Sémiramis, tragédie lyrique en trois actes, pièce qui peut être représentée sur tous les théâtres, moyennant de légers changemens, par P. J. B. Nougaret, né à la Rochelle. Prix 1 fr. 5 decimes. Paris, Hugelet, imprimeur, rue des Fossés Saint-Jacques, n° 4, près l'Estrapade, division de l'Observatoire. An 10, 1802.
Opéra imprimé et non représenté
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Titre :
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Sémiramis
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Genre
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tragédie lyrique
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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vers
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Musique :
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Date de création
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non représentée, publiée en 1802 (an X)
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Théâtre :
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non représentée
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Auteur(s) des paroles :
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P. J. B. Nougaret
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Almanach des Muses 1803
Le texte de la pièce est précédé d'un « discours préliminaire » dans lequel Nougaret justifie sa décision de publier un livret d'opéra refusé :
Dans l'âge où les gens de lettres sont le plus enivrés des illusions de la gloire, dont les prestiges sont souvent si trompeurs au Parnasse, je composai, avec enthousiasme, quelques tragédies lyriques, qui se sont perdues dans les bureaux de l'ancienne administration de l'Opéra ou Académie-Royale de Musique, présentement appelé Théâtre de la République et des Arts. Le poème de Sémiramis, que je me décide aujourd'hui à faire imprimer, est un de ces malheureux enfans de mon imagination, qui m'ont rapporté, jusqu'à ce jour, aussi peu de profit que d'honneur. Cependant celui-ci eut l'avantage de fixer un instant l'attention des puissances lyriques, et l'on va voir de quelle manière.
Après l'avoir achevé, j'en parlai plusieurs fois à Dauvergne, sur-intendant de la musique du roi, et alors directeur en chef de l'Opéra. Il m'engagea de ne rien négliger pour tirer de cet ouvrage tout le parti possible. Je le fis voir à Gardel l'aîné, qui le retint plusieurs jours chez lui, et me le rendit en me disant des choses très-flatteuses pour mon amour-propre, sur-tout de la part d'un artiste aussi distingué, aussi estimable, et que nous retrouvons heureusement dans la personne du citoyen Gardel le jeune, qui console les Arts, de la perte qu'ils ont faite en son frère aîné Enfin le comité de l'Opéra m'admit à lire mon poème, le 2 septembre 1785. Mais, à peine avais-je ouvert la bouche pour articuler mon titre, que je fus bien surpris d'entendre Dauvergne s'écrier qu'il y avait déjà plusieurs opéras intitulés Sémiramis ; entr'autre un poème de ce nom, paroles de M. M**** (si connu depuis par des ouvrages intéressans) , et dont M. G**** avait fait la musique. Je representai à ce directeur qu'il aurait pu me prévenir de cet obstacle, quand je lui avais parlé du sujet que je venais de traiter, et du titre que je donnais à ma pièce. Tout le comité garda un profond silence : il n'y eut que le cit. Lainez, qui, touché sans doute de mon embarras et de mon air timide, eut la bonté de m'encourager à poursuivre ma lecture. Quand je l'eus achevée, M. Delasalle, secrétaire, ouvrit son gros registre contenant les arrêts de Minos, et se hâta d'écrire à-peu-près ces lignes : Sémiramis, paroles de M Nougaret, refusé, à cause des autres poèmes sur le même sujet, traité par plusieurs Auteurs, ect. [sic] Ces graves formalités remplies, on me conduisit très-poliment jusqu'à la dernière porte.
Voilà l'une des mille infortunes littéraires, qui ont un peu refroidi mon enthousiasme poétique. Peut-être, quelque jour, ferai-je part au public de toutes les autres, afin de rire aux dépends de qui il appartiendra.
Cependant n'ayant point vu paraître la merveilleuse Sémiramis, dont le nom seul avait renversé la mienne, je crus qu'il fallait attendre un tems convenable pour reproduire mon ouvrage. Mais tandis que j'étais dans cette sécurité consolante, j'en suis tiré tout-à-coup par les, trompettes de la Renommée, qui apprennent à l'univers entier qu'on va représenter sur le théâtre des Arts, un poème intitulé Semiramis, paroles de Dériaux, déjà connu par celle de Bellerophon, et musique du cit Catel, jeune compositeur.
Cette nouvelle inattendue m'a fait prendre le parti de soumettre au public, par la voie de l'impression, mon poème rejeté en 1785, afin que s'il venait à paraître plus tard dans le recueil de mes œuvres, et qu'il offrît quelque ressemblance avec celui qui va jouir des honneurs de la repréentation, l'on ne m'accusât point d'être un plagiaire.
Comme il serait très-utile que les compositeurs Français adoptassent l'usage où sont les compositeurs Italiens, d'orner souvent de nouvelle musique le même ouvrage , ou un sujet déjà mis au theâtre, je me propose aussi d'engager quelques-uns des hommes de genie qui ont fait entendre des accords si touchans sur notre scène lyrique, de vouloir bien donner la vie et le sentiment à ma Sémiramis, ainsi que Prométhee anima d'un feu divin une statue d'argile, maintenant si fiere et si superbe sous le nom d'homme : les parvenus ont de tout tems oublié leur méprisable origine.
D'ailleurs, maintenant que la pantomime dialoguée, est devenue si à la mode, ne serait-il pas possible qu'un administrateur et directeur de quelque théâtre, imaginât de faire changer de forme à mon opera de Sémiramis, pour l'approprier au genre dont toute la France est engouée, à cause de l'enthousiasme qu'excitent de nos jours, les pièces à spectacle, les combats et la danse ? Je me preterai volontiers à cette metamorphose, qui me paraît facile à faire. Combien de pantonimes sont des espèces d'opéras, et combien d'operas sont loin de valoir des pantomimes ?
Je finis en avertissant les critiques, et sur-tout les terribles journaliste, que dans mon poème de Sémiramis, à-peu-près calqué sur la tragedie de Voltaire, je ne m'étais attaché qu'à produire de grands effets de musique, une varieté de décorations bien pittoresques, un spectacle riche et pompeux, des ballets naturellement amenés, et des situations interessantes. Peut-être tout cela commence--il aujourd'hui à passer de mode. C'est ce que nous apprendrons des nouveautés que l'on prépare au theâtre des Arts.
En achevant d'écrire ceci, j'apprends que la Sémiramis, du c. Dériaux est aussi une imitation de celle de Voltaire, et qu'elle contient un grand nombre de vers de cet illustre poète. Comme je ne me suis point avisé de cet expédient pour avoir un style sublime, je me flatte de pouvoir compter sur l'indulgence de mes lecteurs. La cadette de toutes les Semiramis, va paraître dans le monde avec tous les avantages possibles ; mais qu'elle n'oublie point qu'elle doit quelques égards à ses aînées.
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