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Shakespear amoureux, ou la Pièce à l'étude
Shakespear amoureux, ou la Pièce à l'étude, comédie en un acte et en prose, d'Alexandre Duval. 11 nivose an 12 [2 janvier 1804].
Théâtre Français
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Titre :
Shakespear amoureux, ou la Pièce à l'étude
Genre
comédie
Nombre d'actes :
1
Vers / prose
prose
Musique :
non
Date de création :
11 nivose an 12 (2 janvier 1804)
Théâtre :
Théâtre Français
Auteur(s) des paroles :
Duval
Almanach des Muses 1805
Shakespear amoureux de Miss Laurence, célèbre actrice, apprend d'une soubrette que, loin de répondre à son amour, Laurence lui préfère lord Wilson. Caché dans un cabinet, il découvre que sa maîtresse doit donner un rendez-vous pendant la nuit à son rival, et que Richard III est le mot de ralliement. Il profite de cette découverte, et donne le signal convenu. La soubrette qui, dans l'obscurité, le prend pour mylord, l'introduit et lui remet un billet de la part de Laurence. Celle-ci paraît, et le poète l'accable de reproches ; mais Laurence l'invite à lire le billet, Shakespear l'ouvre et y voit l'aveu de la préférence que Laurence lui accorde sur son rival.
Du comique, des longueurs, une excellente scène.
Courrier des spectacles, n° 2500 du 12 nivose an 12 [3 janvier 1804], p. 2 :
[L’accueil du public a été franchement mauvais, pour une « pièce à laquelle on ne sait si l’on doit donner le nom de comédie ou de drame » (et c’est important de savoir, apparemment). Le public a empêché qu’elle à son terme. L’intrigue repose sur une anecdote de la vie amoureuse de Shakespeare, que l’auteur de l’article résume avec précision avant d’en faire une critique sans pitié : plan faible, que ne rachètent pas des détails insignifiants et des scènes monotones. La seule scène qui trouve grâce à ses yeux est celle de la crise de jalousie de Shakespeare, à laquelle sa maîtresse oppose un calme absolu. Par contre utiliser le moyen plus qu’usé de la cachette dans un cabinet dont on sort en faisant semblant de ne rien avoir entendu est « bien petit et indigne de la scene française ». Si la pièce a déplu, les interprètes ont, eux, mérité des applaudissements.]
Théâtre Français de la République.
Premiere représentation de Shakespear Amoureux.
Ces amours là ont eu un fâcheux dénouement. Le parterre n’a pas voulu voir la fin de cette petite pièce à laquelle on ne sait si l’on doit donner le nom de comédie ou de drame. Ce dernier lui conviendrait mieux ; mais les sifflets ont décidé la question.
Une anecdote galante de Shakespear en a fourni le sujet, et la patience du public durant les trois-quarts de l’ouvrage, nous a permis d’en suivre le fil, et d’être à même de le communiquer au lecteur.
Shakespear séduit par les qualités brillantes de miss Laurence, actrice dont il a guidé les premiers pas dans la carrière dramatique, et à qui il confie de préférence ses plus beaux rôles, veut enfin lui faire l’aveu de son amour, et sous prétexte de lui faire répéter le rôle qu’elle doit remplir dans sa tragédie de Richard III ; il se rend chez elle, et là, il apprend d’une Soubrette que Laurence loin d’êtrs sensible à sa flamme, encourage celle de lord Wilson. Dévoré de jalousie, il se cache dans un cabinet d’où il entend les conseils que la soubrette donne à sa maîtresse en faveur de son rival, l’éloge qu’elle fait de ce Seigneur, en même tems qu’elle abaisse le mérite du Poëte, et le projet d’un rendez-vous qui introduira lord Wilson le soir dans la maison à un signal convenu. Richard III est le mot de ralliement ; il profite de cette découverte, et à l’heure indiquée pour le rendez-vous, il se trouve sous la croisée, frappe à la porte, répond Richard III, est introduit et pénetre jusqu’à l’appartement de Laurence. La Soubrette qui dans l’obscurité le prend pour Milord, lui remet une lettre qu’il ne lit point, mais lorsque l’actrice paroît il l’accable de reproches, et ce n’est qu’après une longue et très-longue scene de jalousie qu’il s’avise d’ouvrir la lettre où il lit l’aveu de la préférence que Laurence lui accorde sur son rival.
La foiblesse de ce plan auroit dû être rachetée par l’agrément des détails, par la variété des scenes ; mais les uns sont insignifians pour la plupart , et les autres sont d’une monotonie assoupissante. Une seule a véritablement offert une situation dramatique, quoiqu’aujourd’hui elle ne soit plus neuve ; c’est celle où Shakespear se livrant à toute sa jalousie, s’emporte contre sa maîtresse qui s’imagine qu’il s’occupe du quatrième acte de son Othello. Le calme qu’elle oppose à la fureur du poëte offre un contraste qui a été généralement applaudi. Mais pour arriver à cette scene, que de verbiage ! que d’inutilité ! et pour la faire naître, devineroit-on que Shakespear a recours au même moyen qu’emploie, si parva licet componere magnis, le Niais de Sologne, celui d’écouter les complots de ses adversaires, de faire semblant de sortir et de se présenter ensuite comme s’il ignoroit tout ce qu’on a tramé contre lui. Un pareil moyen est bien petit et indigne de la scene française. Après cette scene, l’ouvrage a langui comme auparavant, et n’a pu être achevé quoique l’on ait applaudi Mad. Talma, à qui on a fait quelques applications favorables dans le rôle de Laurence, Mlle Devienne qui a joué avec finesse celui de la Soubrette, et sur-tout Talma qui a déployé dans celui de Shakespear un talent véritable et digne d’un meilleur succès.
F. J. B. V. G***.
Mercure de France, littéraire et politique, tome quinzième (an xii), n° CXXXII du 16 Nivose an 12 (Samedi 6 Janvier 1804), p. 122-124 :
THÉATRE FRANÇAIS.
Shakespear amoureux, ou la Pièce à l'étude, comédie en un acte et en prose.
C'est encore une anecdote qui a fourni le sujet de cette pièce, mais il a fallu la dénaturer pour la mettre sur la scène; et quoique les changemens qu'on lui a fait subir soient commandés par les convenances théâtrales, ils lui ont malheureusement enlevé tout ce qu'elle avait de piquant et de vraisemblable. Shakespear, amoureux d'une actrice et profitant d'un rendez-vous accordé à un lord son rival, voilà une historiette assez plaisante pour avoir pu, dans le temps, occuper deux ou trois jours les salons de Londres. Mais, quand il a été question de l'ajuster au théâtre, les lois de la décence ont exigé qu'on nous présentât l'actrice comme un modèle de- vertu et de délicatesse, et qu'on supposât qu'un rendez-vous indiqué mystérieusement au milieu de ta nuit, avait été donné en tout bien et tout honneur. De la nécessité de remplir un acte avec ce petit conte, il est résulté qu'une pièce assez courte a paru offrir des longueurs, et que bien qu'il n'y ait en tout que trois personnages dans cette comédie, on en a encore trouvé un de trop.
Shakespear, amoureux de la jeune Clarence, son élève, a pour rival lord Wilson. Clarence est enthousiaste de son maître ; elle en parle sans cesse sur le ton de l'admiration, et cependant le poète ne se doute pas de la passion qu'il allume. Il se présente pour donner une leçon à l'actrice ; mais la soubrette, bien payée par son rival, l'éconduit assez malhonnêtement. Au lien de sortir, il entre sans être aperçu dans un cabinet voisin, d'où il entend bientôt la perfide soubrette mettre tout en usage pour le faire congédier. Le résultat de cet entretien est que lord Wilson doit-être admis à onze heures du soir en prononçant le mot de Richard III. Clarence consent, car elle ne répond rien ; pour Shakespear il se promet bien de mettre à profit cette découverte. Il sort du cabinet et fait semblant d'entrer chez l'actrice, pour lui faire répéter son rôle.
Cette scène promettait d'être brillante; elle offrait l'occasion toute naturelle de coudre à la pièce une des tirades du poète anglais, et il semble que dans le nombre de ses tragédies, il n'était, pas difficile de trouver un morceau qui se rapportât à la circonstance. L'auteur a effectivement essayé de traduire une déclaration d'amour qu'il fait réciter par Clarence ; mais on écoutait assez froidement cette traduction, lorsque Shakespear a un peu ranimé la scène :en se livrant à un emportement de jalousie. L'actrice, qui ne pouvait deviner la cause de tout ce fracas, s'imagine qu'il compose Othello, et le presse d'aller mettre ses idées sur le papier. Cette idée a paru plaisante et a été fort applaudie. Le poète sort et la soubrette presse de nouveau sa maîiresse de recevoir lord Wilson ; mais Clarence, qui a la tête encore exaltée de la leçon qu'elle vient de recevoir de son instituteur, ne veut plus entendre parler du lord, et lui écrit une lettre de congé. Dans ce moment Shakespear rentre, enveloppé de son manteau ; la soubrette dans l'obscurité, le-prend pour Wilson et lui remet le billet doux. Clarence est fort étonnée de revoir son amant qui débute par l'accabler de reproches, et qui se détermine enfin à lire le billet adressé à son rival. Alors les sifflets, que les applaudissemens avaient plus d'une fois comprimés, ont repris le dessus, et l'orage est devenu si bruyant que les acteurs ont été réduits au silence. D'après un mouvement que Talma-Shakespear à fait vers la fenêtre, on peut conjecturer qu'il voyait arriver lord Wilson, et qu'il lui criait, comme le rapporte 1 anecdote : « Richard III peut se retirer, Guillaume est maître de la place. »
Cette pièce annonce du talent et de la connaissance de la scène : plusieurs de ses détails ont été applaudis et méritaient de l'être ; mais le rôle de la soubrette, qui n'est qu'impertinente et intéressée, a paru n'être du goût de personne. Du reste, cette production a été jugée avec sévérité, et, à tout prendre, elle n'a d'autres défauts que ceux qui sont nécessairement attachés à un fond vicieux et à un .mauvais genre. Ceux qui étaient venus pour voir Talma dans un rôle comique ont été trompés dans leur attente ; Shakespear n'est pas sorti un instant du ton digne et ennuyeux du drame.
Le Nouvel Esprit des journaux, tome cinquième (pluviôse an 12, janvier 1804), p. 261-265 :
[La pièce de Duval a d’abord été sifflée, mais elle est revenue au théâtre où elle a été applaudie, grâce aux changements que l’auteur a su lui apporter. Il a su en supprimer tout ce qui l’alourdissait. L’auteur a choisi de montrer un Shakespeare amoureux, et le critique propose d’autres scénarios possibles, qui auraient conduit à une pièce blessant « la délicatesse française » (ce qui nous rappelle la réputation sulfureuse de Shakespeare autour de 1800, dont l'œuvre est vue comme « mélange de sublime et trivialité, de grandeur et de bouffonnerie, d'exagération et de naturel ». C’est donc une anecdote galante que la pièce met sur le théâtre et l’auteur a su éviter les difficultés que cette transposition comportait. Le meilleur de la pièce, c’est « une scène charmante où la jeune actrice voyant le poëte se livrer à ses transports jaloux, croit qu'il compose », et applaudit ce qu’elle croit simple scène de théâtre. La fin du compte rendu est consacré aux interprètes, et en particulier Talma, très remarqué, et très applaudi. Après l’échec de la prmeière représentation, l’auteur a été nommé lors de la seconde.]
Shakespear, amoureux.
Ce n'est point
Du parterre en tumulte au parterre attentif,
qu'en a appellé M. Duval, auteur de Shakespear, amoureux, pièce donnée sans succès il y a quelque tems, et représentée dernièrement pour la seconde fois, et unanimement applaudie : c'est à sa raison, à son expérience des effets de la scène, à son propre talent enfin que cet auteur en a appellé pour rectifier dans son ouvrage ce qui avait pu lui nuire ; pour élaguer quelques détails qui tenaient plus de la déclamation qu'ils n'appartenaient à l'action ; pour faire ressortir enfin les traits principaux, en les débarrassant d'un courage inutile, inconvenant peut-être, et de discussions hors de place.
L'auteur de la pièce nouvelle a peint Shakespear, amoureux ; il eût pu le peindre encourageant un jeune rival, poëte tragique, et faisant à son égard ce que notre Molière fit pour Racine ; il eût encore pu le peindre noble et généreux dans sa retraite, visitant la veuve d'un ami, et la forçant d'accepter un don considérable : peut-être s'il avait cherché à représenter, dans le personnage même de Shakespear, ce mélange de sublime et trivialité, de grandeur et de bouffonnerie, d'exagération et de naturel qui caractérisent ses ouvrages, notre auteur eût-il offert à la scène un caractère neuf ; mais la délicatesse française en eût sans doute été blessée.
Quoiqu'il en soit, M. Duval s'est borné à nous représenter Shakespear, poéte, comédien, amoureux et jaloux : il a mis à la scène cette aventure du tragique anglais, qui devançant dans un rendez vous amoureux un lord qui devait s'y présenter avec le mot d'ordre Richard III, lui cria par la fenêtre que Richard III pouvait s'éloigner, que Guillaume occupait sa place.
Cette aventure galante n'eût pas été traitée sur notre scène sans une extrême difficulté. L'auteur a senti quel écueil il avait à éviter ; il a donné à l'actrice dont Shakespear est épris, les traits sous lesquels on nous dépeint les Anglaises ; ceux d'une beauté régulière sur le cœur de laquelle les passions violentes ont peu d'empire. De cette conception, il est résulté que la jalousie de Shakespear est peu motivée, que le personnage de Clarence n'offre pas un caractère assez prononcé pour la scène, et qu'il ne règne pas dans l'ouvrage en général un intérêt assez pressant en faveur du poëte.
Aussi a t-on moins remarqué le talent avec lequel l'auteur a tracé le rôle principal, l'énergie qu'il lui a donnée, et la chaleur qu'il prête à ses discours, que l'art avec lequel il a ménagé une scène charmante où la jeune actrice voyant le poëte se livrer à ses transports jaloux, croit qu'il compose, qu'il répète devant elle une scène d'Othello, et applaudit de la meilleure foi du monde à l'exaltation de ses discours, au désordre de ses gestes, à la fureur qui anime ses regards. Cette scène est d'un vrai comique. Elle se rattache à des détails intéressans qui suffiraient pour désarmer la critique en faveur d'un ouvrage qui est moins présenté par son auteur comme une comédie, que comme une anecdote destinée à servir en quelque sorte de cadre au portrait d'un homme célèbre.
Talma, en paraissant dans le rôle de Shakespear, a été si vivement applaudi, qu'on n'a pu s'empêcher de reconnaître dans cette marque de bienveillance du public, un signe certain du souvenir que l'on conserve des succès de cet acteur dans les rôles d'Othello, de Macbeth et d'Hamlet ; mais les applaudissemens ont redoublé lorsqu'on a pu observer l'art avec lequel Talma a su passer du ton familier de la conversation, à l'élévation de celui du poëte qui s'enflamme, de l'acteur qui déclame, ou plutôt de l'amant qui emprunte le rôle de l'acteur pour exprimer un amour violent et une jalousie furieuse : on a dit avec peu de fondement, que Talma avait fait dans ce rôle un essai de son talent dans le genre comique. Longtems il a paru dans ce genre : il y a fait preuve d'une intelligence remarquable et d'une décence théâtrale parfaite : il était appellé sans doute à la tragédie, mais il est de la nature du talent d'un grand comédien, de ne connaître aucun rôle qui lui soit étranger, à moins qu'un obstacle physique ne s'y oppose formellement. Shakespaer ne jouait bien, dit-on, que le spectre d'Hamlet ; Garrick fut plus habile, il jouait supérieurement tout ce que le théâtre de son tems lui offrait de rôles dans tous les genres. C'est pour nous une occasion nouvelle de rapprocher son nom de celui de Talma.
Madame Talma remplit le rôle de l'actrice, Clarence, dans le véritable esprit de l'auteur ; ses traits ont de la candeur, son maintien de la décence, son organe, de la douceur et du charme ; nous croyons même que ces dons naturels empruntent un effet nouveau de la situation où elle est placée, et du costume que le lieu de la scène exige.
A la seconde représentation, l'auteur a été demandé de toutes parts, et nommé au bruit des applaudissemens.
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