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Les Sirènes, ou les Sauvages de la Montagne d’or

Les Sirènes, ou les Sauvages de la Montagne d’or, mélodrame-féerie à grand spectacle en 4 actes, de Hapdé, musique arrangée par Bianchi, ballet de madame Adam, 24 janvier 1807.

Théâtre des Jeunes Artistes.

 

Titre :

Sirènes (les), ou les Sauvages de la Montagne d’or

Genre

mélodrame-féerie, à grand spectacle, mêlée de Chants, Danses, Evolutions, Marches, Combats, Travestissemens à vue, Méthamorphoses, Décorations nouvelles et Costumes nouveaux

Nombre d'actes :

4

Vers ou prose ,

en prose

Musique :

oui

Date de création :

24 janvier 1807

Théâtre :

Théâtre des Jeunes Artistes

Auteur(s) des paroles :

Hapdé

Compositeur(s) :

choix par Hapdé, arrangements de Bianchi

Chorégraphe(s) :

madame Adam

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, de l’Imprimerie du Dépôt des pièces de Théâtre, anciennes et nouvelles, An M. DCCC. VII. (exemplaire de la collection Marandet) :

Les sirènes, ou les sauvages de la montagne d'or, Pièce Féerie en quatre actes, à grand spectacle, mêlée de Chants, Danses, Evolutions, Marches, Combats, Travestissemens à vue, Méthamorphoses, Décorations nouvelles et Costumes nouveaux, Paroles et mise en scène de M. Hapdé; musique choisie par l'auteur des paroles, et arrangée par D'il Signor Bianchi, Ballet de M. ***. Décors de M. Gilet et ***. Costumes de M. Lamant. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre des Jeunes Artistes, rue de Bondy, le 24 janvier 1807.

Une note sous la liste des personnages précise :

Nota. Cette pièce peut se jouer sans Arlequin, en substituant à ce personnage, celui de Folino, jeune seigneur espagnol. C'est pour ne point s'écarter d'un genre consacré au Théâtre des Jeunes Artistes, que l'Auteur a cru devoir introduire un rôle d'Arlequin dans l'ouvrage.

Courrier des spectacles, n° 3637 du 26 janvier 1807, p. 3 :

[Premier article qui ne parle pas de l’intrigue. On sait seulement qu’il s’agit des Sirènes, ce qui renvoie bien sûr à Ulysse et d’enchantement : tout devient grandiose, jusqu’à des montagnes d’or. Si al pièce a eu du succès, c’est lié à la qualité du spectacle : dans un petit théâtre, que de merveilles, dont des machines qui permettent de faire voler les acteurs. Variété du spectacle, mais aussi action attachante et pleine d’incidents imprévus. La nouvelle pièce rivalise avec le Pied de Mouton, autre pièce à talisman, qui a eu un grand succès. Il ne reste plus qu’à donner l’identité des auteurs, dont, pour les ballets, et c’est inhabituel, une femme.]

Théâtre des Jeunes Artistes.

Les Sirènes, ou les Sauvages de la Montagne d’or.

Tout ce qu’on nous raconte des sirènes s’est vérifié dans la représentation de cette féerie ; elles ont charmé tout le monde, et il ne s’est trouvé personne qui, comme Ulysse, ait voulu se dérober à la puissance de ces aimables enchanteresses. Celui qui les a rendues à la vie est lui-même un grand enchanteur. A sa voix, les chaumières se métamorphosent en palais, les campagnes en cités, les fleuves, les mers en rochers, en montagnes. Mais des montagnes ordinaires ne lui ont pas suffi, il a créé des montagnes d’or, qui en apporteront beaucoup à la caisse.

Nulle pièce n’a été montée avec autant de luxe ; l’on est très-étonné de voir, dans ce théâtre peu étendu, tant de corps agir, se presser, se succéder, tant de machines se mouvoir et se perdre tantôt dans les airs, tantôt sous la terre. C’est une variété qui séduit 1es yeux, tandis que l’action attache et plaît par mille incidens imprévus.

Cette féerie rivale du Pied de mouton, a obtenu un brillant succès ; elle a été composée et mise en scène par M. Augustin ; la musique est de M. Bianchi, et les ballets de Mad. Adam. Nous eu parlerons avec plus d’étendue.

Courrier des spectacles, n° 3638 du 27 janvier 1807, p. 2-3 :

[Deuxième article : cette fois, il s‘agit de résumer l’intrigue, centrée sur ce qu’on attendait, le chant des sirènes ou la mer déchaînée, ou le talisman, mais sur un « miracle incomparable », « une femme discrète et fidèle » que les dieux veulent éprouver avant de la récompenser. La pièce raconte donc les aventures d’une Isabelle de Lisbonne, « fille de Cassandre, amante d’Arlequin », qui attend sagement le retour de son amant parti depuis trois ans. l’Amour et Mercure décident donc de la mettre à l’épreuve, et la voilà partie sur les mers à la recherche de son amant. Elle le retrouve dans l’île des Sauvages, de cruels anthropophages auxquels elle échappe, tout comme son père et Arlequin, grâce à la magie. Des dieux, un talisman, des Sauvages dévorés par une pluie de feu, des amants montant vers le ciel où se trouve le temple de l’Amour, la pièce est un spectacle extraordinaire : machines, décors, costumes, effets surprenants, tableaux, tous les arts sont sollicités pour éblouir le spectateur. La pièce est de ce fait promise à un bel avenir.]

Théâtre des Jeunes Artistes.

Les Sirènes.

Les plus grands prodiges de cette féerie ne sont ni les chants énivrants des sirènes, ni les tempêtes qui s’élèvent à leur voix, ni les talismans que l’amour donne à ses favoris, ni même la montagne d’or qui brille dans une île délicieuse dont on n’a pu retrouver le chemin. Le miracle incomparable; c’est une femme discrète et fidèle. Aussi les dieux émerveillés eux-mêmes d’une si rare vertu, n’épargnent-ils rien pour la récompenser/ Il faut, dit-on, toute la puissance des Fées pour produire un si grand trésor ; tant de mérite n’est pas du monde où nous vivons.

Il y en eut une cependant, si l’on en croit l’auteur de la nouvelle pièce. Ce phénix se nommoit Isabelle, et vivoit à Lisbonne. Ce fut l’Amour lui-même qui le découvrit. Ce Dieu se disputoit avec Mercure. Le messager céleste prétendoit que jamais la terre n’avoit produit une femme d’un cœur assez constant, d’une ame assez discrète pour donner une sécurité parfaite à son amant, à son époux, ou à son ami. Il citoit à ce sujet de nombreux exemples, et l’Amour paroissoit lui-même assez embarrassé à soutenir sa thèse. Enfin il prétendit que la belle Isabelle, fille de Cassandre, amante d’Arlequin, vivant à Lisbonne en tout honneur, étoit, en tout point un modèle accompli. Une vertu qui n’est point éprouvée est toujours très-suspecte. Les deux immortels conviennent donc que celle d’lsabelle sera tentée suffisamment pour qu’on puisse prononcer en .connoissance de cause.

On se rend à Lisbonne ; Isabelle y étoit seule avec son père : car depuis trois ans Arlequin l’avoit quittée pour faire le tour du monde. Faire le tour du monde ? Le voyage étoit-il raisonnable ? Un poète n’a-t-il pas dit :

Que de dangers on essaie en amour !
On risque, hélas ! dès qu’on quitte sa belle,
D'être c. . . deux ou trois fois par jour.

Oui, mais Arlequin faisoit un sacrifice à Cassandre, père de sa belle ! Le bonhomme avoit rêvé qu’il existoit une cinquième partie du monde, et voulait donner à son gendre le mérite de la découvrir. Ennuyé du délai, il se décide bientôt à partir lui-même avec sa chère Isabelle. L’Amour et Mercure arrivent en ce moment ; le premier donne à Isabelle un brasselet qui aura la vertu de a rapprocher d’Arlequin, mais à condition qu’elle ne révélera pas le secret de son talisman. Le vaisseau part ; il vogue d’abord heureusement ; et approche ensuite de l’Ile des Sirènes. Les perfides enchanteresses venoient d’attirer un bâtiment dans leurs écueils ; tout périt. Les sauyages de l’île se jettent à la mer pour piller les débris ; ils rapportent dans un grand filet des barils de poudre, des armes, des poissons et un malheureux passager sans connoissance.

Cette île étoit précisément celle où Arlequin étoit retenu depuis longtemps. A l’aspect d’un vaisseau naufragé, il se rend vers le rivage, et observe tout sans être apperçu. Le feu prend-aux poudres ; les sauvages fueint ; le passager se réveille ; Arlequin reconnoît le valet de Casandre, qui s’étoit embarqué sur un autre navire que lui. Le valet lui annonce l’arrivée de son maître ; Arlequin tremble, et veut combattre les sirènes, ses forces l’abandonnent ; il tombe d’épuisement, et voit en songe le danger que court Isabelle. Ce tableau est parfaitement dessiné. Les Sirènes se jettent sur le bâtiment et y mettent le feu. Ici se déployent des tonnerres, des éclairs et toute la pompe des tempêtes. L’Amour survient et enlève Isabelle ; elle est déposée dans une île delicieuse : mais au milieu de tant de plaisirs, elle ne songe qu’à son cher Arlequin. Mercure la tente ; il est jeune, il est beau, il est Dieu.

Isabelle résiste. L’Amorr témoin de ses triomphes, la rapproche de Cassandre et d’Arlequin. Tout s’apprête pour son hymen, lorsqu’un mouvement de jalousie vient dissiper son bonheur. La vue du brasselet trouble la tête d’Arlequin ; il soupçonne qu’un amant a fait ce présent. Isabelle se défend. Enfin, pour confondre l’obstination d'Arlequin, elle découvre le secret que l’Amour lui avoit confié. Alors nouveaux malheurs. Les sauvages la saisissent pour l’offrir à leur chef. Mercure vient à son secours et donne à Arlequin le pouvoir de se métamorphoser. ll se change en sauvage, se mêle dans leurs rangs, est chargé de la garde des prisonniers, les délivre et fuit avec eux dans des souterrains. On le découvre, on l’entraîne devant le chef sauvage. On veut forcer Isabelle à oublier Arlequin pour ce Roi barbare. Elle refuse, et déjà les massues sont levées pour l’assommer ; mai» les massues se changent en bouquets d’hortensia. Une pluie de. feu dévore les sauvages, et les heureux amans montent à travers les flammes au temple de l’Amour, où ce Dieu les attend avec toute sa cour. Ce spectacle est d’un effet extrêmement brillant.

On a fait de grandes dépenses pour les Sirènes ; le jeu des machines, la beauté des décorations, la richesse des coutumes, les effets surprenans, les tableaux brillans qui sont sous les yeux du spectateur, tout cela fait,de cette pièce' un ouvrage très propre à satisfaire la curiosité. Ces Sirènes ne peuvent manquer de capter les suffrages, et leurs charmes n’auront pas les inconveniens de toutes celles qui s’offrent sous nos pas.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome III, mars 1807, p. 286-290 :

[Un compte rendu curieux, très dans le genre de ceux de Geoffroy : après avoir constaté le succès de la pièce, le critique se lance dans une longue digression sur les sirènes dans la littérature, chez Corneille et sa Toison d’or, chez Homère dans l’Odyssée. Ce n’est qu’ensuite, après avoir cité Cicéron et M. Dacier, qu’il arrive à la pièce, dont il dit d’emblée qu’elle laisse peu de place aux sirènes et il raconte l’intrigue, une arlequinade pleine de féerie, s’achevant par une métamorphose de massues devant assommer Arlequin, Isabelle et son père, « métamorphose qui produit un spectacle charmant et un dénouement très-agréable ». Jugement composé d’un compliment (« beaucoup d’intérêt dans ce mélodrame » : ce n’est pas si fréquent de lire un commentaire positif sur un mélodrame) et d’un regret sur la petitesse de l’espace scénique. De vifs compliments pour les acteurs qui jouent Isabelle et un rôle de niais confié à « un jeune homme presque enfant : on aime les acteurs prodiges. Compliments aussi pour l’administrateur, qui fait tous ses efforts pour rendre la prospérité d’un théâtre qu’il a repris en bien mauvais état.]

Théâtre Des Jeunes-Artistes.

Les Sirènes, mélodrame.

Le chant des Sirènes attire beaucoup de monde à ce théâtre, et je n'entends pas dire qu'aucun des auditeurs s'en trouve plus mal : ce sont d'innocentes Sirènes. M. Hapdé, auteur de ce mélodrame, n'est pas le premier qui se soit avisé de mettre des Sirènes sur le théâtre. Il y en a deux dans une tragédie de Pierre Corneille, intitulée la Toison d'Or. Les paroles qu'elles chantent sont assez communes: nous ne savons pas si la musique était bien séduisante, et si ces deux Sirènes avaient une voix digne de leur nom.

Cette ingénieuse allégorie des Sirènes est une invention d'Homère, ce père de la poésie et des fables : il suppose, dans l'Odyssée, qu'Ulysse, averti par Circé du danger qu'il y. avait à écouter ces perfides cantatrices, boucha hermétiquement les oreilles de ses compagnons, avec de la cire : ne voulant, ni se priver du plaisir de les entendre, ni courir le risque d'en être séduit, il se fit attacher fortement au mât du vaisseau, défendant à ses compagnons de le délier quand même il l'ordonnerait. Il est vrai que ses ordres devaient être assez inutiles, puisqu'ils s'adressaient à des gens dont les oreilles étaient bouchées. Quoi qu'il en soit, Ulysse s'avance : c'est dans cet ordre de bataille qu'il vogua contre les Syrènes, qui ne s'attendaient pas qu'elles allaient avoir affaire à des sourds, et à un homme qui, sans être sourd , pouvait les entendre impunément.

On ne sera peut-être point fâché de savoir quelle chanson les Sirènes chantèrent à Ulysse, lorsqu'il se fut avancé à la portée de la voix. Homère nous l'a fidellement conservée ; mais, comme je le disais tout-à-l'heure, il n'a pu nous en transmettre que les paroles qui sont la moindre partie :

« Venez, illustre guerrier ; approchez, Ulysse, l'ornement et la gloire de la Grèce ; suspendez la course de votre vaisseau pour entendre notre voix ; jamais aucun navigateur n'a côtoyé ces rivages sans s'arrêter pour jouir de nos concerts ; tous ont continué leur route, enchantés de notre mélodie, ravis des secrets que nous leur avons appris. Venez, vaillant héros, nous vous raconterons tous les maux que la volonté des dieux a fait souffrir aux Grecs et aux Troyens, dans le cours d'un trop fameux siège : rien de tout ce qui se passe dans ce vaste univers se se dérobe à notre esprit pénétrant ».

Il me semble qu'Ulysse savait aussi bien que les Sirènes, ce qui s'était passé au siège de Troie. Cependant cette chanson n'en était pas moins estimée dans l'antiquité, puisque Cicéron a pris la peine de la traduire dans son traité de Finibus Boni et Mali. M. Dacier ne tarit point sur l'art merveilleux qui règne dans ces paroles des Sirènes. Il observe qu'elles attaquent Ulysse par son faible, la curiosité et l'envie de tout savoir. Au reste, il pense que ces Sirènes n'étaient autre chose que des courtisannes qui habitaient trois petites îles près de Caprée, vis-à-vis de Surrentum, et qui attiraient les passans par le charme de leur voix.

Mais voilà bien assez d'érudition sur les Sirènes, puisqu'elles n'occupent qu'une scène sur le théâtre des Jeunes Artistes. Le fond de la pièce consiste dans les aventures d'une certaine Isabelle, dont on met à l'épreuve la constance et la discrétion. Son amant Arlequin a fait naufrage par la méchanceté des Sirènes ; il habite une petite île voisine de la Montagne d'Or. Isabelle part avec son père pour l'aller chercher ; elle est aussi victime des Sirènes : son vaisseau périt ; mais elle est sauvée miraculeusement, et transportée dans l'île d'Arlequin. Là, tous les enchantemens sont mis en usage pour la séduire et la rendre infidelle. Mercure lui-même prend la forme d'un beau berger, pour tenter sa vertu ; car il a parié contre l'Amour, qu'il n'y avait point de femme constante et discrette. Du côté de la constance, le pari est perdu ; mais il reste à éprouver la discrétion : Isabelle ne soutient pas si bien ce second combat.

Son père et son amant se réunissent pour lui arracher son secret ; son honneur même, exposé aux soupçons, ne lui permet pas d'être discrette. Elle révèle donc que c'est l'Amour lui-même en personne, qui lui a découvert le lieu qu'habitait Arlequin, et lui a donné un talisman pour la dérober à tous les dangers. Mais dans le moment qu'elle fait cette fatale confidence, la vertu de son talisman est détruite. Elle tombe avec son père au pouvoir des sauvages de la Montagne d'Or, qui sont des antropophages; Le généreux Mercure a pitié d'elle ; il donne à Arlequin le pouvoir de prendre toutes sortes de formes. Arlequin s'en sert pour délivrer sa maîtresse et son père; mais bientôt ils sont repris ; leur mort est résolue ; les sauvages lèvent leurs massues pour les écraser ; mais tout-à-coup les massues, en tombant sur la tête des prisonniers, se changent en guirlandes de fleurs ; métamorphose qui produit un spectacle charmant et un dénouement très-agréable.

IL y a beaucoup d'intérêt dans ce mélodrame, auquel il ne manque qu'un plus vaste théâtre. Le rôle d'Isabelle est bien joué par Mlle. Amélie, actrice attachée à ce théâtre sous l'ancienne administration. Le rôle du niais est rempli par un jeune homme presqu'enfant, dont la voix est très-claire, et qui a une naïveté toute particulière qui fait beaucoup rire. Le nouvel administrateur, nommé Robillon, s'attache à réparer les fautes de son prédécesseur, et n'épargne rien de ce qui peut rendre ce petit théâtre agréable au public.

Mémorial dramatique ou Almanach théâtral pour l'an 1808, p. 195-196 :

[L’essentiel du compte rendu consiste à résumer une intrigue merveilleuse, à coup de personnages mythologiques et de talisman (c’est très à la mode !). La pièce fait voyager les spectateurs dans des mers lointaines, mais où apparaît quelqu’un qui leur est familier, Arlequin, parti à la conquête d’Isabelle. Comme toujours les amants séparés se retrouvent à la fin, et les méchants Sauvages sont dévorés par le feu, qui permet au couple d’amoureux de monter au temple de l’Amour. Le jugement porté sur la pièce est favorable : beaucoup de succès, de l’intérêt , un fonds neuf « pour la marche, les détails, l'action, les ballets, les costumes, les décors et les machines » (ce n’est ni si fréquent, ni si évident) : tout est bien réalisé.]

Les Sirènes ou les Sauvages de la Montagne d’or, pièce féerie en 4 actes, de M. Hapdé (24 janvier.)

Le fonds de cette pièce consiste dans les aventures d'une certaine Isabelle, dont on met à l'épreuve la constance et la discrétion. Son amant Arlequin a fait naufrage par la méchanceté des Sirènes ; il habite une petite île voisine de la montagne d'Or. Isabelle part avec son père pour l'aller chercher ; elle est aussi victime des Sirènes. Son vaisseau périt ; mais elle est sauvée miraculeusement et transportée dans l'île d'Arlequin. Là, tous les enchantemens sont mis en usage pour la séduire et la rendre infidelle. Mercure lui-même prend la forme d'un beau berger pour tenter sa vertu ; car il a parié contre l'Amour qu'il n'y avait point de femme constante et discrète. Du côté de la constance, Mercure a perdu ; mais il reste à éprouver la discrétion. Isabelle ne soutient pas si bien ce second combat. Son père et son amant se réunissent pour lui arracher son secret ; son honneur même, exposé aux soupçons, ne lui permet pas d'être discrète : elle révèle donc que c'est l'Amour lui-même, en personne, qui lui a découvert le lieu qu’habitait Arlequin, et lui a donné un talisman pour la dérober à tous les dangers ; mais dans le moment qu'elle fait cette fatale confidence, la vertu de son talisman est détruite ; elle tombe avec son père au pouvoir des Sauvages de la montagne d'Or, qui sont des antropophages. Le généreux Mercure a pitié d'elle : il donne à Arlequin le pouvoir de prendre toutes sortes de formes. Arlequin s'en sert pour délivrer sa maîtresse et son père ; mais bientôt ils sont repris, leur mort est résolue : les Sauvages lèvent leurs massues pour  es écraser ; tout-à-coup, en tombant sur la tête des prisonniers, elles se changent en guirlandes de fleurs ; une pluie de feu dévore les Sauvages, et les heureux amans montent à travers les flammes au temple de l'Amour, où ce dieu les attend avec toute sa cour.

Ce mélodrame, qui a eu beaucoup de succès, est rempli d'intérêt ; le fonds est neuf pour la marche, les détails, l'action, les ballets, les costumes, les décors et les machines, dont les procédés sont très-ingénieux.

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