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Samson, ou la Destruction des Philistins

Samson, ou la Destruction des Philistins, mélodrame héroï-comique en cinq actes, en vers, tiré de l'Écriture sainte et à grand spectacle, arrangé et mis en scène par Ribié, 20 février 1806.

Théâtre de la Gaîté.

La création de Samson ou la Destruction des Philistins a eu lieu au cours d'une représentation « au bénéfice de M. Paschal, et le Courrier des spectacles n° 3307 du 20 février précisait que ce « mélodrame en cinq actes » finissait par « l'Écroulement du temple des Philistins ».

Courrier des spectacles, n° 3309 du 22 février 1806, p. 2 :

[Avant d'en venir à la représentation de Samson, le critique rappelle qu'il ne s'agit pas d'une nouveauté, mais d'une nouvelle version d'une pièce déjà jouée il y a cinquante ans (il y a eu plusieurs Samsom au cours du 18e siècle, d'après la base César, dont une, en 1730, au Théâtre Italien, par Jean-Antoine Romagnesi). Il critique que l'adaptation n'ait pas renoncé aux accessoires ridicules qui convenaient au Théâtre Italien, mais déparent la scène du Théâtre de la Gaîté qui a acquis une respectabilité qui exclut le recours aux moyens de la farce. Après ces préliminaires, il ne reste plus qu'à résumer l'intrigue, qui peut paraître assez éloignée de ce que dit la Bible : Samson est amoureux de la fille du roi des Philistins et veut délivrer son père enfermé dans une tour, mais qui se retrouve enfermé avec son père. Samson profite de sa force pour s'évader en emportant son père sur une des portes d'airain de la tour, met en fuite l'armée des Philistins avec sa fameuse mâchoire d'âne, mais il a la faiblesse d'avouer à Dalila la source de sa force : elle lui coupe ses cheveux où réside sa force, il est enchaîné, mais trouve l'énergie pour faire s'écrouler le temple où il est enfermé. Cette fin spectaculaire est tout à l'honneur de Ribié, qui a monté la pièce. Les décors sont jugés très positivement, tout comme l'interprétation, remarquable par « l'ensemble qui a régné parmi les acteurs », avec une mention particulière pour les acteurs principaux qui ont joué Samson et Dalila.]

THÉATRE DE LA GAÎTÉ.

Samson.

Rien n’est plus connu que la force de Samson, sa chevelure, sa maîtresse Dalila, et la redoutable mâchoire d'âne avec laquelle il remporta tant d’illustres victoires sur les Philistins. Le drame qu’on vient de remettre au Théâtre de 1a Gaîté existe depuis plus d’un demi-siècle ; il a été représenté autrefois au Théâtre Italien ; mais comme peu de personnes sont en état de se rappeler cette représentation, elle a aujourd'hui tout le mérite de la nouveauté. Fallait-il lui conserver tous ses anciens ornemens, tels que l’Arlequin Philistin, la mâchoire d’âne, et le pauvre dindon contre lequel Arlequin éprouve son courage ? Ces accessoires étoient de rigueur pour des Bouffons Italiens ; mais le Théâtre de la Gaîté, malgré la liberté que semble lui donner son titre, a cependant acquis depuis quelque tems une certaine décence qui semble lui interdire la farce. Samson n’est- il pas un héros assez grand pour intéresser par son propre mérite ? et s’il faut quelque personnage plaisant pour égayer la sévérité du mélodrame, ne pouvoit-on pas trouver quelques moyens plus convenables que de grossières turlupinades ? Le respect pour les traditions l’a emporté ; Samson n’a pu s’affranchir ni de la société d’Arlequin, ni des gloussemcns du dindon.

Ce guerrier épris d’amour pour Dalila, fille de Roi des Philistins, n’en signale pas moins tous les jours son courage contre les ennemis de sa patrie. Instruit que son père a été fait prisonnier de guerre, il s’arme pour le délivrer, et pénètre dans la tour où ce vieillard est enfermé.

Les Philistins se réunissent, et enferment à-la-fois le père et le fils. Samson ne se déconcerte point ; il enlève les portes d’airain, place son père sur l’un des battans, et emporte le tout sur ses épaules. Les Philistins le suivent, l’arrêtent, et le chargent de liens. Samson adresse à Dieu une prière fervente, secoue sa crinière, brise ses chaînes, et s’armant de la redoutable mâchoire d’un roussin d’Arcadie, détruit ou met eu fuite toute l’armée des Philistins. Dalila étonnée de tant de prodiges, obtient de lui la révélation de son secret : elle apprend que toute sa force consiste dans ses cheveux et les lui coupe pendant son sommeil.

Un Arlequin, bouffon du Roi des Philistins, s’empare de la chevelure du héros, pare sa tête noire de ce trophée, attaque un dindon qui se trouve auprès de lui, le renverse, le tue, et le porte en triomphe à la cuisine. Cependant on amène Samson dans le temple de Dagon. Les Philistins l’entourent en insultant à sa foiblesse ; mais l’Hercule Israélite recueille ses forces, ébranle une colonnade et s’ensevelit avec ses ennemis sous les ruines du temple.

Ou conçoit quel effet produit tout ce fracas. La manière dont cette pièce est montée fait honneur au zèle et à l’intelligence de M. Ribié.

Les décorations différentes des cinq actes sont les plus belles que ce Théâtre puisse offrir, et l'ensemble qui a régné parmi les acteurs n’a presque rien laissé à désirer.

Le rôle de Samson est joué avec beaucoup de vigueur par S. Jules, et celui de Dalila avec beaucoup de talent par Mad. d’Herbouville, qui a souvent été vivement applaudie.

Sur la manière dont Ribié transforme l'histoire de Samson, on peut se référer à la thèse de Béatrice Ferrier, La Bible à l’épreuve de la scène : la transformation du sacré dans l’histoire de Samson (1702-1816), publiée chez Honoré Champion, 471 p., en 2014. Elle fait une large place à l'évolution de l'image de Samson, tout au long du 18e siècle et au début du 19e siècle, en montrant ses difficiles rapports avec le système politique, peu soucieux de voir mis en cause le pouvoir; la Bible devant légitimer le pouvoir, et non le contester.

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