Le Tombeau des imposteurs et l'inauguration du Temple de la vérité, sansculottide dramatique en trois actes, mêlée de musique, de Léonard Bourdon, Moline et Plancher-Valcour, musique de Foignet (vaudevilles) et Porta (musique nouvelle).
Pièce non représentée. Elle a été interdite par le Comité de salut public le 2 nivôse an 2 [22 décembre 1793].
Bulletin de la Société historique et archéologique de l'Orne, tome 11 [Alençon, 1892], p. 427
« Trois écrivains », dit M. Jauffret, à propos de cette pièce, « Léonard Bourdon, Moline et Valcour, avaient réuni leurs efforts pour produire ce chef-d'œuvre d'indécence et d'audace....... cette sans-culottide paraît ne pas avoir été représentée ». Si elle l'a été, elle a été interdite par un arrêté du comité de salut public pris à la fin de 1793. Le comité n'entendait pas « qu'on ridiculisât la messe, la confession auriculaire et les autres pratiques du culte catholique romain ».
Le comité interprétait largement sa défense Il fallait que le Tombeau des imposteurs fût bien impie, puisque le Jugement dernier des Rois fut toléré, joué sur le théâtre de la république le 18 octobre 1793 et jours suivants « couvert d'applaudissements » (Martainville).
La supposée indulgence envers ce Tombeau des imposteurs, à un moment où le comité de salut public rejette les attaques contre le dogme catholique, reflète plus les tensions existant au sein des Montagnards, hébertistes contre partisans de Robespierre qu'un désir d'empêcher le blasphème.
Alphonse Aulard, Le Culte de la raison et le culte de l'être suprême, 1892, p. 146 :
Quand Léonard Bourdon voulut faire jouer sa Sans-culotide dramatique en trois actes, pièce anti-chrétienne, le Comité de Salut public prit, le 2 nivôse an II, l'arrêté suivant, qui est de la main de Robespierre :
« Le Comité de Salut public, voulant déconcerter les manœuvres contre-révolutionnaires pratiquées pour troubler l'ordre public, en renouvelant les querelles religieuses ;
« Voulant faire respecter le décret rendu le 16 frimaire par la Convention nationale pour maintenir la paix et la liberté des cultes ;
« Fait défendre au théâtre de l'Opéra et à tous autres de représenter la pièce intitulée : le Tombeau des imposteurs et l'inauguration du Temple de la Vérité, et toutes celles qui peuvent tendre au même but; sous les peines portées par les décrets précédents contre ceux qui abusent du théâtre pour favoriser les vues des ennemis de la Révolution.
« Robespierre, B. Barrère. »
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, « L'an 2e de la République Française, une et indivisible. De l'imprimerie des 86 Départemens, rue fauxbourg Poissonnière, n.° 2. » :
Le Tombeau des imposteurs et l'inauguration du Temple de la vérité, sanculotide dramatique en trois actes, mêlée de musique. Par les citoyens Léonard Bourdon, Moline, et Valcour. Les accompagnemens des Vaudevilles,par le citoyen Foignet, et la musique nouvelle parle citoyen Porta.
La page de titre est précédée des trois pages d'une épitre dédicatoire au pape :
[Une attaque contre l'Église et la papauté, affirmant que Jésus n'est pas dieu (sans majuscule...) et que le Pape et les évêques sont des imposteurs se complaisant dans la richesse.]
ÉPITRE DÉDICATOIRE
AU PAPE,
Du chef-lieu de la Révolution Française.
Très-saint-père,
Les lumières, dit-on, vont toujours en croissant. D'après cet axiome, votre Sainteté doit savoir à quoi s'en tenir sur les momeries du culte du Christ ; car on sait ce qu'en pensoient vos prédécesseurs, Benoît XIV, et Ganganelli.
Nous sommes donc persuadés que vous partagez notre opinion sur Jésus ; que le titre de son vicaire ne vous engage point à la dissimulation. Il y a si peu de conformité entre vous et lui, que VS. est dispensée de prendre sa défense, car on ne défend jamais bien celui qu'on sert si mal.
Jésus n'a point abusé des étrangers par la violence la plus monstrueuse : il ne s'est point rendu coupable de viols, d'assassinats, d'empoisonemens, et de crimes encore plus affreux, ainsi que vos illustres prédécesseurs, les Evêques du département du Tibre. I1 est vrai qu'ils avoient été moines la plupart, et on sait quels terribles gens sont les moines.
Nous savons que le progrès des lumières ne permet plus aux vicaires de dieu toutes ces petites espiegleries, et que ce tableau n'a aucun rapport avec V. S. mais enfin, très-Saint-Père, le parallele n'en est pas moins choquant.
Jésus étoit pauvre, et vous vivez dans l'opulence Il nâquit dans une étable, entre un bœuf et un âne ; (symbole de la farce de l'Eglise et de la science de la Sorbonne.) il vécut chez un Charpentier, et vous habitez des Palais ; souvent il ne savoit où reposer sa tête, et vous couchez mollement dans des lits d'Edredon. Ce ne fut qu'à son entrée triomphante dans Jérusalem, qu'il prit pour monture un âne ou une ânesse, (Je ne sais trop lequel : on a malheureusement beaucoup disputé sur ce point si important de la Religion, sans pouvoir l'éclaircir.) Vous, au contraire, Saint Père, vous vous promenez dans des chars brillants, bien commodes, bien suspendus, où l'on vous porte en triomphe sur les épaules ; Jésus alloit tête nue, parce que les bonnets rouges n'étoient pas encore inventés, et vous vous coeffez modestement d'une triple couronne; sa table étoit [f]rugale. et la vôtre nourriroit-deux mille Sans-Culottes ; Jésus prêchait la paix, et vous soufflez par-tout le feu de la discorde.
Il n'existe donc, aucune conformité entre Jésus et vous. Jésus fut un homme juste ; mais il ne fut pas dieu. Il est donc essentiel de désabuser les simples qui croyent encore à sa divinité, sur la parole des Jongleurs ; il est essentiel de dévoiler les turpitudes de ces joueurs de gobelets. Nous vous offrons, Saint Pere, ce fruit de notre travail ; nous l'avons entrepris pour l'édification des fideles, et nous prions V. S. d'en accepter l'hommage. Nous ne baisons point votre mule, parce qu'il faudroit nous courber, et que des républicains restent toujours debout : quant à votre bénédiction, nous ne vous la demandons pas, parce que nous l'estimons tout juste ce qu'elle vaut.
Nous sommes avec le dégré de vénération que vous devez nous supposer pour votre personne sacrée.
TRÈS-SAINT-PÈRE,
LES RÉPUBLICAINS, AUTEURS
du Tombeau de l'Imposture,
Amis des loix et des mœurs,
Et tolérans par nature ;
Mais détestant les Jongleurs.
LÉONARD BOURDON, MOLINE, ET VALCOUR.
Du mois Nivose de l'an deuxieme de la Republique française, une et indivisible.
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