La Soirée de Vaugirard

La Soirée de Vaugirard, pièce anecdotique en un acte et en vers d’Armand Charlemagne, 9 vendémiaire an 5 [30 septembre 1796].

Théâtre de Molière.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez les libraires au Théâtre de Molière et au Théâtre du Vaudeville, an 5e :

La Soirée de Vaugirard, pièce anecdotique en un acte et en vers d’Armand Charlemagne, créée sur le Théâtre de Molière le 9 vendémiaire an 5.

Eugène Jauffret, le Théâtre révolutionnaire (1788-1799) (Paris, 1869), p. 379-382 :

[Jauffret, qui a fort peu de sympathie pour la Révolution, en est arrivé à l’année 1796 dans son histoire du théâtre révolutionnaire. C’est le moment du directoire, qu’il juge très sévèrement. La pièce de Charlemagne repose sur ce qu’on pourrait appeler un fait historique, une tentative de soulèvement dans la nuit du 9 au 10 septembre : des conjurés, derniers restes des partisans de Babeuf, tentent de faire se soulever un régiment de dragons campés à Vaugirard. Sans doute trahis, ils échouent. La pièce montre ces conjurés à l'œuvre dans un cabaret, et Jauffret se fait plaisir en les évoquant sous un jour très négatif : des escrocs en tout genre qu’on choisit comme général, des lâches.]

La Soirée de Vaugirard, pièce anecdotique en un acte et en vers, par Armand Charlemagne, fut représentée, sur le théâtre Molière, le 30 septembre 1796 (9 vendémiaire an IV).

Le vingt-unième régiment de dragons, formé en grande partie de la légion de police dissoute après le 13 vendémiaire, avait son quartier général au camp de Grenelle. Ce camp touchait au quartier de Vaugirard qui, à cette époque, n'était pas couvert d'habitations, comme il l'est aujourd'hui. Çà et là s'étendaient de grands espaces vides, coupés irrégulièrement par des murs et sillonnés de maisons ou plutôt de masures, derrière lesquelles on pouvait se cacher ou se défendre. Ce fut ce quartier que choisirent les conjurés comme champ de bataille, avec l'espoir d'entraîner le régiment de dragons, où le vieil esprit jacobin n'était pas éteint complétement.

Ils s'y transportèrent donc le 9 septembre, dans la nuit, au nombre de cinq à six cents, armés de fusils, de sabres et de pistolets. On remarquait au milieu d'eux quelques officiers destitués, avec leurs uniformes, et des conventionnels en costume. Aux cris des sentinelles, à ceux de : Vive la République ! poussés par les conjurés, les soldats se lèvent, troublés, incertains, et prêts à se tourner du côté des séditieux. Mais le chef d'escadron Malo, qui les commandait, ayant réuni à la hâte quelques hommes, sortit de sa tente, à moitié vêtu, et chargea le sabre à la main. Les soldats, entraînés par son exemple, courent à leurs chevaux et achèvent de disperser les conspirateurs, qui laissent une vingtaine de morts sur le champ de bataille, et environ cent trente prisonniers, parmi lesquels se trouvaient un adjudant général de l'armée des Alpes, Lay, l'ex-général Fyon, un homme de lettres nommé Saulnier, et les trois montagnards Huguet, Cusset et Javogues.

Tel est le fait sur lequel Armand Charlemagne a établi sa pièce. L'action se passe dans un cabaret. Il était si bien admis, à cette époque de réaction, qu'un jacobin était un buveur de sang, et de plus un voleur, que le président, en invitant les conjurés à prendre place, leur dit :

Mes vertueux amis, que vos mains soient discrètes,
Et n'allez pas de l'hôte emporter les serviettes.
.    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .
S'il faut du sang, cela ne doit point vous surprendre,
Et nous ne sommes pas apprentis d'en répandre.

Le président les engage ensuite à faire valoir leurs titres pour les biens, honneurs et emplois, dont ils pourront bientôt disposer. L'un dit qu'il avait débuté par voler ses parents ; qu'il était devenu escamoteur, escroc, voleur en grand, jusqu'à ce que la justice, en ayant pris ombrage, lui eût laissé sur ses épaules les traces de ses caresses.

Et depuis ce moment je vous ai pour amis ;
Je révolutionne et j'exerce à Paris.

On le nomme général de l'expédition avec deux galériens pour aides-de-camp. C'était une réminiscence de Gil Blas.

De voleur à lâche, il n'y a qu'un pas. Un des conjurés s'était détaché de la bande pour se cacher. D'abord il en éprouve une certaine honte, qui se dissipe en voyant le président lui-même se diriger vers ce lieu pour s'y dérober aussi aux recherches des agents de l'autorité. Il lui en exprime son étonnement. » Tu connais bien peu, lui répond l'autre, la manœuvre révolutionnaire. On a ses agents, ses affidés, pour recruter les sots. L'orage commence-t-il à gronder ? On se tient à l'écart, pour mieux diriger la foudre. Si le succès couronne vos efforts, vite vous apparaissez et vous dites : C'est moi qui ai tout conduit. Si, au contraire, vous échouez, vous restez dans l'ombre ; vous vous rapetissez. Personne ne vous a vu. »

C'est ainsi qu'au dix août s'est conduit Robespierre.
Cette tactique est simple ; on n'en fait plus mystère,
Et voilà l'a, b, c, révolutionnaire.

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