Le Sabre de bois, ou la Revue du roi, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles. de Rougemont et Gentil, 22 août 1814.
Théâtre de la Gaîté
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez J. N. Barba, 1814 :
Le Sabre de bois, ou la Revue du roi, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, Par MM. ***. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Gaîté, 22 août 1814.
Une note manuscrite, sur l’exemplaire de la Bibliothèque de Munich attribue la pièce à Rougemont, sans mentionner Gentil le coauteur.
Le roi qui passe la revue, c’est Sobieski, le roi de Pologne.
Journal des arts, des sciences, et de littérature, Volume 18, n° 316 (cinquième année), 30 août 1814, p. 281-282 :
[L’article commence par rappeler le passage de la pièce d’un théâtre à l’autre, pour des raisons politiques. Mais le Théâtre de la Gaîté n’a pas à se plaindre de ce changement : « le succès a été complet. L’anecdote qui constitue l’intrigue est simple : un roi qui veut tester sa popularité : elle est grande. Un soldat qui met sa lame de sabre en gage et lui substitue une lame de bois. Le roi, qui a vu la substitution et décide de profiter de la revue pour lui donner une leçon. Et le soldat qui se tire admirablement de la situation. Bien sûr, tout s’arrange : tout finit par un mariage. La pièce est jugée gaie, et le critique tient à rectifier l’appréciation d’un confrère : certains couplets sont jolis. L’article s’achève sur une note polémique les auteurs ne se sont pas fait nommer. Le critique ne comprend pas que des acteurs aient en quelque sorte honte d’avoir vu leur pièce jouée à la Gaîté plutôt quaux Variétés (on sait qui’l y a une hiérarchie de sthéâtres...).]
THÉATRE DE LA GAÎTĖ.
Le Sabre de Bois, ou la Revue du Roi,
vaudeville en un acte par MM. Auguste et Joseph.
Le Sabre de Bois n'a point été fait pour la fête du Roi; mais le genre de l'ouvrage le rend convenable à la circonstance, On dit qu'à l'époque de sa réception en 1813, on ne voulut pas permettre que Frédéric en fût le héros, parce que nous étions en guerre avec la Prusse ; alors Frédéric devint Sobieski, mais ce changement fut, assure-t-on, un prétexte, pour le théâtre des Variétés, de ne pas jouer ce vaudeville. Alors le Sabre de Bois fut porté à la Gaîté, qui s'empressa de l'offrir au public ; et l'administration de ce théâtre n'a qu'à se féliciter de cette adoption, puisque le succès a été complet.
Sobieski, sous l'habit d'un simple officier, est témoin de l'amour qu'il inspire à ses sujets comme à ses soldats. Il se charge d'écrire deux lettres au roi, l'une pour un fermier qui réclame une somme que l'Etat lui doit depuis long-temps, et l'autre pour une jeune fille à un militaire, son amant. Toujours inconnu, il voit qu'un soldat met la lame de son sabre en gage dans un cabaret et il conçoit l'idée de lui donner une leçon, à la revue de ses troupes, il fait sortir ce soldat des rangs, et lui ordonne de tirer son sabre pour punir un de ses camarades, coupable d'indiscipline. On conçoit l'embarras du soldat : il feint alors de demander à son bon ange de transformer en bois la lame de son sabre, et tire en effet du fourreau un sabre de bois. Charmé de la ruse, le roi pardonne à l'ivrogne, ainsi qu'à l'autre militaire, qu'il marie à la fille du fermier.
Cette pièce est gaie, et, quoi qu'en ait dit la Gazette de France, renferme quelques jolis couplets. On a entr'autres distingué celui que chante le roi à l'éloge des troupes :
Sur des lauriers quand il(le roi) repose,Son lit est fait par ses soldats.
On assure que le Sabre de Bois est de deux auteurs connus par des succès à différens spectacles, et notamment aux Variétés. Puisqu'ils se nomment à ce dernier théâtre, on ne conçoit pas qu'ils aient gardé l'anonyme à la Gaité ; ont-ils craint de ternir la gloire que Brunet et Pothier leur ont procurée ? Quand on rougit d'un théâtre, pourquoi s'y faire jouer ?
Conrad Malte-Brun, Le Spectateur ou Variétés historiques, littéraires, et critiques, Volume 2, n° XVII, p. 329-331 :
[On est en 1814, et faire une pièce où paraît un roi suffit pour qu’elle prenne une forme d’actualité, et les cris de Vive le roi ! qu’elle contient sont saluées avec un « enthousiasme aussi pur que spontané dont il est animé pour son légitime souverain ». Mais ce n’est pas simplement une pièce de circonstance : elle est gaie, développe une intrigue et s’achève par un « dénouement [...] assez divertissant ». L’intrigue est résumée ensuite. C’est une anecdote assez mince mise sur le compte du roi de Pologne Sobieski, concernant un soldat qui doit laisser en gage la lame de son sabre, à laquelle il substitue une lame de bois. Quand le roi l’invite à utiliser son sabre pour punir un autre soldat, il fait semblant de prier le ciel que son sabre se sera changé en sabre de bois, pour ne pas faire de mal à un camarade. le miracle s’accomplit évidemment, et le roi s’amuse de la situation. et il accorde la main de sa fiancée au soldat puni, qu’il gracie. La pièce comporte « quelques jolis détails ». Elle a été refusée au Théâtre des Variétés, mais le critique lui promet le succès au Théâtre de la Gaîté. Dernier point : la pièce devait au début mettre en scène Frédéric II le Grand, mais le pouvoir impérial avait exigé que les auteurs lui substituent le roi de Pologne. Et pareille mésaventure était arrivé à Louis XIV. Le critique y voit la marque d’une grande mesquinerie de la part du pouvoir impérial...]
Le Sabre de Bois, ou la Revue du Roi, tel est le titre du petit vaudeville joué récemment au Théâtre de la Gaîté. On a profité d'un rôle de roi qui se trouve dans cette pièce, pour la rendre de circonstance ; et au moyen de quelques vive le roi ! adaptés dans une ou deux scènes, le peuple y a trouvé une occasion de s'abandonner à l'enthousiasme aussi pur que spontané dont il est animé pour son légitime souverain.
Le plus grand mérite du Sabre de Bois vient de ce que, ne comptant point faire un ouvrage de circonstance, les auteurs ont bien voulu se donner la peine d'être gais, et d'ourdir une petite intrigue dont le dénouement est assez divertissant,
Le roi de Pologne Sobieski se trouve, on ne sait trop pourquoi, isolé près d'un cabaret où certain Petrowitz, bon soldat et non moins intrépide buveur, se prépare à la revue du prince, en buvant force rasades à sa santé.
Il invite Sobieski , qu'il prend pour un simple officier, à faire chorus, ainsi qu'un habitant du village, dont la fille a fort ingénuement donné son cœur à Fritz, jeune grenadier de la meilleure conduite....., en prison alors pour insubordination.
Sobieski est forcé de crier vive le roi ! et il ne le fait pas de meilleur cœur que ces braves gens ; mais quand s'agit de payer, le seigneur Petrowitz, vérifiant sa bourse, n'y trouve pas un kreutzer. Sobieski veut acquitter la dette; mais le soldat, encore plus délicat qu'ivrogne, ne veut pas le souffrir. Le marchand de vin cependant veut un nantissement, et demande la lame du sabre de Petrowitz En effet, le fer quitte la poignée, et fait place à une superbe lame.... de bois.
Le roi, témoin de cet échange, en rit sous cape, et se promet pourtant de donner une leçon à maître Petrowitz.
La revue qu'il passe un moment après, lui en fournit l'occasion ; il fait venir devant lui Fritz, ce jeune grenadier qui porte à la fois les chaînes de l'amour et celles de la citadelle, et sous prétexte de punir sa faute d'une façon exemplaire, il ordonne à un soldat de sortir des rangs, et désigne Petrowitz à cet effet. Celui-ci obéit ; le roi lui commande de tirer son sabre, et d’en frapper le coupable. Petrowitz, qui a d'excellentes raisons pour être humain, fait beaucoup de difficultés ; mais sur l'ordre réitéré du monarque : « O mon bon génie ! s'écrie-t-il, en tombant à genoux, fais que mon sabre se change en sabre de bois, plutôt que de se rougir du sang d'un camarade. » O miracle ! le vœu s'exauce, et Petrowitz tire la lame innocente.
Sobieski, charmé de ce trait de présence d'esprit, récompense Petrowitz, fait grâce à Fritz, et le marie à sa jeune amoureuse.
Il y a quelques jolis détails dans cette bagatelle, refusée au théâtre des Variétés, et qui paroîtra sans doute long-temps à la Gaîté.
Il ne sera pas inutile de remarquer que, sous le régime impérial, l'on avoit exigé des auteurs qu'ils substituassent Sobieski à Frédéric II, que d'abord ils avoient mis en scène. Ce qui avoit attiré cette disgrâce au monarque prussien, étoit sans doute le surnom de Grand que lui avoit décerné un autre grand homme (1), et que son siècle avoit confirmé. La même épithète avoit occasionné le même affront à Louis XIV : il y avoit bien une façon plus noble d'enlever ce titre à ces illustres monarques, mais celle-là étoit la plus facile.
Les fêtes de la ville de Paris ont fait naître plusieurs cantates ; elles sont toutes à peu près frappées du même défaut de médiocrité ; cependant quelques-unes portent les noms de poëtes estimés : une autre fois ces Messieurs prendront revanche.
A. R.
(1) Voltaire.
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