Les Souvenirs des premieres amours, comédie en un acte et en prose, de Caignez ; 26 octobre 1807.
Théâtre de l'Impératrice.
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Titre :
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Souvenirs des premières amours (Les)
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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26 octobre 1807
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Théâtre :
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Théâtre de l’Impératrice
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Auteur(s) des paroles :
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Caigniez
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Almanach des Muses 1808.
Tableau de deux amans qui se retrouvent après vingt années de séparation, et qui s'étonnent du changement que l'absence et le temps sur-tout ont opéré en eux.
Sujet qu'on a traité plusieurs fois ; mais toujours sans succès.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1808:
Les Souvenirs des premières amours, comédie en un acte et en prose, Par M. Caigniez. Représentée, pour la première fois, sur le théâtre de S. M. l’Impératrice, le 26 octobre 1807.
Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 1807; tome V, p. 456-457:
Théâtre de l’Impératrice.
Les Souvenirs des Premières amours.
Encouragé par le succès de son Volage, M. Caigniez a donné une autre comédie ; mais quelle différence !
Un jeune homme retrouve une femme qu'il a aimée : elle est encore aimable ; mais sa fille l'est davantage et la bonne maman la cède volontiers à son ancien amant, en dépit d'un vieux rival assez complaisant aussi. Le valet retrouve de son côté une vieille duègne à qui il a fait une promesse de mariage (comme Figaro à Marcelline) : elle fait beaucoup de bruit, et cède pourtant bientôt son infidèle à une jeune jardinière ; voilà tout. Peu de traits dans le dialogue, très-peu de comique, encore moins d'invention, un dénouement aussi brusque que peu vraisemblable. Si c'est là une comédie, ce n'en est pas une bonne.
Archives littéraires de l'Europe, tome seizième, 1807, Gazette littéraire, Octobre, novembre, décembre 1807, p. xxi :
[Même article que celui des Quatre Saisons du Parnasse, quatrième année, printemps 1808, p. 327-328. Jouée au théâtre de l’Impératrice, cette pièce paraît avoir été écrite pour le boulevard, ce qui se remarque par le rôle important des valets, le dénouement peu soigné et le manque d’originalité. Comparée à une pièce de Destouches, l’Amour usé (1754), elle aboutit à deux mariages, quand Destouches se limitait à la rupture. Mais ce dénouement brutal a failli faire chuter la pièce.]
Théâtre de l'Impératrice.
Les Souvenirs des premières amours, comédie en un acte et en prose de M. Caigniez.
Le succès du Volage est sans doute ce qui a engagé M. Caigniez à donner à ce théâtre un petit ouvrage qu'il n'avoit peut-être destiné d'abord qu'aux Boulevards. Ce qui porteroit à le croire, c'est l'importance du rôle qu'y jouent les valets, la brusquerie du dénouement et surtout le peu de nouveauté du sujet et des caractères. Après l'Amour usé de Destouches, il étoit aisé de faire les Souvenirs des premières amours. Cependant M. Caigniez n'a pas imité servilement son modèle. Dans l'Amour usé les deux amans ont également vieilli. Mais ici l'homme de seize ans arrivé à trente-six se trouve plus jeune que la beauté parvenue au même âge. Pour mettre encore plus de variété dans son ouvrage, l'auteur a supposé un valet qui a bien pu faire à vingt ans une promesse de mariage à une suivante de quarante, mais qui vingt ans après ne peut plus raisonnablement l'épouser. Les souvenirs des premières amours après vingt ans de séparation n'aboutissent donc, comme dans Destouches, qu'à une rupture ; mais M. Caigniez n'en a pas moins trouvé le secret de finir sa pièce par deux mariages. Dorval épouse la fille de sa Sophie qui a tout juste l'âge qu'avoit sa mère lorsqu'il la quitta ; et son valet s'accommode d'une jeune et jolie jardinière.
Le succès de cette pièce a failli être cruellement troublé au dénouement, mais les applaudissemens ont pris le dessus et l'auteur a été nommé. Il fera bien cependant de donner plus de soin à son premier ouvrage.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XII, décembre 1807, p. 278-283 :
[Le compte rendu s’ouvre par une réflexion sur la valeur des souvenirs d’amour, en particulier quand l’amour n’est plus. « Le malheur, c'est qu'il arrive quelquefois que le mérite passe et que les souvenirs restent, et que c'est en comparant ce qu'on se rappelle, avec ce qu'on voit, qu'on est souvent fort loin de compte. » La pièce est une application de ce principe à deux personnages, le maître et son valet, qui ont connu un premier amour, et le retrouvent, avec des effets différents : le valet retrouve une ancienne amante vieillie et lui préfère une jeune jardinière, et le maître retrouve celle qu’il aimait sous les traits de la fille de son ancienne amante, et c’est la fille qu’il épouse, bien sûr. Le critique consacre de longs développements à ce double embarras, avant de rappeler que ce dénouement n’a pas été du goût du public, qui a pourtant apprécié qu’il y ait dans la pièce « de l'esprit, de la gaité, des situations piquantes », ce qu’il décrète ironiquement être « bien assez pour le succès d'une pièce en un acte »?
Noter que le titre donné est inexact.]
THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.
Les Souvenirs de mes premières amours.
Il y a deux espèces de souvenirs d'amour, ceux d'un amour passé et ceux d'un amour qui dure encore, et ces deux sortes de souvenirs ne se ressemblent guères ; l'effet n'en est peut-être pas pourtant aussi différent qu'on le pense ; et quand il ne reste que des souvenirs, je ne conseillerais pas de s'y fier. Il n'y a guères de gens, dit la Rochefoucault, qui ne soient honteux de s'être aimés quand ils ne s'aiment plus. Je le crois, ils ont dû se dire des choses qui leur paraissent si ridicules à présent qu'ils sont de sang-froid. On raconte qu'Henri IV, retrouvant Corisande d'Andrius, comtesse de Guiche, qu'il avait aimée, la retrouva si enlaidie qu'il ne pouvait se pardonner de lui avoir dit mille fois qu'elle était jolie. Il y a des gens, dit-on, qui, dans ce cas-là, prennent le parti de tout oublier, et qui, une fois leur amour fini, jureraient qu'ils n'en ont jamais eu d'aussi bonne foi qu'on les a vus jurer qu'ils en auraient toujours. On a tort alors de se fâcher contre eux ; le mieux, c'est qu'ils oublient ce dont ils se souviendraient fort mal.
D'un autre côté,
Depuis qu'un vrai mérite a su nous enflammer,
Il conserve toujours le droit de nous charmer.
Le malheur, c'est qu'il arrive quelquefois que le mérite passe et que les souvenirs restent, et que c'est en comparant ce qu'on se rappelle, avec ce qu'on voit, qu'on est souvent fort loin de compte. Ainsi, l'un sera infidèle à ce qu'il aimait, parce qu'il n'aime plus ; l'autre, parce qu'il aime encore ce qu'il a aimé autrefois, et que ce qu'il a aimé n'existe plus ; dans le premier cas, c'est l'amant qui a changé; dans le second, c'est la maîtresse qui est changée ; tout cela revient au même, les souvenirs d'Henri IV auprès de Corisande pouvaient être de l'une ou de l'autre espèce, et voilà à quoi servent les souvenirs.
Derval et son valet Germain sont revenus d'Amérique, après une absence de quinze ans, avec les souvenirs de leurs premières amours ; c'est-à-dire, que Germain se rappelle qu'à vingt ans il aima Marguerite, qui en avait bien alors à peu-près quarante, mais qui cependant conservait encore assez de beauté pour un homme de vingt ans, à ses premières amours. II se souvient aussi qu'il lui fait une promesse de mariage, mais voilà tout ce dont il se souvient ; et pour la mémoire du cœur, il n'en est plus question ; ce qui fait que, huit jours après son arrivée, il se prend d'amour pour Thérèse, jeune et jolie paysanne de la terre que vient d'acheter son maître, et compte l'épouser huit jours après. Derval, au contraire, a conservé dans son cœur et dans sa poche l'image de sa Sophie ; et comme l'image et le portrait n’ont pas plus changé l'un que l'autre, c'est toujours de sa Sophie de quinze ans qu'il est amoureux ; ce qui fait que, rencontrant dans la campagne aux environs de son château, une jeune et jolie personne de quinze ans, précisément l'âge qu'avait Sophie et qu'elle a encore pour Derval, de plus
Semblable à son idée, ayant les mêmes traits,
en un mot, le portrait de Sophie ; il en devient, ou plutôt il s'en trouve amoureux. Ce que c'est que la constance ! Pendant qu'il s'étonne, qu'il admire, et qu'il s'enflamme, la jeune personne, suivie de sa vieille gouvernante, rentra par une porte de jardin dans le château qu'elle habite, et près duquel, Derval vient de la rencontrer. Pendant ce temps-là, Germain qui a examiné les lieux s'est étonné de trouver une grande ressemblance entre un banc de pierre qu'il remarque, un bosquet qui frappe sa vue, et le banc de pierre, le bosquet où quinze ans auparavant il soupirait ses amours avec la tendre Marguerite, tandis que Derval contait les siens à l'aimable Sophie de Senanges, dont Marguerite était la femme-de chambre. Mais le château de Senanges est en Bretagne, celui-ci à six lieues de Paris. Cependant Germain commence à s'attendrir ; il se rappelle qu'un soir Marguerite et lui gravèrent leurs noms sur la muraille, là, précisément tout près de la porte. Nouvel étonnement ; là précisément les noms de Germain et de Marguerite se trouvent écrits en toutes lettres. Il s'écrie, le nom de Marguerite lui échappe. Plaît-il ? dit en se retournant la vieille gouvernante qui n'était pas encore rentrée ; ne m'avez-vous pas appellée ? — Point du tout, répond Germain, qui n'a jamais pensé qu'on pût vouloir quelque chose à une pareille figure. La vieille rentre; mais ce n'est pas sans avoir beaucoup examiné Germain, qui, de son côté, a commencé, aussi à la considérer avec attention. Certains traits lui ont rappellé certains souvenirs..... Serait-il possible que ce fût là Marguerite ? Serait-il possible que la mère d'Agathe (c'est le nom de la jeune personne) fût cette Sophie de Sénanges, qui, destinée par son père à un homme plus riche que Derval, ruinée depuis par son mari et restée veuve avec une fille, a accepté les offres d'un M. Dorlis, homme âgé et respectable, qui, en l'épousant, ne lui a demandé que le droit d'assurer la fortune de sa fille ? Tout cela est possible, et tout cela est vrai. Sophie elle-même apprend bientôt avec étonnement que Derval est si prés d'elle ; et sauf peut-être un premier mouvement bien naturel à une femme qui, passé trente ans, se rappelle comme elle aima à quinze et comme elle fut aimée, Sophie, éprouvée par les malheurs et absorbée par l'amour maternel, ne se retrouve plus pour Derval qu'une tendre amitié, et serait enchantée de se l'attacher en qualité de gendre, si Agathe n'était pas promise à Lisimon, ami intime de Dorlis, prétendu de cinquante-quatre ans, qu'Agathe épousait comme elle en aurait épousé un autre avant d'avoir vu Derval, mais qui, à présent, paraît lui être beaucoup moins indifférent. Mais si Derval a le malheur de trouver toujours ses maîtresses engagées, Germain a le malheur de trouver la sienne libre. Marguerite conserve la promesse de mariage qu'il lui a faite, et son premier mouvement, un peu plus long que celui de Mme. Dorlis, a été sinon peut-être de s'en servir, du moins de se la rappeller ; elle veut au moins s'amuser un instant à tourmenter son ancien amant, qu'elle désole par sa constance. Cette scène assez plaisante le serait cependant davantage entre des maîtres qu'elle ne peut l'être entre des valets ; dans ce dernier cas, la délicatesse étant beaucoup moindre, l'embarras est beaucoup moins grand et moins comique, et il est possible que la franchise aille quelquefois jusqu'au mauvais goût. La scène suivante, où Thérèse, trompée par la promesse de mariage que lui a montrée Marguerite, vient quereller Germain, a été très-bien jouée par Mlle. Molière. Germain, brouillé avec sa maîtresse, et Derval, sans espérance d'obtenir la sienne, paraissent n'avoir plus d'autre parti à prendre que celui de la retraite, quand Lisimon, assez mécontent de ce qui lui arrive, mais craignant encore plus ce qui pourrait lui arriver, se détermine à céder une femme qu'il aurait de la peine à garder, comme Marguerite à rendre une promesse qu'on ne veut plus tenir. Ce dénouement, un peu brusque, a excité quelques murmures, mais la pièce avait fait plaisir ; il y a de l'esprit, de la gaité, des situations piquantes ; on a trouvé que c'était bien assez pour le succès d'une pièce en un acte. L'auteur a été demandé et nommé. C'est M. Caigniez, auteur du Volage.
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