a pas paru moins plaisante. Cet ouvrage est gai et sage ment conduit, peut-être un peu froid dans les premières scènes. Les couplets sont marqués au bon coin, deux ou trois seulement rappellent les calembourgs, et un entr’autres nous paroît pêcher contre la mesure :
. . . . . . . . .
Il paroîtroit plus régulier
De voir, faisant humble courbette
Deux poëtes chez un financier
Que deux financiers chez un poëte.
Poëte est de trois syllabes, et ici on ne l’a fait que de deux.
F. J. B. P. G***.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, VIIe année (an IX-1801), tome VI, p. 260-261 :
Théâtre du Vaudeville.
René Lesage, ou Voilà bien Turcaret.
Heureusement pour les auteurs de ce vaudeville, joué le 5 germinal, que l'annonce de la paix avoit favorablement disposé les spectateurs. On l'a cependant reçu avec quelque froideur. Une seule scène a excité le rire, encore le jeu des acteurs y a-t-il beaucoup contribué.
LESAGE, si connu par ses romans et ses comédies, Gilblas, le Diable boiteux, Crispin rival, Turcaret, devoit être présenté sous un aspect plus gai. Ici, c'est un homme bon et sensible, mais très-froid, et qui fait restituer, par un riche financier, à une sœur qu'il laisse dans le besoin, une partie de sa fortune. La scène épisodique où Poisson prend sur ce financier des leçons pour jouer son rôle de Turearet, est la seule qui ait fait plaisir. Les couplets sont négligés ; on n'y a pas reconnu la touche des soutiens du Vaudeville, qui se sont pourtant fait nommer après avoir été faiblement demandés. Ce sont les CC. BARRÉ, RADET, BOURGUEUIL et DESCHAMPS.
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