Le Sourd guéri, ou les Tu et les Vous, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, de Barré et Léger, le 12 pluviôse an II [31 janvier 1794].
Paris, Théâtre du Vaudeville.
Publication à Paris à l’Imprimerie des Droits de l'homme, an III [1794]
Etienne Kern, Le tu et le vous. L'art français de compliquer les choses, Paris, Flammarion, 2020) a consacré deux pages à la pièce de Barré et Léger. Il commence par le résumé d’une intrigue assez convenue : un homme assourdi suite à une blessure cache sa guérison parce qu’il ne veut pas se plier à la nouvelle forme de la politesse, qui oblige quasiment à tutoyer tout le monde. Sa surdité simulée lui sert de protection contre cette façon de se comporter. Il est en particulier choqué par le fait que son médecin tutoie sa femme : signe d’une intrigue amoureuse entre eux ? Il faut que tout le monde explique au pauvre sourd, qui s’appelle significativement Poli, qu’il n’y a aucune marque d’irrespect ou de complicité douteuse dans ce tutoiement généralisé, mais le souci du respect de l’égalité entre les humains, et la pièce peut s’achever comme attendu par un double mariage, celui du médecin avec la fille de l’ancien sourd, et celui du jardinier avec la cuisinière, l’usage général du « tu » n’abolissant pas les différences sociales. L’auteur tire ensuite une conclusion de cette pièce : elle est éminemment politique, par le blâme qu’elle jette sur ceux qui refusent le tutoiement et l’incitation faite aux spectateurs de renoncer au vouvoiement, mais par sa fantaisie débridée elle est loin d’être une pièce à thèse. Le pauvre sourd n’est pas seulement guéri de sa surdité, mais aussi de ses préjugés sociaux.
(Consulté sur Internet le 30 avril 2022 :
https://books.google.fr/books?id=UFn9DwAAQBAJ).
On trouve d’autres pièces sur le même thème : la Parfaite égalité ou les tu et toi (Dorvigny, Théâtre National, rue de la Loi, 3 nivôse an 2 [23 décembre 1793], le Vous et le toi (Valcour, Théâtre des Variétés, 9 frimaire an 2 [29 novembre 1793]). Mais le grand combat pour le « tu » perd beaucoup de sa force avec la chute de Robespierre et la réaction thermidorienne.
Henri Welschinger, Le Théâtre de la Révolution, 1789-1799
Un sourd, le citoyen Poli, subitement guéri, alors que tout le monde le croit encore sourd [...], entend son médecin Dorval tutoyer sa femme. Il se croit trompé et va se venger quand sa femme lui apprend :
« Que par un usage auquel les cœurs ont donné force de loi, tous les Républicains, qui ne forment qu'une seule famille, ont adopté le langage de la fraternité... »
MARIANNE (la servante).
« Et que moi maintenant j'te dirai : citoyen, ton déjeuner est prêt !... »
Poli donne sa fille à Dorval qui en était amoureux et avait déjà obtenu le consentement de la citoyenne Poli. Joie générale qui se traduit par des chants :
LA CITOYENNE POLI.
« Nous allons voir le liberté
« Qu’en tout lieu la raison propage,
« Partout établir le langage
« Et les lois de l’égalité.
LE CITOYEN POLI.
« L’orgueil et l’imposture
« Vont tomber à la fois.
LA CITOYENNE POLI.
« Mais aux peuples sans rois
« Qui dictera des lois ?...
LE CITOYEN POLI.
« La Nature !... »
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