Sigebert, roi d’Austrasie, ou l’Amour gaulois

Sigebert, roi d’Austrasie, ou l’Amour gaulois, drame héroïque en trois actes, en prose, mêlé de chant, d'André-Joseph Grétry neveu, musique de Byesse, 4 octobre 1806.

Théâtre des Élèves, rue de Thionville.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Ducrocq, an xv. – 1806 :

Sigebert, roi d’Austrasie, ou l’Amour gaulois, drame héroïque en trois actes, en prose, mêlé de chant. Paroles de M. Grétry neveu, Musique de M. Byesse. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre des Elèves, rue de Thionville, le 4 octobre 1806.

Courrier des spectacles, n° 3527 du 6 octobre 1806, p. 2-3 :

[L’article s’ouvre sur un ton un peu badin, sur ce roi qui est « logé un peu à l’étroit » dans un théâtre bien modeste. Mais ce roi est un roi d’Austrasie à la cour fort modeste. Ce retour de Sigebert au théâtre est un grand succès : on est loin « de ces productions monstrueuses » mal écrites, « sans liaisons comme sans intérêt » et pleines d’« inepties », ce mélodrame est « un opéra en trois actes, plein d’intérêt et bien exécuté », « sagement conçu, conduit avec adresse » et « riche d’une composition musicale » de qualité. Il a bien sûr des défauts : dénouement trop brusque, effets pas assez ménagés, scènes languissantes, mais ces défauts peuvent être gommés. Le résumé de l’intrigue jette le lecteur dans une intrigue pleine de rebondissements (le plus important étant le dénouement, que rien ne semble préparer). Il y a tous les ingrédients nécessaires à un mélodrame, un amour contrarié, un roi amoureux qui enferme dans une tour la femme qu'il aime, qui emprisonne son rival qui vient pourtant de sauver son trône par sa victoire, et un dénouement qui récompense la vertu, en faisant accepter par le roi le mariage des deux amoureux. La musique est présentée comme une composition « sage et bien adaptée au sujet », fort éloignée des « compositions bruyantes qui-étourdissent le public par un vain tapage » qu’on rencontre habituellement dans les mélodrames. Les interprètes « n’ont presque rien laissé à désirer dans leurs rôles ». lls semblent dignes de jouer dans « nos grands spectacles ». Il ne reste plus qu’à nommer les deux auteurs.]

Théâtre des Elèves.

Sigebert, Roi d'Austrasie,

Ce monarque se trouve logé un peu à l’étroit. Le théâtre de la rue Thionville est plutôt un joli boudoir de théâtre, qu'un palais destiné à recevoir des rois. La pompe des cours et le faste des souverains se déploient mal dans un espace aussi resserré ; mais il faut ici se souvenir que le prince que l’on met en scène est un roi d’Austrasie, dont la cour, ainsi que celle des rois de Neustrie, d’Orléans ou d’Aquitaine, étoit alors composée de quelques écuyers et deux ou trois paladins avec les dames de leurs pensées. Il ne faut donc pas se presser de faire un crime à Sigebert d’avoir modestement choisi ce théâtre pour reparoître après quatorze siècles. Sa résurrection a été une véritable fête pour les spectateurs : c’est dire que l’ouvrage a eu le plus grand succès, et qu’il attirera les curieux à ce théâtre. Nous n’avons pas ici à parler d’une de ces productions monstrueuses où la langue offensée à chaque ligne crie vengeance contre ceux qui l’osent mutiler, d’un de ces mélodrames sans liaisons comme sans intérêt, qui ne se soutiennent que par les inepties qui font pâmer d’aise les ignorans ; il s’agit d’un ouvrage sagement conçu, conduit avec adresse, et riche sur-tout d’une composition musicale qui seroit entendue avec plaisir sur un plus grand théâtre. Sigebert est un opéra en trois actes, plein d’intérêt et bien exécuté.

Le dénouement en est trop brusque, et plusieurs effets ne sont pas assez ménagés, quelques scènes languissent, mais ces derniers défauts peuvent disparoître aux représentations suivantes, et alors la pièce aura encore plus de succès.

Sigebert, roi d’Austrasie, a recueilli et comblé de bienfaits la jeune et intéressante Cécile, dont la beauté a fait une vive impression sur son cœur. Mais Cécile aime Lincor, jeune héros, célèbre par plusieurs exploits, à qui Sigebert vient encore de confier la défense de son royaume : pendant l’absence de ce héros, le roi déclare sa passion à Cécile, mais celle-ci reste fidèle à son chevalier ; Sigebert insiste, et la menace de son courroux ; elle demeure inflexible. Cependant Lincor a marché aux ennemis, et sa victoire a affermi le trône de son roi. A son retour, il est précédé de mille chants de victoire, mais il ne retrouve pas sa bien aimée que Sigebert a fait arrêter et renfermer dans une tour. Olivier, son ami, l’instruit des desseins du roi ; Lincor veut s’y opposer, mais il n’est plus tems : Sigebert arrive avec des gardes, et ordonne qu’on lui ôte son épée. On se douteroit presque après cette violence, que Lincor va partager le sort de son amante ; mais Sigebert est un roi qui sait maitriser ses passions, il s’est reproché déjà plus d’une fois le mal qu’il faisoit en voulant forcer l’inclination d’une jeune personne, et en rendant malheureux celui dont la valeur venoit de défendre et de sauver sa couronne. Au moment où Lincor s’exhale en reproches contre lui, il fait sortir Cécile de sa tour, et la lui donne en mariage.

La musique de cet opéra n’est pas une de ces compositions bruyantes qui-étourdissent le public par un vain tapage ; elle est sage et bien adaptée au sujet. Plusieurs morceaux sont écrits avec beaucoup de pureté et d’élégance. L’exécution est au-dessus de ce qu’on peut se promettre dans un théâtre où on est peu habitué à jouer et à chanter l’opéra. MM. Grévin, Fontenay, Douvry, et sur-tout Mlle Pauline, n’ont presque rien laissé à désirer dans leurs rôles. Bref, c’est un des ouvrages les mieux joués par cette troupe qui fournit chaque jour des recrues très-habiles à nos grands spectacles.

Les auteurs sont, pour les paroles. M. Grétry, neveu ; et pour la musique, M. Biesse.

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