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Le Sauvage de l’Aveyron, ou Il ne faut jurer de rien

Le Sauvage de l’Aveyron, ou Il ne faut jurer de rien, vaudeville en 1 acte, de Dupaty, Maurice [Séguier] et Chazet, 7 germinal an 8 [28 mars 1800].

Théâtre du Vaudeville.

Dans le Dictionnaire universel du théâtre en France, de M. J. Goizet, deuxième partie, Biographies de M. A. Burtal (à Paris), p. 29, dans l’article consacré à Alissan de Chazet :

Le Sauvage de l'Aveyron ou Il ne faut jurer de rien, vaud. en 1 a. avec Mercier-Dupaty et Seguier, (th. du Vaudeville, 29 mars 1800), non impr.

Le baron Armand-Louis-Maurice Séguier écrit sous le pseudonyme de Maurice.

Titre :

Sauvage de l’Aveyron (le), ou Il ne faut jurer de rien

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

7 germinal an 8 [28 mars 1800]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dupaty, Maurice Séguier et Chazet

Le « sauvage de l’Aveyron », Victor, né vers 1790, a été aperçu en 1797 dans le Tarn, mais a été capturé seulement en 1799 dans l’Aveyron. L’aliéniste Philippe Pinel le considère comme un fou. Il est confié en 1801 au docteur Jean Itard qui tente de l’éduquer sans grande réussite (il ne réussit pas à lui apprendre à parler). Il vit la fin de sa vie, de 1811 à 1828, chez madame Guérin, à Paris.

Courrier des spectacles, n° 1120 du 8 germinal an 8 [29mars 1800], p. 2 :

[Deux faits divers pour faire une pièce, l’histoire restée fameuse de Victor de l’Aveyron, et le mariage d’un officier russe avec une belle nancéenne. Le lien n’est pas particulièrement subtil, puisqu’il s’agit d’un déguisement, cette fois d’un bel et jeune officier en enfant sauvage, destiné à lui permettre d’approcher sa bien aimée. Oh surprise ! « On juge bien que tant d’amour est couronné par le mariage. ». Deux reproches, scènes trop longues et froides (reproche classique), des propos indécents (autre reproche classique : le théâtre du Vaudeville n’est pas un endroit où une mère peut amener sa fille). Des qualités qui compensent les défauts : les couplets, jolis (le critique nous en offre deux), des situations agréables. Total : « un succès flatteur ». Et les trois auteurs sont cités.]

Théâtre du Vaudeville.

Tous les journaux se sont accordés à parler du jeune Sauvage de l’Aveyron et du mariage conclu à Nancy entre un officier Russe, prisonnier de guerre, et une dame de cette ville : ces deux faits historiques ont été fondus en un seul par les auteurs de la pièce donnée hier sur ce théâtre, sous le titre du Sauvage de l’Aveyron, ou : Il ne faut jurer de rien.

Polinsky, jeune officier Russe prisonnier de guerre, s’est fait recevoir comme jardinier chez Mme. Nina de Sénange, dont il est éperdûment amoureux ; mais il ne peut la voir que difficilement, et Nina elle-même, qui s’est apperçue de son amour, ordonne de le renvoyer. Que faire ? Polinsky sait qu’on vient d’arrêter un jeune Sauvage qu’on doit présenter à Mme. de Sénange, il gagne les chasseurs avec de l’or, et bientôt sous le costume de Sauvage paroît devant celle qu’il aime. L’état du prétendu Sauvage, son maintien, son air expressif, ses signes et quelques mots qu’il articule enfin avec peine, tout intéresse Nina ; mais elle est bientôt détrompée par l’arrivée des paysans qui l’ont arrêté, et qui dévoilent la ruse de Polinsky. On juge bien que tant d’amour est couronné par le mariage.

Quelques scènes longues et froides, quelques indécentes saillies, quelques jolis couplets, quelques situations agréables, en un mot succès flatteur.

Les auteurs sont les citoyens Maurice, Chazet et Emmanuel Dupaty.

On a répété les couplets suivans au milieu des applaudissemens :

Aline, Suivante.

L’homme a vraiment mille défauts,
Et chez lui le mérite est rare ;
L’homme est inconstant, l’homme est faux,
L’homme est jaloux, l’homme est bizarre :
Il est vain et capricieux,
Indiscret, volage, incommode ;
Mais il faut bien, faute de mieux,
Que la femme s’en accommode.

    Polinsky.

Air du Vaudeville du Maréchal d'Anvers.

En tout pays l’aveugle enfant,
En les voyant, rit de nos larmes,
Le traître nous frappe à l’instant
Qu'il semble avoir posé 1es armes.
Envain on croit que sans retour
Avec lui la guerre s’achève,
La paix qu’on fait avec l'Amour
        N’est jamais qu’une trève.

F J. B. G.

Journal de Paris, n° 189, du 9 germinal an 8, p. 830 :

[Rapide présentation d’une pièce mettant en scène le fameux Victor, l’enfant sauvage de l’Aveyron. Fonds rempli d’invraisemblances, plaisanteries jugées choquantes (le critique est prude), aspects négatifs compensés par « les jolis couplets ». Le compte rendu se montre généreux : quatre couplets sont cités.

Cet article, sauf la première phrase, est repris dans l’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome VII, germinal an VIII [mars-avril 1800], p. 201-203.]

On a donné avant-hier à ce théâtre la 1re représentation du Jeune Sauvage dans le département de l'Aveyron, vaudeville en un acte. Le fonds nous a paru offrir des invraisemblances ; quelques plaisanteries hasardées nous ont même choqués dans le dialogue ; mais les jolis couplets dont la pièce est remplie, dédommagent suffisamment de ses défauts. Elle a obtenu du succès.

Les auteurs ont été demandés & nommés ; ce sont les CC. Maurice, Chazet & Emmanuel Dupaty.

Parmi les couplets que le public a particulièrement goûtés, nous avons remarqué les suivans :

On parle de l'arrestation du jeune sauvage.

AIR de l'île des Femmes.

Sans bien connoître tous ses droits ,
Jamais on ne fut vraiment libre,
Et notre ignorant, dans les bois,
Ne savoit pas qu'il étoit libre.
Or, comme il est bien arrêté,
Que tout homme doit être libre,
Exprès nous l'avons arrêté,
Pour l'informer qu'il étoit libre.

Le suivant n'a pas fait moins de plaisir. On parle de l'amour.

AIR : Vaudeville du maréchal d'Anvers.

En tout pays, l'aveugle enfant,
En les voyant rit de nos larmes ;
Le traître nous frappe à l'instant
Qu'il femble avoir posé les armes ;
En vain on croit que sans retour,
Avec lui la guerre s'achève ;
La paix qu'on fait avec l'amour
    N'est jamais qu'une trève.

Un médecin vient examiner le jeune sauvage.

AIR : Daignez m'épargner le reste.

Je veux enrichir aujourd'hui
La médecine & la physique ;
Souffrez que je fasse sur lui
Quelque recherche anatomique.
Me croiroit-il mauvais dessein ?
L'effroi se peint sur sa figure !
Auroit-il peur d'un médecin ?                   (bis.)

CHŒUR.

C'est l'instinct de la nature.

Les couplets qui terminent la pièce ont tous pour refrein: « Il ne faut jurer de rien. » Voici celui qu'on adresse au public , & qui a été ·redemandé :

AIR ….............
Certain critique sévère,
Qui n'applaudit qu'à regret,
A juré dans sa colère
Que la pièce tomberoit ;
En prenant notre défense ,
Prouvez-lui, prouvez-lui bien,
Qu'en fait de culbute en France,
Il ne faut jurer de rien.

Courrier des spectacles, n° 1138, du 26 Germinal an 8[16 avril 1800], p. 2-3 :

[Signé G. D. L. R. (Grimod de La Reynière, bien sûr), une longue lettre insérée dans le Courrier des spectacles, à l’occasion de la troisième représentation de la pièce. Ce que l’article reflète d’abord, c’est une certaine déception : le critique attendait mieux des auteurs très réputés du vaudeville. Il énumère une série de reproches, sujet trop peu exploité, manque de motifs (de détails ?), d’intérêt et de conduite, scènes peu liées, incidents mal amenés ou invraisemblables, dialogue un peu négligé, défauts trop peu compensés par « beaucoup d'esprit, de la grâce, du sentiment ». Ce qui garantit la justesse de ces critiques, c’est précisément l’amitié qui lie le critique à deux des auteurs. Ils pouvaient bien mieux faire. Les changements opérés ont peut-être nui à la pièce, mais même dans son état initial, elle ne devait pas présenter « un tout bien attrayant ». Le critique fait ensuite le tour des différents acteurs, et son jugement présente un grand intérêt pour qui s’intéresse à la question du jeu théâtral. La pièce est « joué[e] avec négligence », et acteur par acteur, la qualité de l'interprétation est jugée. L’un n’est pas dans son emploi (il aurait mieux valu choisir un autre acteur, mais le critique laisse entendre à coups d’italiques que cela posait des problèmes inavouables), une autre a des formes trop abondantes pour la légèreté d’un rôle de soubrette, un troisième joue tout de la même façon, sur le même ton et tel autre encore ne sait pas son texte. Une seule actrice, la dernière évoquée trouve grâce à ses yeux : « toujours décente, noble, sensible et spirituelle, elle a sçu donner de la couleur et du caractère au rôle de l'amoureuse ». Elle serait d’ailleurs tout à fait à sa place à la Comédie Française. Conclusion : sans être une bonne pièce, l’ouvrage contient de jolies chauses. Il suffirait qu’il soit « joué plus chaudement, mieux sçu et mieux distribué » (mais ce n’est pas rien !) pour obtenir un jugement moins négatif.]

AU RÉDACTEUR du Courrier des Spectacles.

Paris, 18 germinal.

Je viens de voir, citoyen, le Sauvage de l’Aveyron, interrompu depuis la seconde représentation. Il a reparu hier 17 de ce mois avec succès sur le théâtre du Vaudeville, où le nom de ses auteurs et le titre piquant de 1’ouvrage avoient attiré un certain nombre d'amateurs.

Il faut être sincère, sur-tout en parlant d'un Sauvage, on attendoit mieux des efforts réunis de Dupaty, de Chazet et de Maurice ; et s'ils n'avoient pas fait leurs preuves dans la carrière des succès, elles seroient encore a faire après le Sauvage de l’Aveyron. Ce n’est pas que le cadre de ce petit vaudeville ne soit fort ingénieux et qu'on n'y trouve, sur-tout dans les premières scènes, de fort jolis couplets. Mais il me semble que les auteurs n'ont point rempli ce cadre ; que l'ouvrage manque de motifs, d'intérêt et de conduite; que les scènes sont peu liées, les incidens mal amenés ou invraisemblable,.et le dialogue en général un peu négligé. Au milieu de ces défauts, on trouve beaucoup d'esprit, de la grâce, du sentiment ; mais on désireroit que tout cela fût mieux employé ; enfin on voudrait être amusé, surpris, ou intéressé davantage.

Cette critique vous paroîtra peut-être d'autant plus sévère, que vous connoissez mon amitié pour deux des auteurs de cette bagatelle, mon vif désir de voir s'accroître le nombre de nos bons ouvrages dramatiques, et les sentimens qui me lient depuis bien des années au théâtre du Vaudeville, et à son aimable directeur ; mais je dois avant tout la vérité à vos lecteurs, et ce serait la leur taire que de leur présenter comme une excellente pièce le Sauvage de l’Aveyron. Ce n'est pas qu'il n'y eût, et dans le sujet, et dans le cannevas, et sur-tout dans la tête des auteurs de quoi en faire un charmant ouvrage ; et c'est, précisément parce-qu'ils le pouvoient et ne l’ont pas voulu, que je crois avoir le droit de manifester un peu de mécontentement et d'humeur.

Au reste , il se peut que quelques changemens que le Sauvage a subis, ayant fort diminué de son mérite ; j'aime même à me le persuader. Cependant j'ai peine-à croire que dans toute la plénitude de sa force, de son embonpoint, il présentât jamais un tout bien attrayant.

Disons un mot des acteurs. Je ne serai pas suspect sur leur compte, car je n'en connois aucun, quoique je les estime tous. Autant M. Guillaume est monté avec soin, autant le Sauvage de l’Aveyron m'a paru joué avec -négligence, et ce défaut presqu'absolu d'ensemble a sans doute beaucoup contribué à l'accueil très-modéré que reçut hier ce vaudeville.

Laporte, si aimable, si gracieux, si gaîment sensible dans les Arlequins m'a paru tout-à-fait déplacé dans le rôle du prétendu Sauvage, qui n’est qu’un amoureux noble et galant, quoique travesti. Il me semble que ce rôle convenoit beaucoup mieux à Henry, qu'il étoit même rigoureusement de son emploi, et qu'il .l'auroit très-bien joué. Je présume que des affaires de famille l'auront empêché de s'en charger, et j'en éprouve un double regret.

Mademoiselle Blosseville est bien dans la soubrette, mais peut-être l'amplitude de ses formes l'empêche-t-elle d'y mettre cette légèreté propre à cet emploi, en général , et à ce rôle en particulier.

Duchaume met de la rondeur et de la vérité dans celui du Paysan ; peut-être pas assez de sel. En général, cet acteur, rempli d’intelligence, qui possède avec avantage tous les moyens de son emploi, me paroît mettre dans tous ses rôles une teinte beaucoup trop uniforme. On lui reproche de jouer tout du même ton et de la même couleur. Je ne vais point assez souvent au théâtre du Vaudeville pour savoir jusqu'à quel degré ce reproche est fondé, mais j’avoue que ce défaut m'a plus d'une fois attristé au milieu du plaisir qu'il me faisoit éprouver, et je crois le servir utilement en lui offrant ici ces réflexions et les moyens de s'en corriger s'il en a le désir.

Carpentier est gentil et agréable dans le rôle du Jardinier, qui n'est qu'un valet déguisé. Il est fâcheux qu'il y ait été si mal servi par sa mémoire. En tout la pièce n'étoit pas sçue, ce qui a beaucoup nui aux effets et à l'ensemble.

Pour Madame Sara, toujours décente, noble, sensible et spirituelle, elle a sçu donner de la couleur et du caractère au rôle de l'amoureuse. Cette actrice, qui ne seroit déplacée sur aucun des grands théâtres de la Capitale, honore celui du Vaudeville par un talent très-distingué, un aplomb parfait, une excellente diction et un zèle dont les exemples devroient être plus communs pour le bien de l’art et l’avantage du public. C’est surtout dans l’emploi des mères nobles qu'une grande réputation l'attend ; et si ses moyens physiques répondoient à son intelligence et à tontes ses autres qualités, je crois qu'on l’auroit enlevée depuis long-tems au Vaudeville, pour la fixer à la Comédie Française.

Il résulte, citoyen, de tout ceci, que si le Sauvage de l’Aveyron n'est pas une bonne pièce, c’est au moins un ouvrage qui renferme de très jolies choses, et qui, joué plus chaudement, mieux sçu et mieux distribué, auroit peut-être donné moins de prise à la critiqne.

J'ai l'honneur d'être, etc.

G. D. L. R.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 5e année, 1799, tome VI, p. 417-418 :

Le Sauvage de l’Aveyron.

Polinsky, jeune officier russe, prisonnier de guerre, est amoureux de M.me Nina de Senanges ; il apprend qu'on doit lui présenter un jeune sauvage, trouvé dans le département de l'Aveyron. Il gagne les chasseurs, prend le costume du jeune sauvage, et intéresse Nina, qui le reconnoit à l'arrivée des paysans, et couronne son amour par le mariage.

Le C. Laporte a très-bien joué le rôle du jeune amant russe. Les auteurs sont les CC. Dupaty, Maurice et Chazet.

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