Rienzi

Rienzi, tragédie en cinq actes, en vers, de Laignelot, 2 mars 1791.

Théâtre de la Nation.

Titre :

Rienzi

Genre

tragédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

2 mars 1791

Théâtre :

Théâtre de la Nation

Auteur(s) des paroles :

Laignelot

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez les Marchands de Nouveautés (sans date : 1790) :

Rienzi, tragédie en cinq actes et en vers, par Joseph-François Laignelot, Représentée à Paris, par les Comédiens Français du Faubourg St.-Germain, en mars 1790.

Le texte de la pièce est précédé de l’article que le Dictionnaire de Bayle consacre à Rienzi, et d’un extrait de De la manière d’écrire l’histoire de Mably. Deux extraits destinés à souligner le glissement du personnage de la haine des tyrans à la tyrannie.

Extrait du Dictionnaire de Bayle.

Laurentio (Nicolas) vulgairement appelé Cola di Rienzi, a été, dans le XVe. siècle, l'un de ces hommes que la providence de Dieu emploie de tems en tems, comme un théâtre où l'on puisse voir (1) les vicissitudes et les bizarreries de la condition humaine. Il était fils d'un petit cabaretier et d'une lavandière. L'attachement qu'il eut à l'étude dans sa jeunesse, et la force naturelle de son esprit, le rendirent fort habile. Il devint très-éloquent, et il savait par cœur les plus beaux endroits de Cicéron, de Tite-Live, de Jules César, de Valère-Maxime et de Sénèque. Il aimait extrêmement les anciennes inscriptions, et savait fort bien les déchiffrer. Les commissaires des quartiers de Rome l'ayant député au pape Clément VI qui siégeait à Avignon, il harangua si éloquemment, qu'il s'attira l'estime et la bienveillance de ce pontife, et l'admiration de cette cour. Cela lui donna le courage de déclamer contre les grands seigneurs de Rome qui opprimaient la bourgeoisie. Laurentio (de retour) s'échauffa de plus en plus contre les petits tyrans, et ne cessa de haranguer contre eux dans le capitole et dans diverses églises, le tout afin de marquer la mauvaise administration de la justice. Les intéressés prirent cela pour un jeu, et principalement lorsqu'ils virent que ses harangues étaient mêlées de plaisanteries, et qu'il menaçait du dernier supplice quelques-uns d'entr'eux. Apparemment ils crurent alors que, par ses extravagances, il se mettrait hors d'état de nuire, mais ils se trompèrent : car, se prévalant de l'absence d'Etienne Colonne (gouverneur) qui était sorti de Rome avec des soldats pour faire venir des vivres, il assembla le peuple, il harangua, il fit des lois, il chassa de la ville tous les grands, il s'empara des fonctions de judicature, et fut déclaré tribun auguste et libérateur du peuple en 1346. La faction des exilés fut incapable de lui résister, à cause du peu d'union qui était entr'eux : ainsi il disposa des choses à sa fantaisie, et se vit le chef d'une nouvelle république romaine, au nom de laquelle il écrivit aux autres états, à l'empereur et au pape même. Pour mieux affermir son autorité, il condamna bien des gens au dernier supplice. Il reçut des ambassades de la part de plusieurs princes et de plusieurs républiques, (le roi de France ne voulut pas le reconnaître) et cita hardiment le pape à venir séjourner à Rome avec le collége des cardinaux. Il fut si heureux dans la guerre qu'il soutint contre la faction des nobles, qu'il la dissipa entièrement. Mais, alors, il fit comme la plupart de ceux qui se soulèvent sous le beau prétexte de la liberté : ce n'est point la tyrannie qu'ils haïssent, mais les tyrans ; ils sont fâchés que d'autres qu'eux exercent la souveraine puissance. Laurentio n'eut pas plutòt abattu la tyrannie des autres, qu'il devint lui-même tyran. On le traita comme il avait traité les autres.

Quelques-uns de ses écrits subsistent encore. Pétrarque, son admirateur et son contemporain, a fait un beau poëme italien à sa louange.

(1) Les payens appelaient cela les momens de la belle humeur de la fortune; mais ils auraient pu ajouter que ce jeu finit ordinairement à la manière des tragédies. C'est sur ce pied-là que fut dénouée la pièce que notre Laurentio joua sur le grand théâtre du monde.

Tolluntur in altum, ut lapsu graviore ruant.

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Extrait de Mably.

Après avoir reproché au père Ducerceau, auteur de la Conjuration de Rienzi, d'avoir barbouillé le caractère de cet homme célèbre, dont l'histoire demandait un Salluste, (ce sont les expressions de Mably) cet ecrivain continue ainsi :

« J'ai été étonné de trouver un homme de mérite, que son historien n'avait pas compris, fort supérieur à ses contemporains, et qui, dans un siècle plus heureux, aurait exécuté de grandes choses. Vivement frappé de la différence qu'il voyait entre le gouvernement des anciens Romains et celui des papes exilés alors de leur capitale où ils ne savaient pas régner, il s'indigne de l'humiliation de sa patrie et veut la venger. N'espérant de secours que d'un peuple qui n'était qu'une vile canaille opprimée par les barons, et ne pouvant agir ni comme un prince ni comme un grand seigneur, il est obligé de sonder les esprits avec une extrême circonspection, de s'expliquer d'une manière hiéroglyphique; et, avant que de vouloir établir la liberté, il veut savoir si la multitude la desire et mérite d'avoir un tribun. Le tribun de la nouvelle Rome, qui, sans doute, aurait fait un rôle considérable dans l'ancienne, ne fit qu'une faute, mais capitale, et qui ruina nécessairement ses espérances et ses projets. L'ambition de Rienzi, en le faisant armer chevalier, ne me parait plus que celle d'un bourgeois. Pour faire le gentilhomme, il ne s'aperçoit pas qu'il dégrade sa qualité de tribun qui l'élève au-dessus de la noblesse. Un moment de distraction, un moment de faiblesse le perd entièrement. Il ne peut plus réussir, parce qu'il est méprisé de la noblesse qui l'adopte, et haï du peuple dont il se sépare ».

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ACTEURS.

RIENZI, Tribun de Rome moderne.

COLONNE, ancien Gouverneur de Rome.

CERRONI, Préfet de Rome.

RENAUD-DES-URSINS, Général de l'armée.

CASTELLA, Seigneur romain.

EUPHEMIE, Fille de Colonne.

UN CHEF DE SOLDATS.

UN LICTEUR.

TROUPE DE SOLDATS ÉTRANGERS.

LICTEURS.

LE PEUPLE.

La scène est à Rome, dans le Capitole.

La date de création figurant sur la brochure ne correspond pas à ce qu’on sait par ailleurs : c’est le 2 mars 1791 et non en mars 1790 qu’elle a été représentée.

 

Mercure universel, tome 1, n° 3 du jeudi 3 mars 1791, p. 47 :

[Si la pièce est confuse, le compte rendu l'est aussi : le nom du héros est déformé dans tout l'article, sauf tout à la fin, et le critique a oublié de dire d'emblée où et quand la pièce est censée se situer. Le résumé de l'intrigue s'arrête à la fin du troisième acte, la fin de la pièce étant rendue inaudible par les murmures (de forts murmures !). Avant que le bruit devienne trop fort, le critique a compris que Rienzi était un tyran amoureux, qu'il séquestre le père de sa bien aimée parce qu'il s'oppose à son mariage, que son ami tente de le raisonner, mais en vain, et qu'il lui donne une épée avec mission de l'assassiner « s'il veut opprimer la liberté publique ». Dans ces trois premier sactes, le public a applaudi des vers susceptibles d'être appliqués à l'époque présente. Mais dans la partie inaudible, et de ce fait incompréhensible, le critique peut seulement dire ce qu'il a vu sans vraiment le comprendre. Le jugement porté sur la pièce est sévère : aucun personnage intéressant. Le bruit a commencé quand un personnage a fait l'éloge de la papauté et des interdits qu'elle impose : « un parterre régénéré » ne peut pas tolérer de tels propos. Et les défauts de la pièce, versification, trivialités (dont celles dignes d'un domestique dans la bouche de Rienzi) ont achevé de la faire tomber. Un incident a beaucoup ému le public : l'acteur jouant le rôle de l'ami de Rienzi a frappé au visage l'acteur jouant Rienzi, et on a cru qu'il lui avait crevé l'œil. Il n'a en fait eu qu'une contusion au nez.]

Théâtre de la nation.

On a donné hier à ce théâtre la première repré entation de Rieuzi [sic], tragédie nouvelle.

Rieuzi [sic bis], tribun du peuple, mais cruel, ambitieux, veut tout asservir sous son joug despotique. Il retient captif Colonne, dont il veut éponser [sic] la fille, nommée Euphémie ; Colonne rejette ses offres avec horreur. Cette audace enflamme le courroux de Rieuzi [sic ter] qui jure sa mort. Mais Roni, son ami fidèle, veut en vain essayer de le ramener à la vertu, il n’écoute que la fougue de ses passions ; cependant, pour abuser le peuple, il le nomme préfet et lui donne une épée pour le tuer s’il veut opprimer la liberté publique.

Telle est à peu près la marche des trois premiers actes.... Les murmures qui ont accompagné les deux autres m'auront empêché d’en démêler les incidens, qui d’ailleurs sont fort embrouillés, il nous suffira de dire que l’on met le feu, on ne sait trop pourquoi, au Capitole, et que Rieuzi [sic quater], après avoir inutilement harangué le peuple, meurt de la main de Roni, et satisfait par-là la haine de Colonne.

On a vivement applaudi quelques beaux vers des premiers actes, tel que celui-ci, au sujet des foudres du Vatican.

« Son tonnerre impuissant s'éteindra dans la nue. »

Et le suivant :

« Du sein du néant il peut sortir un homme. »

Sans oublier encore celui-ci, en parlant d'actions.

« Un tribun n’en a point dont il ne doive compte

Mais, en général, la pièce n'a nullement intéressé, et aucun personnage en effet n’y est intéressant. Les rumeurs ont commencé au troisième acte, lorsque Colonne prend, avec emphase, la défense du pape et de ses interdis [sic]. Cette capucinade n’a pas ému un parterre régénéré. Une versification lâche, quelquefois confuse, des expressions de mauvais goût, des dénominations triviales, telle que celle de domestique dans la bouche du tribun, ont achevé de faire tomber la pièce. Mais un accident involontaire a causé plus de sensation que toute la tragédie. M. Vanhove, en voulant poignarder Rienzi, a blessé au nez M. Saint-Prix qui jouoit ce rôle... Le public a cru qu’il avoit l’œil crevé : heureusement il n’en étoit rien, et de nombreux applaudissemens ont prouvé à M. Saint-Prix combien on prenoit part à sa blessure. Nous avons vu, nous-mêmes, M. Saint-Prix : nous pouvons assurer qu’il n’a qu’une légère contusion au nez.

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 12 du samedi 19 mars 1791, p. 110 :

Nous attendrons pour parler de Rienzy, Tragédie nouvelle, qu'une seconde représentation ait mieux assuré son sort.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 4 (avril 1791), p. 345-347 :

[Le compte rendu s’ouvre par une présentation du personnage éponyme, un Romain du XIVe siècle né « dans une condition obscure », devenu tribun de Rome et un « tyran du pays dont il se disoit le libérateur », et qui finit après bien des aléas par être exécuté. La pièce pose au critique un dilemme : son personnage change profondément au milieu de l’intrigue, et après avoir été admirable, devient « odieux », et sa conduite est jugée indigne d’un personnage principal d’une tragédie. C’est donc un jugement négatif qu’il est amené à porter sur une pièce dont « l'intrigue ressemble à toutes celles que l'on connoît ». Par contre, il valorise un autre personnage, un plébéien qui, de partisan de Rienzi, en vient à le combattre. Ses propos éloquents ont suscité « de grands applaudissemens ». De ces « tirades éloquentes » le critique tire la conclusion que l’auteur de cette tragédie, qui a échoué, « n’est point un homme médiocre ».]

Le mercredi 2 mars, on a donné une représentation de Rienzi, tragédie nouvelle en cinq actes, de M. Laignelot.

Nicolas-Gabrio Rienzi, né à Rome, dans une condition obscure, s'est fait un nom célebre, par son amour immodéré pour la liberté républicaine, par la souplesse de son génie, par l'audace de son ambition, par ses succès presqu'inconcevables, par l'opposition très-remarquable de ses terreurs & de ses ressources dans l'adversité, par sa chute & même par sa mort. Il se rendit maître de Rome, y établit un gouvernement sous le titre de bon état, se fit décerner le titre de tribun, se rendit redoutable dans toute l'Italie, reçut des ambassadeurs, donna des ordres à quelques souverains, devint le tyran du pays dont il se disoit le libérateur, fut obligé de fuir, de vivre obscur & fugitif, reparut dans Rome, y reprit sa puissance, en abusa plus que jamais, excita de nouveau la haine publique, voulut fuir encore ; mais reconnu & arrêté, il fut conduit sur le perron du lion, où sa présence en imposa tellement, que pendant une heure on trembla, pour ainsi dire, d'abattre la tête de ce monstre ambitieux, féroce, perfide, & le modele éternel de ces tribuns ou démagogues qui enchaînent les peuples sous prétexte de les rendre à la liberté. Tel est le principal personnage de la tragédie nouvelle.

L'auteur a su tirer un grand parti de caractere de cet homme extraordinaire ; il l’a même agrandi, embelli, au point que dans le cours des trois premiers actes, Rienzi excite une admiration continuelle, dont il résulte même un assez vif intérêt. Après ce troisieme acte, malheureusement, le personnage, qui a déja laissé percer quelques traits de scélératesse, de vengeance et d'ambition, commence à devenir odieux, & sa conduite paroît si bizarre, si vague, si hors de la dignité que doit conserver au théatre un caractere principal, que l'intérêt s'anéantissant tout-à-fait, laisse revenir sur tous les défauts de l'ouvrage, dont la marche est lente & mal ordonnée, dont l'action est souvent vuide, & où ce qu'on apperçoit de mouvemens populaires qui devroit être relatif à l'ambition du tribun ou à l'intérêt du peuple romain, se borne à présenter quelques amas d'hommes immobiles qui forment une décoration stérile. L'intrigue ressemble à toutes celles que l'on connoît. Un pere malheureux, une fille qui craint pour la vie de son pere, Rienzi qui veut l'épouser, un Ursin son rival aimé, mais haï par le pere ; des dangers, des bravades, des projets d'assassinat, des fuites, des retours, des dévouemens, deux meurtres & un mariage. Íl ne faut pourtant pas oublier de parler d'un caractère très-bien fait & qui contraste avec celui du tribun. C'est le personnage d'un plébéien, nommé Ferroni, ami de Rienzi, idolâtre comme lui de la liberté, mais ferme, vertueux, désintéressé, austere, qui suit pas à pas l'ambition du tyran, qui la combat en particulier & en public, qui la démasque & qui finit par sacrifier son ami au salut de Rome. On a donné de grands applaudissemens à ce rôle, qui, avec celui du tribun, avec les pensées fortes, les vers heureux & les tirades éloquentes qu'on remarque dans la piece, prouve que l'auteur de Rienzi, pour s'être trompé, peut-être dans le choix, & sans doute dans l'exécution de son sujet, n'est point un homme médiocre. sa piece n'a pas eu d'autre représentation.

D’après la base César, la pièce, créée le 2 mars 1791 sur le Théâtre de la Nation, n'a pas reparu sur le théâtre.

La Bibliothèque de Soleinne, tome deuxième (Paris, 1844), p. 191 signale que la pièce, imprimée en 1790, a de nouveau été publiée en 1804, comme une protestation contre le gouvernement du premier consul, et que cette édition a été « entravée, sinon supprimée par la police ».

Elle indique aussi que Laignelot est l'auteur d'une autre tragédie, en cinq actes et en vers, Agis, publiée en 1782 et pour laquelle César ne connaît que deux représentations, une le 23 décembre 1779, au Château de Versailles, et l'autre le 6 mai 1782 au Théâtre de l'Odéon..

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