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Rose et Picard, ou la Suite de l'Optimiste
Rose et Picard, ou la Suite de l'Optimiste, comédie en 1 acte, en vers, de Collin-Harleville, 28 Prairial an 2 [16 juin 1794].
Théâtre de la République
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Titre :
Rose et Picard, ou la Suite de l'Optimiste
Genre
comédie
Nombre d'actes :
1
Vers / prose ?
en vers
Musique :
non
Date de création :
28 prairial an 2 [16 juin 1794]
Théâtre :
Théâtre de la République
Auteur(s) des paroles :
Collin-Harleville
Almanach des Muses 1795.
L'Almanach des Muses transforme le « jeune Picard » en « jeune Picart ».
Petite pièce patriotique très-accueillie.
On y retrouve avec plaisir, tous les personnages qu'on a vus dans l'optimiste, mais ils ont changé de physionomie avec le temps, et n'en sont pas moins intéressans.
Des détail charmans, comme dans les autres comédies du c. Collin-Harleville.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Prault, l'an III de la République française :
Rose et Picard, ou suite de l'Optimiste, comédie en un acte et en vers, avec un vaudeville et des couplets ; musique de Dalayrac, Par Collin-Harleville
Une note précise : On trouve chez le même Libraire, L'Optimiste, auquel l'Auteur a fait des changemens.
Dans la Biographie universelle, ancienne et moderne, etc., tome 9 [1813], p. 266, on précise que « cette pièce est un sacrifice fait aux opinions du temps ».
La Décade philosophique, littéraire et politique, an II, tome premier, n° 7 (10 Messidor), p. 424-425 :
Rose et Picard, ou la suite de L'Optimiste. Comédie en un acte, en vers, de Collin-Harleville.
C'est probablement à l'acrimonieuse diatribe qui précède la comédie du Philinthe de Molière, que nous sommes redevables de l'agréable pièce que nous annonçons aujourd'hui. L'auteur, attaqué avec autant de fiel que d'injustice, a mis sa réponse en action. Il a prouvé, sans beaucoup d'efforts, que son Optimiste n'étoit point un caractère immoral , dangereux.
Plinville qui, depuis la révolution, se nomme Agathon, n'a point changé de systême ; mais ce caractère n'est plus entaché d'aucune teinte d'égoïsme. — Ce n'est plus parce qu'il est heureux et tranquille dans sa terre, au milieu de ses vassaux que M. de Plinville trouve que tout est bien ; c'est parce qu'il voit le règne de la liberté, et qu'il jouit d'avance du bonheur qu'on prépare à sa patrie, que le citoyen Agathon s'affermit dans son opinion que tout est au mieux.
Mais la ci-devant madame Plinville n'est pas si émerveillée du nouvel état des choses. Elle regrette encore les rangs, les distinctions et toutes les autres jouissances de la vanité. Aussi, ne veut-elle point accorder sa parente, la douce Rose, à qui elle sert de mère, au fils de son ancien portier (le jeune Picard), qui aime et qui est aimé. Mais enfin elle est obligée de céder aux instances de son mari et de l'ami Morinval, qui n'est plus cet âpre frondeur, dont le caractère contrastoit avec l'optimiste. – Picard épouse Rose ; il en est bien digne : c'est un jeune militaire qui s'est déjà distingué dans les combats.
Telle est toute la pièce. L'intrigue n'en est pas forte(1) ; mais Collin a prouvé qu'avec de frais tableaux, de piquans détails, on pouvoit réussir à intéresser pendant un acte. On est sans cesse ému par des descriptions douces et vraies, par des vers simples, naturels, qui semblent être tombés sans peine de la plume de l'auteur. – Souvent des tirades du plus pur patriotisme. – Collin est du petit nombre des auteurs qui ont un style, un faire, qui mettent un cachet à leurs productions.
Monvel joue avec l'intelligence, le goût qu'on lui connoît, le rôle d'Agathon ; la citoyenne Simon, celui de Rose avec candeur, sentiment et décence.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 7 (juillet 1794), p. 296-300 :
[Le compte rendu de cette pièce, qui était une tentative de s’expliquer après les attaques dont l’Optimiste avait été l’objet est plein d’enthousiasme pour la pièce nouvelle : après en avoir résumé l’intrigue, le critique souligne que la force de la pièce, c’est dans les détails multiples, « nouveaux à chaque scene », qu’on la trouve. A quoi s’ajoutent « la pureté, le naturel & la facilité du dialogue », l’abondance des « beaux vers marquans ». Mais le plus précieux, c’est l’habileté avec laquelle l’auteur combat l’esprit aristocratique, aussi bien en argumentant contre lui qu’en jouant de la sensibilité de chacun : la pièce est une incitation « à se confondre fraternellement & sans réserve. dans la grande famille ». Concrètement, c’est en citant, directement ou en les réécrivant en des beaux vers, les grands décrets de la révolution, en particulier ceux sur l’Être suprême et sur la domesticité que la pièce provoque une très forte émotion au théâtre, où tout le monde verse des larmes « dans l'attente prochaine d'un bonheur assuré, conséquence nécessaire de l'ensemble de notre législation ». Conclusion : une pièce exceptionnelle, qui reprend des personnages anciens, mais leur donne une physionomie nouvelle. En supplément : un vaudeville sur l’auteur et sa pièce, par un patriote...]
THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE.
Rose & Picard, ou la suite de l'Optimiste, comédie en un acte & en vers.
La fille de l’Optimiste, mariée à Belsort, demeure chez son pere, où elle nourrit l'enfant dont elle est accouchée depuis l'absence de son mari, qui est parti pour se battre sur les frontieres. La jeune Rose, dont la naissance, dans la premiere piece, est annoncée comme mystérieuse, est restée auprès de la femme de Belfort, & sert de gouvernante ou de berceuse pour l'enfant. Le vieux Picard, portier, dans la premiere piece, s'est enfin retiré du service ; il a un fils, excellent sujet, auquel la révolution a donné l'occasion de développer ses bonnes qualités : il est amoureux de Rose ; Rose, bonne républicaine, ne voit pas avec indifférence l’empressement d'un aussì bon républicain, qui joint à ce premier mérite beaucoup d'autres qualités très-estimables ; tous deux désirent vivement leur union, & leur amour fait toute l'intrigue de la piece.
Les vœux de ces deux amans sont vus avec beaucoup de faveur par tout le monde. Morìnval même, le pessimiste de la premiere piece, leur accorde sa protection, & leur promet son assistance ; mais Mme. de Plainville, femme du ci-devant M. de Plainville, l'optimiste, s'oppose fortement au mariage, choquée jusqu'à l’excès d'une révolution dont les premiers effets ont été le changement de nom de la terre de son mari, pour prendre celui de sa famille ; la perte de ses prérogatives, de la chasse, &c., mais plus que tout, ce nom généralisé de citoyenne, substitué à celui exclusif de Madame, augmentent de beaucoup cette humeur chagrine, qui, dans la premiere piece, faisoit le fond de son caractere. On sent assez combien doit être choquante à ses yeux l'union projettée de Rose, fruit unique du mariage secret d'une de ses proches parentes, avec Picard, chaud patriote, & fils de son ancien portier.
Cependant le ci-devant M. de Plainvílle, devenu le citoyen Agathon, ne désespere pas de la conversion de sa femme ; elle est bonne ; elle a I'esprit droit. Il pense qu'avec ces bonnes qualités il est impossible qu'elle persévere encore long-tems dans son aristocratie : en effet, touchée des instances de tous, du ton respectueux & tendre de Rose, de la vertu de Picard, & de la joie universelle en apprenant le succès des armes de la république, elle embrasse avec chaleur l'esprit républicain, & donne avec joie son consentement au mariage des deux jeunes amans.
Voilà sèchement l’intrigue de la piece ; mais les détails, nous ne pouvons les donner à nos lecteurs, car ces détails charmans sont nouveaux à chaque scene. Cette piece brille en outre par la pureté, le naturel & la facilité du dialogue. Les beaux vers marquans s'y succedent avec une rapidité inconcevable : mais ce qui la rend plus précieuse encore, c'est que l’auteur a fait naître, avec beaucoup d'adresse, les situations propres à combattre, avec le plus grand avantage, l'esprit aristocratique, soit par les raisonnement les plus concluans, soit par une sensibilité qui entraîne & porte involontairement tons les cœurs à se confondre fraternellement & sans réserve. dans la grande famille.
Tous les décrets qui font époque & qui sont propres à hâter la régénération si nécessaire de nos mœurs, y sont ou cités à propos d'une maniere ingénieuse, ou traduits, pour ainsi dire, en beaux vers. Ceux en particulier sur l'Être suprême, & sur la domesticité ont excité un mouvement général & sublime : les larmes couloient de tous les yeux dans l'attente prochaine d'un bonheur assuré, conséquence nécessaire de l'ensemble de notre législation.
L'esprit, la grace de détails, & la fraîcheur du style, distinguent particuliérement cette jolie comédie. Ce nouvel ouvrage, de Colin-Harleville, soutient la haute réputation que cet auteur estimable s'est acquise dans la république des lettres. On y retrouve, avec plaisir, tous les personnages qu'on a vus dans l’Optimiste ; mais ces personnages ont changé de physionomie avec les événemens, ils n'en sont pas moins intéressans.
A l’auteur de Rose & le jeune Picard.
Air du vaudeville de l’Officier de fortune.
Honneur à ton nouvel ouvrage,
Aimable auteur, bon citoyen ;
Sur tes succès reçois l'hommage
D'un frere, d'un republicain !
Dans tes vers la vertu respire ;
Des mœurs ils seront le soutien :
L’homme à son fils les fera lire,
Pour former son cœur sur le tien.
De notre liberté chérie,
Quand tu retraces les bienfaits,
Chacun avec transport s'écrie :
Je suis François ! je suis François !
Le modéré même s'oublie :
Alors s'avouant citoyen,
Entraîné par ton énergie,
II répete : tout ira bien !
Par S. R***., de la section de Guillaume Tell.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1795, volume 1 (janvier-février 1795), p. 99-102 :
[Après la critique de la représentation, la présentation, nettement favorable à la pièce, de la brochure qui vient de paraître. Le propos est élogieux, à deux réserves près : la pièce n’est pas de celles qui ajouteront à la gloire de l’auteur, et la versification est souvent bien proche de la prose rimée, qui n’est pas la poésie. Sinon, que de qualités : « cette simplicité dans le tissu de l'intrigue, cette unité, cette continuité dans les caracteres, cette vérité dans les sentimens & dans l’expression, si nécessaires au poëme comique », « le style correct, facile, élégant de l'auteur de l'Optimiste », « des beautés de plus d'un genre ». La suite du compte rendu est consacré à citer des tirades de la pièce, qui montrent « dans quel esprit [l’ouvrage] a été composé. ». Ces tirades sont d’un républicanisme strict : la pemière tirade citée s’achève sur un vers qu’on pourrait graver sur une médaille (« .on n'est républicain qu'à force de vertus »), et c’est le triomphe des lois qu’on prédit, « lorsque nous n'aurons plus rien à craindre des tyrans ni des traîtres ». Mieux même; la dernière tirade devient un véritable programme politique, puisque sa fin réalise l’exploit de donner « en six vers l'esprit du même nombre de décrets principaux sur lesquels doit porter la morale publique ». Que de vertu !
ROSE & Picard, ou suite de l’Optimiste, comédie en un acte & en vers, avec un vaudeville & des couplets, musique de DALEYRAC ; par COLLIN HARLEVILLE. Prix, 30 sols avec la musique. Paris, chez Prault, imprimeur, quai des Augustins, à l’immortalité, n°. 44. L'an 3e de la. république françoise.
Cette piece, dont nous avons déjà fait connoître le sujet & la conduite, ne peut être comparée ni pour le fonds ni pour les détails avec les grandes productions du citoyen Collin-Harleville. Mais si elle n'ajoute pas à sa réputation, du moins on ne l'en jugera point indigne. On y remarquera cette simplicité dans le tissu de l'intrigue, cette unité, cette continuité dans les caracteres, cette vérité dans les sentimens & dans l’expression, si nécessaires au poëme comique, où l'action nous étant plus familière que dans les autres poëmes, & le défaut de vraisemblance plus sensible, tout doit concourir davantage à rapprocher la fiction de la réalité. Le lecteur y retrouvera aussi le style correct, facile, élégant de l'auteur de l'Optimiste & du vieux Célibataire. Peut-être que le coloris en paroîtra plus foible & la versification moins parfaite. Beaucoup de vers enjambent les uns sur les autres, beaucoup manquent de césure, & ne différent de la prose que par la rime. Il est vrai que Moliere en offre plusieurs exemples, & que cette licence produit quelquefois un si heureux effet, qu'on seroit fâché que la regle n'eût pas été violée. Mais enfin, c'est une licence, & le poëte n'en a peut-être pas usé avec assez de réserve. Ce tort, au reste, est effacé par des beautés de plus d'un genre. Ceux qui ont vu jouer la piece n'ont pas oublié la scene où Morinval & Agathon expriment leurs sentimens républicains. Nous allons en transcrire quelques morceaux, qu'ils liront sans doute avec plaisir. Ceux qui ne connoissent point encore assez l'ouvrage, verront dans quel esprit il a été composé.
Agathon ayant demandé à Morinval s'il étoit vrai, comme le disoit sa femme, qu'il ne fût pas content de tout ce qui se faisoit, celui-ci lui répond :
Non, mon cher Agathon, je ne suis point changé.
Exempt, tu le sais bien , de maint sot préjugé,
J'ai de tout tems haï, frondé la tyrannie,
Détesté l'esclavage; &: mon sombre génie
En secret révolté contre oppression,
N'avoit pas attendu la révolution.
J'ai senti le besoin d'un autre ordre de choses :
Grace au ciel, il existe ; & toi tu me supposes
Contre ce qui s'est fait un injuste chagrin ?
Non. Si je gronde ici, c'est en républicain;
C'est en homme qui craint que de ce titre insigne
Plus d'un François encor ne soit pas allez digne;
Qui voit avec douleur qu'on n'est point pénétré
De cet esprit public &. de ce feu sacré
Dont devoit enftammer l'amour de la patrie.
De cent traits généreux mon ame est attendrie.
Mais, mon ami, combien de basses actions,
De calculs ténébreux, de viles passions !...
Chez la plupart, combien de froideur, d'égoïsme !
Qu'il est sous le manteau d'un beau patriotisme
De traîtres, d'intrigans, d'avides fournisseurs !
Et tout cela, pourquoi ? c'est qu'on n'a point de mœurs ;
C'est que tout a changé, tout, excepté les hommes :
Et que nous-même enfin, oui, tous tant que nous sommes,
Ne semblons pas encore assez bien convaincus
Qu'on n'est républicain qu'à force de vertus.
L'optimiste Agathon trouve sans peine des raisons pour nous justifier ; il promet à son ami que, le regne des loix s'affermira.
Les mœurs y répondront, & l'on reconnoîtra
Que notre république , heureuse & tro»mphante,
A les vertus pour base &: même les enfante.
Que dis-je, ajoute-t-il, à la fin de la scene ? nous en jouissons déjà;
Ce Dieu dont on avoit défiguré l'image
Reçoit d'un peuple entier un simple & pur hommage.
Apres Dieu, c'est la loi, dont l’invisible main
Nous va des bonnes mœurs applanir le chemin.
Vois la maternité de respects entourée,
Le célibat flétri, la vieillesse honorée,
La pitié tendre unie à l'amour filial,
Le divorce épurant le lien conjugal,
La chicane, cette hydre, à jamais terrassée,
D'un luxe corrupteur la mémoire effacée,
Et ces secours qu'enfin donne l'humanité
Ne laissant nul prétexte à la mendicité ;
Par-tout haine aux pervers, honneur à la décence,
Au malheur; & sur-tout respect à l'innocence.
Au mérite réel de cette. derniere tirade, se joinlt la difficulté vaincue d'avoir donné en six vers l'esprit du même nombre de décrets principaux sur lesquels doit porter la morale publique.
André Tissier, Les Spectacles à Paris pendant la Révolution, tome 2, De la proclamation de la République à la fin de la Convention nationale, p. 31 :
[André Tissier, grand connaisseur du théâtre de la Révolution et de Collin d'Harleville, décrit le destin de Rose et Picard, justification de l'Optimiste, entre succès public et « censure » jacobine.]
Quant aux pièces nouvelles, elles furent passées au crible ou soumise à l'appréciation des chefs jacobins. Le bon Collin d'Harleville, devenu Collin-Harleville, en sut quelque chose, quand, pour répondre aux accusations qu'avaient portées Fabre d’Églantine en 1791 contre son Optimiste, il écrivit Rose et Picard, ou la suite de l'Optimiste : malgré un accueil très favorable (16 juin 1794), les représentations de la pièce furent arrêtées, car Robespierre ne trouvait pas convenable qu'un ex-noble (M. de Plinville, l'optimiste) « donnât des leçons de vertu et de patriotisme à un sans-culotte » (le jeune Picard).
D'après la base César, la pièce de Collin d'Harleville a été représentée 8 fois au Théâtre Français de la rue de Richelieu, du 16 juin au 6 septembre 1794.
(1) Un plaisant, à la premiere représentation, dit en jouant sur le mot, qu'on ne pouvoit pas reprocher à l'auteur d'être un intrigant.
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